Le spécialiste français des systèmes de confinement pour le transport maritime et le stockage de gaz liquéfié a obtenu une AiP pour ses membranes « NH3 Ready » par Bureau Veritas. Ainsi le système III peut-il être, sans modification majeure de design, adapté au confinement éventuel de l'ammoniac pour les applications GNL carburant. Une garantie supplémentaire offerte aux armateurs pour sécuriser leurs investissements.
Sans modification majeure de design, la technologie testée et éprouvée de GTT pour le GNL – ses systèmes de confinement à membrane cryogénique Mark III tapissent les cuves des navires pour confiner le GNL lors de son transport – pourra être utilisée le cas échéant pour contenir de l'ammoniac. « Lors de la procédure d’approbation, une évaluation de la compatibilité de la barrière primaire de la technologie Mark III avec l’ammoniac a été réalisée, et une campagne d’essais a permis de déterminer le niveau de renforcement du système de confinement afin de tenir compte de la densité supérieure de l’ammoniac par rapport au GNL », indique la société.
Dans le même temps, l’entreprise de Saint-Rémy-lès-Chevreuse a obtenu une autre approbation (Approval in Principle, AIP) portant sur la pression de design élevée à « 1 barg », cette fois pour que sa technologie soit adaptée aux futurs grands porte-conteneurs. « Elle permet de donner plus de flexibilité aux armateurs dans toutes leurs opérations. »
Les trois voies qui mènent à la décarbonation du transport maritime
Prolonger la période d’amortissement
Avec cette démarche, GTT prouve certes, sur le plan technologique, sa capacité à adapter ses solutions mais aussi son sens commercial en offrant aux armateurs une solution « à l’épreuve du temps », et ainsi un peu de visibilité alors qu’ils temporisent, butant sur les choix, hésitant sur les technologies de substitution aux carburants conventionnels pour répondre aux futures évolutions réglementaires notamment sur le CO2. Savoir que le système est configuré GNL et ammoniac sécurise d’une certaine façon leurs investissements.
« Bien que nous soyons convaincus que le GNL est la solution de choix pour réduire les émissions des navires, nous devons prendre en compte le fait que l’ammoniac, provenant de l’hydrogène vert, pourrait permettre de réduire encore davantage ces émissions. En proposant un système compatible avec l’ammoniac, nous offrons aux armateurs la possibilité de prolonger considérablement la période d’amortissement des navires », confirme Philippe Berterottière, le PDG de GTT.
L’ammoniac et l’hydrogène, énergie à laquelle s’intéresse aussi GTT, font partie des carburants sur lesquels un consensus se fait jour pour les désigner comme les alternatives les crédibles pour répondre aux objectifs de décarbonation de la flotte d’ici 2030 puis 2050.
Transport maritime : le grand consensus autour de l'ammoniac
Plébiscité par les sociétés de classification
L’ammoniac, en tant que carburant marin, a fait l’objet ces derniers mois de plusieurs publications. Le rapport de la société de classification Korean Register (Forecasting the Alternative Marine Fuel), paru il y a un an, considère l'ammoniac comme une alternative à privilégier parmi toutes les technologies de substitution. Avec un argument massue : son prix. Il serait 32 % moins cher que l'hydrogène et 15 % moins cher que le méthanol.
« L'ammoniac devrait avoir de faibles coûts de production, de stockage et de transport par rapport à d'autres carburants neutres en carbone, et sa disponibilité est garantie car les technologies de synthèse de l'ammoniac sont déjà matures ». Pour les auteurs de ce rapport, il présente le potentiel de croissance le plus avéré puisqu'il « devrait être autorisé techniquement et commercialement, souscrivant à toutes les conditions du point de vue des conditions de stockage, de sa densité énergétique et du coût de construction des navires ».
L’ammoniac inspire les chantiers asiatiques
Optimal en bicarburation
La société sud-coréenne s’est polarisée, dans son étude, sur « l'efficacité économique » de l’ammoniac : les coûts tout au long de la chaîne de valeur, de l'approvisionnement en matières premières à la livraison du produit fini mais aussi la capacité de l'industrie à produire suffisamment pour répondre aux besoins du secteur maritime. Aucun des points ne pose de problématiques aux yeux des sud-coréens. Pas même son origine peu verte : « La tendance croissante à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables et de la synergie entre la production d'énergie éolienne en mer permet une production verte ».
Létude souligne en outre que l’ammoniac est optimal quand il est intégré dans un système bicarburant (60 % de NH3 idéalement), le second carburant agissant comme un initiateur de combustion pour compenser la température d'auto-inflammation relativement élevée de l'ammoniac.
MAN Energy Solutions avait d’ailleurs donné du poids à cet argument en soutenant que plus de 3 000 de ses moteurs MAN B&W existants pouvaient être modifiés en moteurs à carburant à l'ammoniac.
Décarbonation : Sea-LNG presse les armateurs à se positionner
Adapté au short sea
La société sud-coréenne n’est pas la seule à avoir plébiscité l’ammoniac. La société de classification américaine ABS avait publié en avril 2020 une étude dans laquelle elle mettait en exergue trois voies possibles pour parvenir à des navires sans ou à faible émissions de CO2 : la famille des gaz légers (GNL, bio-GNL, gaz naturel synthétique, gaz naturel renouvelable, hydrogène), celle des alcools (méthanol, éthanol et ammoniac) et enfin, les biocarburants.
ABS a replacé chaque carburant de substitution dans son environnement. Ainsi, elle en a étudié la faisabilité technique et économique selon le type de navires et en fonction de leur profil d'exploitation suivant les routes commerciales et les cargaisons transportées. L’objectif étant d’aider les exploitants à déterminer la ou les technologies les plus adaptées à chaque navire et à son profil d'exploitation.
En procédant ainsi, la société indiquait toutefois que l'ammoniac serait plus adapté au transport maritime à courte distance. Pour les autres segments, « il exigerait une reconfiguration des navires, notamment parce que les soutes devraient être agrandies. Toutefois les méthaniers ou les transporteurs de GPL pourraient être de bons candidats car ils peuvent transporter ces carburants sous forme de cargaisons. »
GTT réalise une acquisition majeure dans l’hydrogène vert
Du GNL à l’hydrogène vert
GTT, qui a notamment pour actionnaire historique Engie (qui a annoncé son intention de vendre tout ou partie de sa participation de 40 %), maîtrise un métier particulièrement complexe : le transport d’un gaz liquéfié à -163°C. Elle ne surprend donc pas vraiment à se positionner sur l’ammoniac, au vu de son expérience accumulée sur la connaissance des matériaux et la logistique des gaz liquéfiés.
GTT est également de la partie sur l’hydrogène vert. Le spécialiste a annoncé le 19 octobre l'acquisition d'Areva H2Gen, un fabricant français d'électrolyseurs, technologie qui permet de verdir l’hydrogène.
Adeline Descamps