Avec les dernières évolutions dans la ligne régulière – des armateurs qui investissent dans les pré- et post-acheminements pour offrir un service de porte-à-porte –, l’ouverture d’un service maritime dans un port dépendra plus que jamais de son offre en dessertes massifiées, de longue distance et compétitives. Seul le train offre cette amplitude. À Barcelone, les quarts sud-est et sud-ouest français sont des prolongements naturels.
Le port catalan s’active depuis plusieurs années pour obtenir des accès ferroviaires à écartement international (1,435 m au lieu de la norme ibérique à 1,668 m), précieux sésame pour s’affranchir du changement d'essieux, du remplacement de la locomotive, et de l’immobilisation à la frontière franco-espagnole, et garantir des opérations sans couture. Ses intérêts croisent ceux du
gouvernement espagnol qui milite de son côté pour finaliser le corridor méditerranéen, à savoir la construction d’un axe ferroviaire UIC de 1 300 km pour le fret et le passager entre Algésiras et la frontière française.
Pour l’instant, l’ouvrage se limite à une seule ligne entre le port de Barcelone, seul port espagnol à disposer des trois écartements européens et de terminaux à conteneurs embranchés au rail, et Figueras, avec le tronçon international Figueras-Perpignan (44,4 km, dont 8,3 km sous le tunnel du Perthus). L'axe est exploité par la société binationale Línea Figueras Perpignan (LFP), détenue à parts égales par SNCF Réseau et son homologue espagnol ADIF.
Un trafic ferroviaire en hausse de près de 42 %
Sur cette liaison directe Espagne-France, la circulation de trains (1 864 unités dans les deux sens) a progressé de près de 42 % en 2022 par rapport à 2021 et de 35 % par rapport à 2019 selon les données de LFP.
Les incitations mises en œuvre par l’opérateur (réduction des péages et ouverture au trafic nocturne plusieurs nuits par semaine), et l'amélioration de l'offre (33 rotations par semaine) ne sont pas étrangères à ce qui relève de la performance compte tenu des faiblesses sous-jacentes au ferroviaire (temps d’attente, rentabilité, gabarit ferroviaire, fiabilité, fréquence…). LFP table sur une hausse des circulations de train de 35 % cette année, avec 2564 unités.
Pour circuler sur cet itinéraire, plusieurs opérateurs (Renfe Mercancías, Captrain España et Transfesa) ont commandé les puissantes locomotives électriques interopérables de la série Euro 6000.
En janvier, la société espagnole Transfesa (groupe DB Cargo) a ainsi commencé à opérer avec ses Euro6000 afin de transporter des véhicules pour le compte de Daimler. À la fin du mois de mars, elle a commandé 200 wagons porte-véhicules aptes à circuler sur l’axe UIC.
Synergy à la manœuvre avec Maersk et Naviland
Synergy, exploitant du terminal à conteneurs BEST à Barcelone, vante ses installations ferroviaires comme étant « le plus importantes dans un port européen », avec sa petite dizaine de services ferroviaires hebdomadaires, ses huit voies à double écartement qui autorisent des trains de 750 m et son niveau de connectivité (plus de 200 ports dans le monde desservis à partir de Barcelone).
Pour s’occuper expressément du marché français, l’opérateur a recruté un commercial à plein temps. Dans le sens France-Barcelone, la société veut capter les clientèles des secteurs de la chimie et du papier mais aussi les exportateurs du secteur agroalimentaire.
Trois rotations hebdomadaires vers Toulouse
Hutchison Logistics Synergy, l’opérateur ferroviaire du groupe Hutchison Ports, a démarré, en ce mois de novembre, une liaison ferroviaire entre son terminal catalan et Toulouse/Fenouillet, le hub ferroviaire géré par Naviland cargo. Depuis Toulouse, une connexion ferroviaire jusqu’à Bordeaux est possible. En outre, il est prévu d'étendre la connectivité ferroviaire du côté espagnol aux régions de Tarragone et de Saragosse.
Ce nouveau service propose trois liaisons hebdomadaires avec une capacité de 108 EVP. Dans le sens Barcelone-Toulouse, le convoi part les lundi, mercredi et vendredi avec un départ du port espagnol à 13h30 et une arrivée dans la ville rose à 22h05. Dans l'autre sens, les services sont assurés les mardi, jeudi et samedi avec un départ à 6h00 et une arrivée à 15h30.
La liaison est assurée en cochargement avec Maersk et Naviland et s’appuie, pour la traction, sur les moyens de Captrain, filiale du groupe SNCF, et de Naviland, de façon à connecter ce service
avec d’autres terminaux ferroviaires intérieurs en France
Remake
Hutchison entend offrir à ses clients occitans ce qu’il propose depuis 2020 aux chargeurs aquitains via son terminal intermodal à Noáin (TIN), ville du Pays basque espagnol, à partir duquel il offre des connexions quotidiennes.
Depuis TIN, l’opérateur dessert le sud-ouest de la France (Bayonne) en camion, via un partenariat avec un transitaire navarrais. Une solution rail-route pour l’instant plus compétitive que le rail.
Poussant sa démarche de prêt-à-porter, le manutentionnaire propose un service « tout-en-un » associant le trajet rail-route, les manutentions et les pré- et post-acheminements routiers avec la France. Ainsi, il propose de récupérer la marchandise à la porte du chargeur et de l’acheminer par camion vers Noáin, d’où le convoi part pour Barcelone à 9h00 tous les matins.
L'an dernier, Synergy a complété cette offre avec un train frigorifique à raison de deux fréquences du lundi au vendredi, ciblant, avec le transport à température contrôlée, les exportateurs agroalimentaires particulièrement implantés dans le sud-ouest.
Maersk en solo de/vers Lyon
Cette offre vers la France est complétée par Maersk, qui a lancé en solo un service de/vers Lyon, par l'intermédiaire de sa propre société APM Spain Railways.
« Grâce aux nouvelles locomotives inter-opérables, les trains n'ont pas besoin de s'arrêter à la frontière franco-espagnole, ni pour un changement d’essieux, ni pour un remplacement de la locomotive », assure Emilio de la Cruz, directeur général de la zone South West Europe de Maersk.
Entre Barcelone-Lyon, la liaison est assurée le mardi avec un départ à 8h45 et une arrivée dans la Cité des Gaules dans la nuit à 3h00. En direction de la ville espagnole, le train part le mercredi à 21h00 et entre au port le jeudi à 13h15.
« Ces propositions permettent de réduire les temps de transit pour les marchandises importées et exportées dans les régions de Toulouse, Bordeaux et Lyon jusqu'à 12 jours (7 jours en moyenne) par rapport aux itinéraires traditionnels via les ports français ou nord-européens », assure le représentant de Maersk.
En 2022, Barcelone a manutentionné 3,5 MEVP (- 0,3 %) avec plus de 56 % d’entre eux à destination ou en provenance de son hinterland. La part modale du ferroviaire, dans les pré- et post-acheminements des conteneurs, s’est établie à 13,5 % mais a perdu deux points par rapport à 2021.
Adeline Descamps