Au cours du premier semestre, des contrats de construction ont été signés pour 97 porte-conteneurs d'une capacité consolidée de 0,9 MEVP selon Clarksons Research alors que 260 porte-conteneurs, totalisant 1,7 MEVP, ont été mis à l'eau d'après le relevé de MDS Transmodal. Il y a un an, à la même époque, 143 nouveaux navires avaient été ajoutés à la flotte mondiale, soit environ 1,1 MEVP. Dans le même temps, seuls 25 petits porte-conteneurs d'une capacité totale de 40 000 EVP ont été démantelés.
D’ici la fin de l’année, plus d’1,5 MEVP doivent encore gonfler le bataillon de la ligne régulière. Drewry estime que la flotte sera alors étoffée de 3,1 MEVP (+ 11,1 % par rapport à l'année précédente) après le report des livraisons et des démolitions. Le carnet de commandes mondial de porte-conteneurs totalisait 5,3 MEVP aux termes du premier semestre, toutefois moins qu'il y a un an (7 MEVP en juin 2023). Les commandes représentent actuellement plus de 18 % de la flotte en exploitation. Bien que le ratio soit très élevé, il reste très loin du pic historique atteint en 2007, à 61 %.
Surcapacité menaçante
La surcapacité reste pourtant une menace pour le marché du conteneur et pas un armateur ne manque de l’agiter comme un chiffon rouge. L’argument a d’ailleurs beaucoup servi depuis l’an dernier pour expliquer le déséquilibre entre l’offre et la demande. Pour autant, ils cèdent tous, à quelques exceptions près, à la course à la capacité (et aux parts de marchés).
La surcapacité est actuellement artificiellement gommée par la crise en mer Rouge. En contraignant les flottes de navires marchands à éviter la zone en proie aux attaques des rebelles houthis et à passer par le cap de la Bonne Espérance, qui allonge les milles à parcourir, la situation assèche les capacités. Il est estimé qu’elle absorbe à elle seule environ 5 à 6 % de la flotte mondiale en termes de slots.
Fin juin 2024, la proportion de navires désarmés était en effet particulièrement faible, de 0,22 MEVP, soit 0,7 % de la flotte mondiale.
Excès d'optimisme ?
En dépit du niveau d’incertitudes élevé au regard des tensions géopolitiques, des sanctions, des embargos, des barrières commerciales que les Etats-Unis et l’Europe érigent pour protéger leurs économies du rouleau compresseur chinois, les armateurs restent manifestement confiants.
Parmi les dernières manifestations en date, Zhoushan Changhong a été le destinataire le 12 août d’une énième commande de MSC, dont les 6 MEVP de capacité atteinte le distance pour un certain temps de ses pairs. Il a signé pour une douzaine de navires supplémentaires de 19 000 EVP alimentés au GNL. Le constructeur chinois est en train de construire pour le leader mondial dix porte-conteneurs d'une capacité de 11 500 EVP et autant à double carburant GNL de 10 300 EVP chacun.
Maersk, qui observait jusqu’à présent une ascèse et rompait le jeûne uniquement pour acheter des navires au méthanol, a indiqué il y a quelques jours à l’occasion de la publication de ses résultats financiers qu'il était sur le point de commander jusqu'à 50 nouveaux navires, visant à renouveler l’équivalent de 800 000 EVP entre 2026 et 2030, dont 300 000 EVP seront détenus en propre (le solde dans le cadre d'accords d'affrètement à temps).
CMA CGM attend pas moins de 89 navires au cours des deux ou trois prochaines années pour une capacité totale de 1,14 MEVP. Les derniers contrats de construction signés portent sur 12 porte-conteneurs au GNL de 15 500 EVP chez le sud-coréen Hyundai Heavy Industry.
Atlas, la société mère de Seaspan, qui a déjà 36 navires en construction, a fait part de commandes pour 27 navires supplémentaires, de 9 000, 16 000 et 17 000 EVP.
Les indicateurs au vert
À vrai dire, tous les signaux sont au vert. Selon le Fonds monétaire international (FMI), l'économie mondiale a enregistré une croissance robuste au premier semestre malgré les guerres et la persistance d'une inflation élevée.
L'économie chinoise, dont le monde dépend, est en difficulté sur le plan intérieur en raison de la crise immobilière, secteur qui contribue à un quart de son PIB. Pourtant la seconde puissance économique mondiale a enregistré une croissance de 5 % au premier semestre par rapport à l’an dernier. Les exportations de biens ont augmenté de 6,9 %, tandis que les importations ont progressé de 5,2 % d’après les données du Bureau national des statistiques de Chine publiées en juillet 2024.
Le US Department of Commerce a fait part d'une croissance de 3,1 % sur le continent nord-américain au deuxième trimestre 2024, tirée par les investissements et l'augmentation des dépenses publiques. Au cours des cinq premiers mois de 2024, les importations de biens ont augmenté de 2,5 % par rapport à la même période de l'année précédente et les exportations de 1 %.
En témoignent les entrées sur le port de Los Angeles qui a enregistré un nouveau record en juillet, bénéficiant de la première vague d'importations pour les fêtes de fin d'année. La première porte d'entrée américaine a traité 939 600 EVP le mois dernier, soit une augmentation de 37 % par rapport à l'année précédente. « Il s'agit du meilleur mois de juillet des 116 ans d'histoire du port et du mois le plus chargé depuis plus de deux ans », s'est targué Gene Seroka, le patron du port, lors d'un point de presse. « Ces marchandises - jouets, appareils électroniques et vêtements - arrivent en même temps que les produits plus typiques de la rentrée scolaire, de la mode d'automne et d'Halloween ».
Les importations chargées en juillet 2024 ont atteint 501 281 EVP (+ 38 % par rapport à juillet 2023), les exportations, 114 889 EVP (+ 4 %). Le port de la côte ouest a par ailleurs traité 323 431 conteneurs vides (+ 54 %). Sur les sept premiers mois de l'année, 5,6 MEVP ont été traités (+ 18 %).
Selon Paul Bingham, économiste et analyste de données chez S&P Global Intelligence, présent au point presse, les négociations avec les dockers de la côte Est (qui s'enlisent) dans le cadre du renouvellement de leur contrat de travail, les détournements de la mer Rouge et l'éventualité de droits de douane supplémentaires (quel que soit le parti emportant la Maison Blanche en novembre) ont eu un effet cumulatif.
L'UE reste beaucoup plus fragile (0,6 % de croissance au premier trimestre et 0,7 % au second). Les exportations de biens restent au plancher (+0,7 % au cours des cinq premiers mois de 2024 par rapport à la période de l'année précédente). En revanche, les importations ont fortement diminué de 9,3 %.
Les volumes mondiaux de transport de conteneurs ont, eux, augmenté de 7,5 % en glissement annuel au cours de la période janvier-mai 2024. « Presque tous les trafics ont enregistré une croissance significative. Le volume de transport dans les principaux trafics de l’Asie vers l'Amérique du Nord a augmenté de 16,9 % et de 6,5 % vers l’Europe », relève Container Trade Statistics. Ce sont ces données qui ont conforté Maersk et Hapag-Lloyd à revoir à la hausse leurs bénéfices pour l’année.
Adeline Descamps
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