Le porte-conteneurs MV Mozart a été pris d’assaut ce week-end par des pirates sévissant dans le Golfe de Guinée, une des zones actuellement les plus dangereuses de la planète. Ces dernières semaines, les événements se sont multipliés si bien que certains armateurs appellent une solution militaire.
Selon la société de sécurité Dryad Global, l’attaque contre le porte-conteneurs MV Mozart, propriété du shipmanager Borealis Maritime et géré par la société turque Boden Denizcilik, se serait soldée par la mort d’un marin et la prise d’otage de 15 des 19 membres d’équipage. Lorsque le porte-conteneurs de 2 842 EVP, naviguant sous pavillon libérien, a été abordé par les pirates, le samedi 23 janvier vers 5h30 du matin, le porte-conteneurs se trouvait à moins de 200 km au nord-ouest de Sao Tomé, état insulaire qui fait face à Libreville, capitale du Gabon. Il se dirigeait vers Le Cap, en Afrique du Sud.
Selon les rapports convergents de plusieurs sociétés de sécurité spécialisées dans la piraterie en mer, relayés par les agences de presse Associated Press et Reuters, l’attaque a été particulièrement violente, « coordonnée et sophistiquée », car les pirates ont pu pénétrer, en « utilisant des explosifs », la citadelle, où l'équipage s’était mis à l’abri. Elle est aussi inhabituelle car jamais un assaut ne se serat produit aussi lien des côtes, selon les spécialistes.
L’incursion aurait duré plusieurs heures sans qu’aucune interférence avec des forces de l'ordre ou de l'armée ne soit signalée. Le décès au cours de l’attaque de l'ingénieur Farman Ismayilov a été confirmée par les autorités turques. Il était le seul marin ressortissant d'Azerbaïdjan d’un équipage turc.
Piraterie : une réponse militaire dans le Golfe de Guinée ?
Attaques en nombre sans précédent
Les autorités maritimes turques ont assuré que les trois marins, qui ont pu échapper à la prise d’otage, étaient sains et saufs tandis que des négociations étaient en cours pour la libération de l’équipage. « Les pirates n'ont pas encore réagi », ont-elles déclaré.
Cet événement suit de peu les appels lancés ces derniers jours par le responsable de la sécurité maritime de Maersk qui sollicitait une solution militaire pour enrayer la montée en puissance et en gravité des abordages dans cette région du monde. Deux porte-conteneurs de l’armement danois a fait les frais, ces dernières semaines, de tentatives (déjouées) d'arraisonnement par des pirates.
L’an dernier, le golfe de Guinée a représenté plus de 95 % du total des prises d’otages recensées par l’IBM avec 130 cas recensés lors de 22 incidents distincts. Depuis 2019, cette région inhospitalière a connu une augmentation sans précédent du nombre d'enlèvements en concentrant 25 % du total mondial. Rien qu'au cours du dernier trimestre de 2019, 39 membres d'équipage avaient été kidnappés, avec usage d’armes à feu pour 80 %. Les trois détournements de navires et neuf des onze navires sur lesquels ont été dirigés des tirs en 2020 concernaient cette région.
Piraterie : Les actes d'enlèvement se multiplient dans le golfe de Guinée
Recours à des gardes privés compliqué
Face aux bandes criminelles, qui se professionnalisent et opèrent de plus en plus loin des côtes, ce qui rend les attaques plus difficiles à prévoir et à planifier, le Bureau maritime international (IMB) de la Chambre de commerce internationale a tiré la sonnette d’alarme dans son dernier rapport publié récemment.
Un patchwork de réglementations nationales entrave aujourd’hui le recours à des sociétés privées de sécurité maritime embarquées, lesquelles auraient largement contribué à limiter les assauts le long des côtes de la Somalie. Dans cette région, qui a longtemps été l’épicentre mondial des enlèvements de marins, aucun incident n’a été signalé en 2020 selon l’IMB.
Le Nigeria, qui s’est érigée en puissance régionale sur ces questions avec sa loi anti-piraterie de 2019 et son projet Deep Blue d'un montant de 195 M$, n'autorise les entrepreneurs privés à fournir des services de navires d'escorte de sécurité que s'ils utilisent des bâtiments civils et des membres armés de la marine nigériane…
La multiplication des attaques a conduit le comité des assureurs à élargir, en septembre, sa zone classée en risques de guerre vers le sud et l'est du golfe de Guinée, ce qui renchérit d’autant les primes d’assurance pour les navires qui y transitent.
Adeline Descamps
En 2020, la piraterie n'a pas été confinée