La marine indienne est parvenue à tirer d’affaires les 17 marins, retenus en otage depuis trois mois et pour lesquels une rançon était réclamée depuis la prise par des pirates somaliens du vraquier Ruen de l'armateur bulgare Navibulgar.
Mais surtout en récupérant le navire, les forces marines indiennes estiment avoir « contrecarré les projets des pirates somaliens » cherchant à l'employer pour détourner d'autres navires en transit dans la région.
Le navire (41 600 tpl), immatriculé à Malte, avait été attaqué le 14 décembre par des pirates somaliens à 700 km à l'est de l'île yéménite de Socotra et à 2 600 km des côtes indiennes, puis détourné avec une partie de l’équipage vers l'État somalien semi-autonome du Puntland, ancien « paradis de pirates », dont la côte s'étend sur 1 600 km. Le navire a jeté l'ancre dans la ville de Bosaso, d’où les flibustiers semblent avoir repris leurs affaires.
La patrouille maritime indienne opérant à longue portée, a intercepté le vraquier alors qu’il naviguait à quelque 260 milles nautiques le long des côtes somaliennes.
L’opération a nécessité l’intervention d’une équipe de commandos d'élite de la marine indienne « largués » depuis des avions C-17, les patrouilleurs indiens Kolkata et Subhadra, ainsi que des drones, dont un a été détruit par les pirates à bord. Au total, 35 pirates se sont rendus.
Plusieurs groupes d'action
D’après la force navale européenne, plusieurs groupes d'action de pirates opèrent désormais à l'est de l'océan Indien au moyen de navires-mères (dhows, boutres typiques de l'océan Indien détournés) afin d'accroître leur rayon d'action.
Ils n'ont pas perdu totalement la main. Selon la société de sécurité maritime Ambrey, quatre skiffs ont sillonné le long des côtes de Hobyo, Nugal et Mudug en Somalie, avec 36 personnes armées à bord. Certains sont équipés d'AK-47 et de lance-roquettes.
Tant le Ruen, qui vient d'être libéré, que l'Abdullah, encore aux mains des pirates, sont susceptibles d'avoir été, en tant que navire-mère, impliqués dans des actions récentes des pirates somaliens.
La marine indienne est parvenue à localiser l'Abdullah dont une vingtaine de pirates somaliens se sont emparés le 12 mars avec 23 membres de son équipage. Mais sans l'avoir intercepté à ce jour.
La marine indienne hyperactive
La marine indienne se distingue en mer depuis plusieurs mois, hyperactive pour contrer la résurgence du phénomène de piraterie dans la corne de l'Afrique.
Le 5 janvier, le commando d'élite de la marine indienne est intervenu au large d'Eyl, fief pirate du Puntland, alors que le Lila Norfolk, un vraquier de 170 000 tpl immatriculé au Liberia, était pris d’assaut par un groupe d’hommes armés qui ont pris la fuite.
En février, le patrouilleur indien Sumitra a porté secours à trois chalutiers détournés, Iman, Al Naeemi et FV Omari, battant pavillon iranien, dont les 55 membres d’équipage au total, iraniens et pakistanais, ont été secourus.
Mais il est difficile d'attribuer ces derniers faits à des actes de banditisme à proprement parler. De nombreux navires, originaires notamment d'Asie du Sud-Est, d'Iran, viennent pêcher sans autorisation dans ces eaux, épuisant une des rares sources de revenus locales des habitants.
Banditisme maritime
Ce regain d'attaques, depuis novembre 2023, nourrit en tout cas les craintes d'une résurgence dans l'océan Indien, ce que le rapport annuel sur la piraterie et le banditisme maritime pour 2023 a confirmé. « Le Ruen a constitué le premier détournement réussi d'un navire marchand par des pirates somaliens présumés depuis 2017 », a indiqué le Bureau maritime international (BMI) de la Chambre de commerce internationale, point unique de signalement des actes de piraterie.
L’océan Indien, épicentre mondial de la piraterie entre 2001 et 2012, n’avait plus en effet enregistré de détournement depuis celui du tanker Aris 13 en 2017.
Pour les spécialistes, cette résurgence n’est pas sans liens avec le fait que les forces navales étrangères soient accaparés par la lutte contre les houthis du Yémen, offrant une fenêtre d'impunité aux pirates somaliens alors qu’ils avaient été mis au pas.
La présence de gardes armés à bord de navires commerciaux et des bâtiments de guerre, déployés à des fins de sécurisation de la navigation, par l'UE dans le cadre de la mission de sécurité maritime Eunavfor Atalante, par l’OTAN (opération Ocean Shield) et par les États-Unis (Combined Joint Taskforce-Horn of Africa), ont payé.
Pour rappel, entre 339 à 413 M$ ont été versés en rançons pour des actes commis dans la zone entre 2005 et 2012, selon les données du Lloyd’s List.
Adeline Descamps