La concentration reste un sujet dans le secteur du conteneur et elle ne se limite pas aux exploitants des porte-conteneurs. Sur les quais, les grandes entreprises de manutention s'arrogent des parts de marché substantiels. Dans ce secteur, les sept plus grands groupes gèrent désormais 40,4 % du volume portuaire mondial (sur la base du débit ajusté aux fonds propres) à en croire la dernière actualisation réalisée par la société de conseil britannique Drewry.
L’écart entre les plus « riches » et les plus « pauvres » se creuse de surcroît. Sur un volume mondial de 428 MEVP traités par les opérateurs portuaires, les sept leaders consolident 350 MEVP. C’est dire qu’en dehors de ce cénacle de privilégiés, les « autres » se partagent 78,8 MEVP.
Dans ce classement des 21 premiers opérateurs mondiaux, Adani, AD Ports Group et Hapag-Lloyd y font leur entrée tandis que l'acquisition de SAAM Ports (par l’armateur allemand) et la prise de contrôle des activités portuaires africaines de Bolloré (par MSC) a fait disparaître du classement les deux mastodontes.
MSC/Til, plus forte croissance
PSA International reste en tête avec ses 62,6 MEVP manutentionnés en 2023, en hausse de 4,6 % par rapport à 2022. Le Singapourien a encore une longueur d’avance de 7 MEVP sur China Merchants, qui s'est hissé à la deuxième place avec un volume de 55 MEVP. Mais ce dernier est dans une dynamique plus favorable (+ 8,7 %). L’autre opérateur chinois du classement, Cosco Shipping Ports, est dans la roue de son compatriote (53,8 MEVP) mais n’est pas tout à fait dans la même dynamique (+ 1,4 %). C’est ce qui explique son déclassement (il a occupé la seconde place dans d’autres classements).
C’est Til (du groupe MSC) qui a enregistré la plus forte croissance (+ 10 % avec 42,3 MEVP) mais par un effet mécanique (intégration de Bolloré Africa Logistics en décembre 2022 renommé Africa Global Logistics).
Concurrence sévère
Les trois autres parmi les premiers de cordée – APM Terminals (groupe Maersk), DP World et Hutchison –, sont tous en repli, de façon particulièrement marquée pour ces deux derniers (- 4,7 % pour l’Emirati avec 44,3 MEVP et – 4,6 % pour le Hongkongais avec 43 MEVP). Quant au néerlandais APM Terminals, il s’incline de 1,2 % et a terminé l’année 2023 en approchant les 50 MEVP (48,9 MEVP).
Entre ces trois-là, la concurrence est sévère. Il n’y a guère qu’1 MEVP qui les dissocie. En haut du classement, l’avance est moins ténue (entre 5 et 7 MEVP, soit l’équivalent du port de Hambourg dans la fourchette haute et de Valence en basse option).
L’Indien Adani, nouvel entrant à la 13e place du classement devrait améliorer sa position l'année prochaine grâce à la forte croissance du marché indien, indique Drewry. L’Inde est en effet l’une économies mondiales les plus dynamiques, le pays dirigé par Narendra Modi ayant enregistré une croissance record de 8,2% au cours de l'exercice fiscal 2023-2024 achevé le 31 mars. Le Fonds monétaire international (FMI) table toutefois sur un ralentissement du PIB indien à 7 % pour l'exercice 2024-25.
Des revenus en baisse
Si le secteur de la manutention portuaire a stagné en 2023 (+ 0,3 %), les 21 premiers opérateurs mondiaux ont enregistré une croissance moyenne de leur activité de 2,3 % mais les revenus n’ont pas forcément suivi. Les frais de stockage liés à la congestion, qui ont fait les riches heures durant la parenthèse Covid sont revenus à des niveaux plus « déprimants ». Les recettes des terminaux à conteneurs ont commencé à frémir au cours du dernier trimestre de l'année 2023 sous l'effet d'une demande en sursaut en provenance des États-Unis. Depuis, la crise de la mer Rouge, qui a fait resurgir les phénomènes de congestion, a remis les frais liés au stockage sur un rail haussier.
Les dépenses d'investissement des opérateurs de terminaux de l’échantillon étudié par l’éditeur du palmarès ont totalisé 5,5 Md$ en 2023, en hausse de 9 % en glissement annuel, soit la troisième augmentation annuelle consécutive depuis 2020. Les projets en lien avec une augmentation de capacité et la modernisation de des équipements ont conduit cinq d’entre eux à mettre sur la table plus de 500 M$, DP World et PSA investissant chacun plus du milliard.
Pour rappel, alors que la plupart des compagnies visent à atteindre l'objectif du zéro net d'ici 2050, conformément à la réglementation de l’OMI, ils sont trois à l’anticiper. Adani et A.P. Moller-Maersk (société mère d'APM Terminals) se sont fixés 2040 pour horizon et Hapag-Lloyd, 2045. En revanche, les opérateurs chinois (Cosco Shipping Ports et China Merchants Port) restent campés sur 2060, curseur fixé par gouvernement chinois.
Adeline Descamps