Après y avoir renoncé, DFDS acquiert le réseau routier international Ekol Logistics

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Ekol à Trieste

Ekol Lojistik Trieste

Crédit photo ©Ekol Logistics
Quinze jours après avoir renoncé à l'acquisition du réseau routier international d’Ekol Logistics en raison des dettes supplémentaires contractées par le groupe turc depuis la conclusion de l'accord, DFDS et Ekol ont finalement trouvé un terrain d'entente. Le Danois, qui a récemment changé de stratégie pour privilégier une croissance plus organique, tenait à cette opération, pièce maîtresse de sa logistique ferry-rail.

Deuxième revirement en moins de 15 jours. Après avoir annoncé le 1er novembre devoir renoncer à l’acquisition du réseau routier international d’Ekol Logistics (Turquie-Europe), invoquant un désaccord sur les conditions de l'acquisition, DFDS revient sur sa décision. Les deux parties semblent avoir trouvé un terrain d’entente sur ce qui bloquait cette opération pour laquelle un accord d’achat d’actions avait été conclu il y a quelques mois. L’armateur danois de ferry et la société turque de transport et logistique (470 M€ en 2023, 3 700 personnes, 26 sites) butaient sur le montant de la dette incluse dans la transaction.

« Un certain nombre de conditions contractuelles [n’ayant] pas été remplies dans le délai convenu, nous avons résilié le contrat d'achat d'actions et la transaction n'aura donc pas lieu », indiquait le bref communiqué de DFDS du 1er novembre. Parmi ses conditions, les performances financières d'Ekol semblaient de nature à modifier la structure des risques. Depuis avril 2024, date de l'accord, confrontée à la baisse des bénéfices et des investissements en actifs, la société a contracté des dettes supplémentaires qui ont été exclues de l'accord révisé.

Échanges par presse interposée

Les propos tenus par la direction d’Ekol dans les médias, alléguant que DFDS avait exigé une révision à la baisse de la valeur de l’entreprise, a contraint Torben Carlsen, le PDG de DFDS, à sortir de sa réserve ces derniers jours pour préciser les raisons de son retrait et à faire état des « problèmes financiers » de l’entreprise convoitée. La transaction initiale portait sur un montant de 260 M€ (7,6 fois l’Ebitda). Selon l’accord révisé, l’opération s’établit désormais à 1,8 milliard de DKK (240 M€) ce qui correspond à un multiple de valeur d'entreprise/chiffre d'affaires de 0,55x sur la base du chiffre d'affaires du troisième trimestre 2024.

Le groupe danois de transport (ferries et ro-ro) et de logistique (route/rail), qui a pris le contrôle de l'armateur turc U.N. Ro-Ro en 2018, avait manifesté dès octobre 2022 son intérêt pour cette autre entreprise turque, qui transporte des marchandises entre la Turquie et l'Europe et dont plus de la moitié des transports combinent la route, le ferry et le rail. Les deux entreprises sont par ailleurs familières l'une de l'autre depuis 2019, Ekol étant le plus gros client du réseau de ferry méditerranéen de DFDS. L'accord s’est depuis étendu au transport ferroviaire, que le groupe danois développe depuis les ports d'arrivée vers plusieurs destinations européennes.

Stratégie ferry/rail

Cette acquisition s’inscrit dans la stratégie de l’opérateur de rouliers qui voit dans le développement de la remorque (via ferry et le rail) une solution logistique complémentaire pour les transports intermodaux et routiers. Le groupe danois cherche à étendre ses connexions intermodales en Europe avec des solutions de transport de bout en bout. La Turquie est un des pivots de cette stratégie car « le pays dispose d’un secteur industriel et d'une main-d'œuvre qualifiée et abondante », ce qui en fait une cible pour des fabricants européens en quête de relocalisations en plus de ceux qui y ont déjà établi une unité de production.

La remorque est perçue comme un moyen pour « minimiser les jours de voyage ». Le fret actuellement transporté de part et d’autre – automobile, pièces industrielles et prêt-à-porter –, y est adapté. Les corridors de transport entre la Turquie, l’Allemagne, l'Espagne et la France assurent le fond de cale. Selon les données de l’armateur, la demande de transport entre la Turquie et l'Europe va croître en moyenne d'environ 14 % par an jusqu'en 2028, précisément grâce à la délocalisation des chaînes d'approvisionnement au plus près de l'Europe.

Le Danois est en marche forcée depuis quelques années pour développer la complémentarité entre le roulier maritime et la logistique ferroviaire et routière de la remorque (flotte de 3 900 remorques/caisses mobiles). En témoigne le rachat à Kühne de l’opérateur ferroviaire allemand PrimeRail en 2022. Dans l'Hexagone, DFDS, qui opère depuis Marseille, Dunkerque, Calais, Sète et Dieppe, a choisi pour son réseau Méditerranéen de faire passer ses remorques par Sète, où il est implanté depuis 2019. Il semble vouloir y dupliquer le schéma éprouvé à Trieste, son hub pour les marchandises transportées entre la Turquie et l’Europe centrale, où il exploite l’un des quatre terminaux ferroviaires.

Plan de redressement

L’opération devrait désormais pouvoir être menée à son terme. Toutes les autorisations réglementaires nécessaires ont été reçues. Le montage financier est ficelé. La transaction sera financée par de l’emprunt bancaire et de l’autofinancement.
Néanmoins, un plan de redressement va devoir être exécuté avant que DFDS ne puisse tirer profit de son acquisition. Ekol devrait enregistrer une perte d’exploitation cette année, ses marges mises sous pression par l'évolution défavorable des flux commerciaux entre la Turquie et l'Europe.

« Le plan d'entreprise prévoit de porter la marge d'exploitation [actuellement négative] à environ 5 % d'ici la fin de l'année 2027. Le seuil de rentabilité devrait être atteint d'ici la fin de l'année 2025, tandis que la croissance annuelle du chiffre d'affaires devrait être supérieure à 5 % », détaille le repreneur. Selon le programme de DFDS, au cours de la première année d'intégration, la priorité sera mise sur le commercial et l’opérationnel pour « augmenter les volumes et améliorer l'utilisation des équipements en développant les ventes vers/depuis la Turquie, notamment en tirant parti du réseau existant de DFDS en Europe du Nord ». Dans un deuxième temps (année 1 et 2), le Danois entend tirer profit des effets d'échelle et consolider certains volumes de la route vers le ferry/rail. Enfin, en années 2 et 3, l’idée est de développer la clientèle clé de la logistique contractuelle et l’offre pour compléter les solutions de transport (FTL/LTL).

Un troisième trimestre en méforme

Le groupe de transport et de logistique a publié ses résultats financiers le 7 novembre. Il avait au préalable revu à la baisse ses prévisions pour 2024 face à l’absence de rebond anticipé pour le quatrième trimestre, qu’il s’agisse de la demande des consommateurs, des volumes de production ou de la croissance économique générale.

DFDS s’attend désormais à un Ebit (excédent brut d'exploitation) entre 1,5 et 1,7 milliard de couronnes danoises (entre 201 et 228 M€) contre 1,7 et 2,1 précédemment (entre 228 et 281 M€). Au troisième trimestre, les recettes du groupe ont progressé de 11 %, à 1,07 Md€ mais le résultat brut d’exploitation est en baisse de 11 %, à 105,24 M€. « Le troisième trimestre a été, comme prévu, difficile. Le ralentissement de la demande et de la production en Europe, amorcé entre avril et juin, s'est généralisé ensuite », explique Torben Carlsen, le PDG de DFDS.

Si les volumes sont en hausse, la pression sur les marges et les prix se sont intensifiés sur la période juillet-septembre. L’entreprise a été sanctionnée par son exposition au secteur automobile, à la région baltique et Europe de l'Est, ainsi qu'aux nouveaux contrôles frontaliers du Brexit qui entravent les exportations agroalimentaires vers le Royaume-Uni.

Le ferry a toutefois augmenté ses volumes (+ 4 en croissance organique dont + 6,6 % pour le fret et + 2 % en passagers, à 2,7 millions pour le troisième trimestre). « Le chiffre d'affaires de la division Ferry est tiré par l’intégration de FRS Iberia/Maroc et par l'introduction des surcharges ETS qui sont répercutées à la fois sur les clients fret et aux passagers », commente la société.

DFDS a récemment modifié sa stratégie avec son plan « Moving Together Towards 2030 », qui vise à tirer parti des acquisitions passées et à renforcer la base opérationnelle de DFDS. En clair, une croissance plus organique qu'assise sur des acquisitions.

Adeline Descamps

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