Du (beau) monde. Il y avait du monde à la Tour Saadé, « figure emblématique de Marseille et incarnation de l’audace entrepreneuriale d’un homme » selon les invités de marque, pour le baptême de la « promotion Jacques Saadé » de l’ENSM au siège de l’armement français, auquel assistaient la ministre de la Transition énergétique Élisabeth Borne, le secrétaire d’État aux Transports Jean-Baptiste Djebbari (son premier déplacement), mais aussi Frédéric de Moncany, président du Conseil d’administration de l’ENSM, le président du conseil de surveillance du port de Marseille Jean-Marc Forneri et de son directeur général, Hervé Martel, des élus locaux et députés, des représentants de toute la chaîne du transport maritime… Et entre deux lignes de son discours, Rodolphe Saadé a glissé que ses cinq navires alimentés au GNL de 15 000 EVP, exploités sur les lignes Asie-Méditerranée, seraient avitaillés à Marseille-Fos par Total. Attendu et inattendu à la fois. CMA CGM et la filiale du groupe pétrolier français en charge de la commercialisation de carburant marin, Total Marine Fuels Global Solutions (TMFGS), avaient déjà signé un contrat d’affrètement long terme pour que les 9 porte-conteneurs de plus de 22 000 EVP propulsés au GNL, dont le premier attendu à partir de 2020 s’appellera CMA CGM Jacques Saadé, le soient par le groupe pétrolier français. À partir de Rotterdam et via un souteur exploité avec l’armateur japonais Mitsui OSK (Mol). Total fournira ainsi à CMA-CGM environ 300 000 t/an de GNL à partir de 2020.
Cette fois, le bénéfice est pour les bassins Ouest de Marseille, que le premier port pétrolier de France aimerait positionner comme l’une des principales portes gazières du sud-européen. Fos, où se situent les terminaux méthaniers Tonkin et Cavaou, devra jouer face à Barcelone, qui s’impose parmi les hub GNL stratégiques en Méditerranée.
Total est à ce jour l’un des rares à avoir deux souteurs de grande capacité quasi opérationnels. Outre le navire avitailleur avec Mol, il a signé un contrat d’affrètement à long terme pour un autre avec Pavilion Energy, l’un des fournisseurs de Singapour, qui sera mis en service en 2021.
Si le GNL ne compte pas encore pour beaucoup dans la production de Total, le carburant dit de demain concentre indubitablement ses intérêts. Pour rappel, fin 2017, le Français avait repris les participations d’Engie, lui assurant un volume total de 40 Mt par an et une capacité de liquéfaction de 23 Mt par an d’ici 2020. Total serait désormais le deuxième fournisseur mondial (parmi les entreprises privées) de GNL.
TMFGS est aussi le fournisseur de Brittany Ferries pour alimenter en GNL le futur Honfleur, qui assurera la liaison entre Ouistreham et Portsmouth. En l’absence d’infrastructures dans les ports desservis par le futur fleuron de la flotte, la filiale de Total s’est associée à Dunkerque LNG, l’exploitant du terminal méthanier de Dunkerque et le groupe Charles André pour assurer l’approvisionnement grâce à des iso-conteneurs, acheminés par camions depuis le terminal méthanier de Dunkerque au port de Ouistreham.
Pour qu’il y ait un changement radical d’attitude et d’action à l’encontre du GNL marin, alors que le monde de l’avitaillement est en train de basculer, poussé par une réglementation qui va bannir à tout jamais le fuel lourd, l’enjeu n’est pas tant l’avitaillement en GNL que les infrastructures de soutage.
Selon le lobby industriel SEA/LNG, 24 des 25 premiers ports mondiaux seraient équipés pour ravitailler. La flotte mondiale totaliserait désormais une dizaine de souteurs (il n’y en avait qu’un seul en 2017) tandis que 30 unités devraient entrer en service dans les cinq ans.
74 %
Les taux d’occupation moyens sur le trafic Asie-Europe du Nord passeront d’environ 74 % au deuxième trimestre à plus de 72 % au troisième trimestre 2019, selon MDS Transmodal.