Un contretemps de deux ans. Rotterdam aura donc perdu deux longues années sur sa trajectoire de croissance. En 2021, le port néerlandais a retrouvé, sur un plan global, le niveau ancré par l’irruption du virus : à près de 469 Mt (468,7 Mt). Une progression de 7,3 % par rapport à 2020.
En dépit des perturbations du transport maritime, qui ont conduit les compagnies à sabrer dans leurs programmes d’escales en chargeant et déchargeant un volume de boîtes plus conséquent dans certains ports d’élection, et de la congestion dont il a été le théâtre, le leader portuaire européen s’offre une performance. Il a dépassé l’an dernier le cap 15 MEVP (15,3 MEVP) avec 10 % de visites en moins. « Mais ils ont déchargé en moyenne 20 % de conteneurs en plus à chaque fois, explique la direction portuaire, ce qui a augmenté la pression sur les terminaux alors que les restrictions sanitaires, les mesures de quarantaine et de détection ont généré de l’absentéisme ».
Extension livrée en première phase cette année
Ces résultats confortent l'autorité portuaire dans ses projets d’expansion. Elle a démarré l’an dernier le chantier destiné à aligner 2,4 km de linéaires de quai supplémentaires sur la Maasvlakte 2, qui offrira une capacité supplémentaire de 5 MEVP. Elle avait attribué en février dernier le contrat au consortium d’entreprises à l’issue d’un appel d’offres européen. Les travaux sont localisés au Amaliahaven, où se trouvent les installations de APM Terminals et de Rotterdam World Gateway (DP World + HMM), qui disposent à l’heure actuelle de 1 500 et 1 700 m de quai en eaux profondes. Les deux opérateurs ont déjà pris une option sur les nouvelles infrastructures. La première phase de 500 m devrait être livrée d’ici la fin 2022.
Allard Castelein, le directeur général du port, compte notamment sur sa Container Exchange Route, mise en service l’an dernier, pour acheminer les boîtes par le rail entre les terminaux à la Maasvlakte, pour « améliorer l’efficacité ». « 90 à 100 trains de de fret empruntent quotidiennement la ligne ferroviaire du port », précise-t-il.
Charbon en hausse de 40 %
La conjoncture très favorable pour les matières premières en 2021 se reflète dans la tenue de la filière des vracs de Rotterdam, à l’exception des céréales. « L'année dernière, les prix élevés ont entraîné une baisse des volumes entrants de soja et de maïs ». En revanche, la reprise économique, qui a dopé la production d’acier allemande, a entraîné une hausse des volumes entrants de minerai de fer, de ferraille et de charbon.
En ce qui concerne le charbon thermique, qui sert à la production d’électricité, les raisons de sa (bonne) conjoncture en 2021 sont connues : le bon vieux combustible doit son retour en grâce à la flambée des prix du gaz. Rotterdam a ainsi importé 40 % de charbon de plus que l'année précédente – et près de 10 % de plus qu'en 2019 –, dont 90 % destinés à l'Allemagne. Dans l'ensemble, le vrac sec a fini l’année sur une hausse de 23,4 % par rapport à celui de 2020 et de 5,6 % à celui de 2019.
Hausse des carburants alternatifs
Dans la catégorie des vracs liquides (+ 6,6 % par rapport à 2020), les volumes de pétrole brut et de produits pétroliers sont toutefois en retrait par rapport à 2019, inférieurs de 3,1 %. L’Europe a en revanche importé davantage de GNL, non sans lien avec la hausse des prix du gaz en Europe, ce qui a conduit à gonfler les volumes du port.
« Nous constatons aussi, tient à souligner l’autorité portuaire, une augmentation des carburants alternatifs tels que le biodiesel, l'éthanol, le SAF (carburant d'aviation vert, NDLR] et le naphta d’origine renouvelable [utilisé dans l'industrie chimique NDLR]. »
Pour ce qui est des marchandises diverses – roulier et breakbulk dans la terminologie portuaire néerlandaise –, les flux sont en croissance de 3,2 % par rapport à 2020 et de 0,4 % par rapport à 2019. Rotterdam n’en a pas fini à effacer les traces du Brexit. Après des années de croissance, le roulier affiche un niveau similaire à celui des deux dernières années.
Des revenus financiers en hausse
Sur un plan financier, l’année a également été un bon millésime. L'augmentation des recettes de 2,6 % à 772 ,7 M€ et la baisse des coûts d’exploitation de 5,5 %, soit 260,5 M€, permettent de dégager un résultat d'exploitation avant intérêts, dépréciation et impôts de 512,2 M€ (477,5 M€ en 2020).
La société portuaire, qui a pour actionnaires la Ville de Rotterdam (70,83 % du capital) et l’État néerlandais (29,17 %), devrait ainsi redistribuer 122,7 M€, soit 2,1 M€ de plus que pour 2020, après avoir investi 226,3 M€ dans ses développements.
Cap sur la transition énergétique
Parmi les faits saillants qui ont marqué l’année, le gouvernement néerlandais a alloué quelque 2 Md€ aux quatre entreprises qui portent le projet Porthos de capture et stockage de CO₂. À partir de 2024, le CO2 sera stocké à grande échelle sous la mer du Nord. « Le plan de zonage et les quatre demandes de permis pour le projet sont maintenant disponibles pour inspection », précise à ce propos la direction.
Par ailleurs, Shell a démarré la construction d'une usine à Pernis qui produira chaque année 820 000 t de carburant vert pour les avions et du diesel renouvelable à partir de déchets.
Rotterdam porte aussi plusieurs projets autour de l’hydrogène. Une décision d'investissement est attendue pour la construction d'un pipeline d'hydrogène (HyTransPort) dans la zone portuaire. Des études sont menées sur la construction de gazoduc entre Rotterdam, Chemelot et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie pour divers produits, dont l'hydrogène et le CO₂. Uniper porte en outre une première grande usine d'hydrogène vert de 100 MW sur son site à Maasvlakte avec la possibilité de porter cette capacité à 500 MW.
Jusqu'à 35 % de la réduction des émissions de CO2
« Ensemble, les projets de transition énergétique en cours, opérés par le port ou par les entreprises, peuvent représenter jusqu'à 35 % de la réduction des émissions de CO2 des Pays-Bas d'ici à 2030, soit 23 Mt », est-il indiqué, sachant que « l'importation de 1 à 2 Mt d'hydrogène d'ici 2030 est possible et permettra de réduire les émissions de carbone de 10 à 20 Mt supplémentaires. »
Mais, pour mettre en œuvre ces projets, nous avons besoin de « politiques publiques incitatives », glisse Allard Castelein.
Adeline Descamps