Révolution d’octobre ou non-événement?

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Sur proposition de la Commission européenne, le conseil des ministres chargés de la compétitivité du 25 septembre 2006 a décidé à l’unanimité d’abroger le règlement 4056/86 qui accordait l’exemption de groupe aux conférences maritimes. Après un combat d’une dizaine d’années, les chargeurs européens triomphaient, mettant fin à un système remontant à la fin du XIXe siècle. Cette décision sera effective le 18 octobre prochain. En juillet, la Commission doit rendre publique les lignes directrices sur l’application des règles de concurrence au transport maritime; lignes âprement discutées entre les chargeurs européens et les membres de l’European Liner Affairs Association.

Présents à cette conférence, François Patier – directeur général d’OOCL France – et Mathieu Roger – responsable de l’Afrique de l’Ouest chez Mærsk – n’ont pas commenté l’organisation du transport de ligne régulière touchant l’Union européenne après le 18 octobre en général. François Patier a juste souligné que si le système conférentiel vivait ses derniers mois, les consortia sont assurés de leur survie jusqu’en 2010, voire 2015. Cela dit, la première forte évolution dans la ligne régulière remonte à une dizaine d’années avec la mise en place aux États-Unis de l’Ocean Shipping Reform Act, a rappelé le d.g. d’OOCL. Soutenu par la National Transportation Industrial League et Sea-Land, compagnie encore américaine, l’OSRA permettait à un chargeur de ligne et à son fournisseur de transport de « plonger dans l’opacité » en gardant secrètes leurs conditions tarifaires et facilitait l’action indépendante. Mais l’OSRA maintenait le principe de fixation commune des taux de base, ainsi que des surchages.

François Patier a conclu que le 18 octobre 2008 marquerait « une étape supplémentaire vers un rapprochement encore plus étroit avec nos clients ».

Ne négocier que sur la moitié du prix

À défaut de pouvoir aborder le fond du problème, Mathieu Roger a présenté le système de calcul de la surcharge combustible inauguré par Mærsk, il y a quelques semaines (JMM du 1-2-2008, p. 4). L’idée de Mærsk est de mettre en place des formules de calcul « justes » pour toutes les surcharges afin de concentrer son action commerciale sur la négociation du taux de base qui, sur certaines dessertes, représente à peine la moitié du prix de transport « all in ». François Soulet de Brugière, d.g. de la Société de recherche et de synergie et président du Port autonome de Dunkerque, et Jean-Louis Cambon, directeur de Michelin Ocean management committee, n’ont pas cacher leur joie après cette annonce.

Fort de « ses » 101 000 EVP environ achetés chaque année, François Soulet de Brugière a douté sérieusement de la justesse du calcul de Mærsk. Il s’interroge en effet sur la crédibilité d’une compagnie qui refuse d’indiquer la capacité utile de ses plus gros porte-conteneurs? Ce qui a un lien direct avec la consommation à l’EVP par jour de mer. Mærsk considère qu’au delà de 95 $/t de combustible, il y a surcharge combustible. Qui se souvient encore de l’époque où le combustible valait 95 $/t? En outre, François Soulet de Brugière soulève d’autres questions. Comment peut-on croire que Mærsk ne se couvre pas à terme pour l’achat de ses soutes et qu’il ne négocie pas avec les pétroliers des contrats de masse? Et à quels prix Mærsk achète-t-il ses soutes? Bref, le président du Port autonome de Dunkerque semble avoir mal digéré le court préavis que donna le premier armateur mondial conteneurisé avant l’arrêt de ses escales à Dunkerque.

Sur l’avenir des conférences, François Soulet de Brugière est encore plus direct: le seul évènement important d’octobre prochain sera le 4, jour de la Saint-François. Selon lui, le « vieux scandale » que représentent les conférences sera clos tout en notant qu’elles avaient déjà « beaucoup perdu ». Les clients qui ont mandaté François Soulet de Brugière veulent les prix les plus stables possibles, THC incluses, car les chargeurs ou réceptionnaires ne choisissent pas le manutentionnaire imposé par le transporteur.

Bientôt le paradis

Avec ses 173 000 EVP en 2007, dont la moitié en sortie d’Europe; l’Amérique du Nord, représentant également 50 % des importations, Michelin se présente comme un chargeur important qui négocie des taux « all in », voire gate in/gate out, c’est-à-dire THC inclus. Ancien cadre de CGM, puis d’OOCL, le directeur de Michelin Ocean management committee, Jean-Louis Cambon, connaît bien le fonctionnement des compagnies maritimes. Il a souhaité combattre les « idées réçues ». Pour lui, la disparition des conférences ne créera pas une déstabilisation durable du marché du transport de ligne, pas plus qu’elle n’entraînera une accélération de la concentration de l’offre armatoriale. Selon le représentant de Michelin, un rapport de l’OCDE datant de 2000 souligne que la concentration des compagnies maritimes a commencé dès le début des années quatre-vingt-dix (voir encadré). Comment accepter de négocier un taux de fret de base qui représente environ autant que les surcharges. Ces dernières sont les mêmes pour toutes les compagnies, qu’elles soient « conférence » ou indépendantes? Les THC et la BAF sont en « over recovery », les compagnies voulant maximiser leurs profits.

L’après 18 octobre sera, selon Jean-Louis Cambon, une sorte d’Eden dans lequel les relations entre clients et fournisseurs sont « apaisées ». Les seconds définiront chacun leur politique tarifaire constituée d’un « taux de base et de surcharges ». La qualité de service deviendra le critère déterminant. Clients et fournisseurs pourront réfléchir à des actions à mener dans l’intérêt commun comme la « grey box » (qui refait surface de façon inattendue) ou la définition de KPI (Key Performance Indicators) s’inspirant de ce qui vient de se mettre en place pour comparer l’efficacité des terminaux à conteneurs (JMM du 7-3-2008, p. 7).

Extraits des rapports de l’OCDE

Paru en 2000, le rapport de l’OCDE sur les « questions relatives à la réglementation du transport maritime international » traite déjà des effets possibles de la fin des conférences maritimes: « Il faut aussi noter cependant qu’avec le temps le système des conférences s’est considérablement affaibli et de nos jours les conférences n’ont plus la position sur le marché qui était la leur dans les années soixante ou soixante-dix », page 78.

Et dans le rapport final de l’OCDE sur la politique de la concurrence dans le transport maritime de lignes régulières daté du 30 mai 2003, il est précisé page 87 que: « Les transporteurs devraient être en mesure de continuer à conclure des accords d’exploitation et/ou de capacité avec d’autres transporteurs, aussi longtemps que ces accords ne confèrent pas aux parties intéressées un pouvoir de marché indu. »

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