DB Schenker : Maersk n'ira pas plus loin dans la bataille des offres

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Le groupe danois de transport et logistique, qui faisait partie des quatre soumissionnaires retenus par la Deutsche Bahn, pour l'acquisition de DB Schenker, se retire de la partie. Maersk évoque notamment des difficultés d'intégration et d'autres préoccupations.

Entré dans la phase finale du processus de vente au cours duquel des offres fermes devaient être présentées, Maersk se désengage de la bataille pour acquérir le commissionnaire de transport DB Schenker, dont la liste s’était stabilisée à quatre prétendants en mai.

Des soumissionnaires sélectionnés par la maison-mère Deutsche Bahn, il reste le commissionnaire de transport danois DSV, le groupe saoudien de transport et logistique Bahri (une centaine de navires dont 39 VLCC, 36 navires-citernes, 6 polyvalents et 11 vraquiers) et un groupement dirigé par CVC Capital Partners (propriétaire de Scan Global Logistics) associé à deux fonds souverains, Abou Dhabi Investment Authority (Adia), en charge notamment de la gestion des revenus pétroliers d'Abou Dabi, et GIC, qui gère la plupart des actifs financiers de la cite-État de Singapour.

Pour mémoire, l’opérateur historique du rail allemand cherche à se désengager de sa lucrative filiale de commission de transport (42 % de ses revenus en 2023) pour renflouer ses caisses plombées par 34 Md€ de dettes (chiffre d'affaires de 57 Md€). DB Schenker, numéro cinq mondial de la commission de transport. est estimé entre 12 et 20 Md€.

Des intérêts qui se sont émoussés

Au fur et à mesure du processus de vente lancé officiellement en fin d'année dernière, les intérêts les plus attendus se sont progressivement émoussés. Le rival allemand de DB Schenker, DHL, a fini par opposer une fin de non-recevoir alors qu'il aurait été vivement apprécié par les autorités fédérales allemandes à qui reviendra le feu vert réglementaire.

Le numéro deux du marché, le commissionnaire suisse Kuehne+Nagel, a également décliné en février dernier alors que son actionnaire principal, le très remuant Klaus-Michael Kühne, avait fait beaucoup de bruit sur ce sujet, pressant Hapag-Lloyd, dont il est aussi actionnaire (30 %), à se positionner en s'associant à des sociétés de capital-investissement.

Le leader mondial dans le transport de conteneurs, MSC, s’est exclu de la guerre des offres ou l'a été tandis que l’opérateur portuaire émirati DP World s'est retiré après y avoir été attentif mais sans tapage.

Après examen approfondi

Tout en défendant une stratégie logistique basée sur une croissance organique ou sur des acquisitions de petite et moyenne taille, la direction de Maersk, par la voix de Vincent Clerc, avait multiplié les signes d’intérêt pour le dossier allemand, suggérant que le groupe ne pouvait pas ne pas a minima considérer l’affaire. Quand bien même la mariée, même dans sa fourchette basse, serait trop belle pour le deuxième armateur mondial de porte-conteneurs.

L'opération parait d'autant plus risquée au vu du dernier état financier du groupe. Au 31 mars 2024, ses liquidités sont tombées à 7,3 Md$ contre 11,6 Md$ un an plus tôt et son résultat net est passé des milliards aux millions (208 M$).

Après avoir procédé à un « examen approfondi », la compagnie estime que l'opération serait trop difficile à intégrer et ne serait « pas la meilleure chose à faire pour l'entreprise à l'heure actuelle ». « Notre enquête a confirmé que DB Schenker était une entreprise intéressante, dotée d'un portefeuille complet dans la logistique et d'un potentiel avéré, a fait valoir le siège de Copenhague. Mais elle a également mis en évidence des difficultés d'intégration », a ajouté la direction.

Le groupe A.P. Møller Maersk aurait offert quelque 15 Md$, soit dans la fourchette moyenne des propositions. « Notre orientation stratégique reste inchangée. Les acquisitions continuent d'être un levier important pour développer nos activités logistiques en Europe, y compris en Allemagne, et notre croissance organique dans le domaine de la logistique prend de l'ampleur. »

Le segment Logistics & Services, qui chez Maersk n'est pas dissocié dans une filiale (à la différence de CMA CGM) n'est pourtant pas à la hauteur des espérances du transporteur, qui s'est fixé pour objectif une croissance annuelle de ses revenus de 10 % et une marge bénéficiaire (Ebit) de plus de 6 %. Or, elle était que de 1,5 % à l'issue du premier trimestre. L'activité a généré un chiffre d'affaires de 3,5 Md$ (contre 8 Md$ pour le transport maritime de conteneurs), mais n'a dégagé qu'un bénéfice d'exploitation de 54 M$.

Depuis 2020, dans le cadre de sa stratégie visant à offrir un service de transport de bout en bout, l’armateur danois a investi plus de 8 Md$ afin d'acquérir des actifs dans le domaine de l’entreposage et de la distribution (Performance Team), de la gestion sous douane (KGH Customs Services), dans la distribution BtoB et BtoC (LF Logistics), du traitement de commandes pour l’e-commerce (Visible SCM, B2C Europe, Huub), de la mode et du lifestyle (ICL), de la livraison du premier et dernier kilomètre (Pilot Freight Services) et de la logistique de projet (Martin Bencher). Mais les plus emblématiques reste LF Logistics, basée à Hong Kong, et Senator International, le transitaire allemand très ancré dans le fret aérien.

La rupture de l’alliance composée avec MSC effective en 2025, qui le conduit à concentrer ses efforts sur son réseau maritime, peut en outre avoir influencé la décision de la direction.

DSV, grand favori ?

Le retrait de Maersk laisse le champ libre à l'autre candidat européen du lot. Le transitaire danois DSV Panalpina, n’a jamais cherché à dissimuler son engagement mais a déposé l’offre le moins disant. Le numéro un mondial, qui n'a pas hésité à lancer des OPA non amicales sur ses concurrents, a prouvé son appétit ces dernières années pour les grandes transactions (Panalpina en 2019, tentative avortée sur Ceva Logistics et Global Integrated Logistics en 2021).

Les investisseurs semblent se réjouir de la décision de Maersk. Peu après l'annonce, le cours de l'action de Maersk a augmenté de 6 % et celle de DSV de 5 %.

Le transitaire part favori notamment parce qu’il est en lice depuis des mois (bien avant le lancement officiel de l’opération) et par son plus fort potentiel d'intégration. Certains analystes veulent voir dans la récente restructuration de l'équipe de direction, opérée par le nouveau PDG Jens Lund, un signe, celui d’une préparation à une acquisition majeure comme celle de DB Schenker.

Opération à finaliser d'ici début 2025

L'acquisition par DSV donnerait naissance à un géant du fret avec un chiffre d'affaires de plus de 30 Md$, l’ancrant durablement en haut du podium.

Le choix de l'acquéreur de DB Schenker, qui emploie plus de 70 000 personnes, devrait être pris d'ici la fin de l'année pour une opération dont la finalisation est prévue au cours du premier semestre 2025.

Adeline Descamps

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