Le vraquier Tutor, attaqué le 12 juin au large du Yemen, à 125 km du port yéménite d'Hodeïda, tenu par la faction houthie, a coulé en toute probabilité, a indiqué l'agence britannique UK Maritime Trade Operations (UKTMO) qui, avec le Centre de commandement américain (Centcom), fournit des informations fiables sur ce qui se passe en mer Rouge. Les forces maritimes militaires déployées dans la zone font état de « débris maritimes » et de traces d'hydrocarbures à l'endroit de l'impact. Le navire, de construction récente (2022), aurait donc sombré avec son chargement de 80 000 t de charbon.
Les membres d'équipage du navire, évacués en raison d'une importante voie d'eau le 14 juin par les forces américaines et françaises à l'exception d'un d'entre eux, avaient signalé un sinistre incendie dans la salle des machines et des « dégâts importants » ainsi que d'un porté disparu de nationalité philippine.
Détenu par la société grecque Livenza Shipping et géré par Evalend Shipping, également basée à Athènes, le vraquier immatriculé au Libéria aurait été pris pour cible en raison d'une escale effectuée dans un port israélien.
Le 13 juin, un accident similaire s'est produit concernant le Verbena, un navire de marchandises générales, chargé de matériaux de construction en bois, qui a pris feu après été pris pour cible à deux reprises dans la journée. Un des membres de l'équipage, gravement blessé au cours de l'attaque, a été pris en charge par l'USS Philippine Sea afin d'être acheminé vers les services hospitaliers. Le navire aurait coulé mais sans que cela ait été avéré formellement.
Deuxième attaque meurtrière
Le Tutor est donc le deuxième navire dont le naufrage fatal a été reconnu officiellement après celui du Rubymar, coulé au large du port yéménite de Mokha le 1er mars à la suite de deux tirs de missiles. Avant de sombrer, le vraquier chargé de 22 000 t d'engrais à base de sulfate de phosphate d'ammonium, avait laissé échapper 200 t de fuel et 80 t de diesel, provoquant une marée noire sur près de 40 km. Les suites de l'incident ont suscité beaucoup de remous et une vive polémique, les parties prenantes se rejetant la responsabilité de la perte.
Le décès du marin du Tutor n'est pas le premier. Trois membres d'équipage à bord du vraquier True Confidence ont trouvé la mort le 7 mars dans le golfe d'Aden. Un bilan de trop mais incroyablement faible au regard de la centaine d'attaques enregistrées depuis la mi-novembre.
Ces dernières 24 heures, les forces américaines ont annoncé avoir détruit huit drones appartenant aux rebelles yéménites .
Appels crispés des exploitants de navires
« Une fois de plus, je suis consterné par le fait que des gens de mer continuent d'être pris pour cible et blessés dans l'exercice de leurs fonctions », a réagi le secrétaire général de l'OMI, Arsenio Dominguez. Cette situation ne peut plus durer. Tout le monde va ressentir les effets négatifs de l'impossibilité pour le transport maritime international de fonctionner normalement. Mais notre responsabilité est, avant tout, de préserver la sécurité de tous les marins »
Comme elles l'avaient fait en février pour demander la libération des 25 marins du porte-voitures Galaxy Leader, retenus en captivité depuis 200 jours par les Houthis, puis pour dénoncer les trois morts du True Confidence, 14 grandes associations représentatives de toutes les filières du transport maritime – Bimco, ECSA (armateurs européens), ICS (chambre internationale de la marine marchande), Intercargo (opérateurs de vraquiers), InterManagement, ASA, Clia (croisières), International Maritime Pilots’ Association (IMPA), International Parcel Tankers Association (transport d'hydrocarbures), World Shipping Council... –, ont lancé un nouvel appel à la communauté internationale.
Pour dire leur consternation. Pour déplorer une nouvelle perte. Pour condamner ces attaques qui contreviennent au principe fondamental de la liberté de navigation. Et sans doute aussi pour rappeler que ce n'est pas parce que le commerce continue de tourner que le problème a disparu.
« Nous avons entendu les condamnations et apprécions les paroles de soutien, mais nous demandons instamment que des mesures soient prises pour mettre fin aux attaques illégales contre les marins et cette industrie vitale », fait valoir la déclaration conjointe.
Un appel qui intervient à quelques jours de la Journée des gens de mer, le mardi 25 juin, que la plupart des États, à n'en pas douter, signaleront par un tweet. Invisibilisés par leur absence à terre, les marins font tourner l'économie mondiale en risquant leur vie. Une nouvelle fois.
Adeline Descamps
Une méthode glaçante
La vidéo de propagande diffusée par les Houthis sur X confirme le récit qu'en ont fait les 21 marins évacués du vraquier Tutor le 14 juin. L'attaque est réalisé à l'aide d'un bateau de pêche de 5 à 7 m de long, sur lequel des mannequins ont été posés pour dissimuler la menace. Un deuxième skiff se trouverait dans la zone pour téléguider le bateau-pirate chargé d'explosifs. C'est après avoir percuté la proue que s'est déclaré l'incendie dans la salle des machines. Alors que l'équipage était toujours à bord, après avoir envoyé un signal de détresse, une seconde attaque, avec des drones, s'est produite à 13 heures.
La question de savoir si les Houthis ont déclenché des charges supplémentaires pour accélérer le naufrage n'est toujours pas résolue mais est prise très au sérieux par les forces maritimes déployées dans la zone.
A.D.
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