Entre le navire zéro émission et l'avion bas carbone, la générosité de l'État n'applique pas les mêmes quotas

Á quelques semaines d’intervalle, le gouvernement français a promis plusieurs centaines de millions d’euros pour accompagner la décarbonation du transport aérien et maritime. Mais qu’il s’agisse du navire zéro émission ou de l’avion bas carbone, les fonds publics alloués font les grands écarts.

Les lignes de crédits publics ont leurs règles d’attribution que nul n’est censé ignorer. Le parallélisme est néanmoins tentant même si l’application d’une arithmétique basique et primaire est critiquable.

Á l’occasion des Assises de l’économie de la mer, qui s’est tenu début novembre à Lille, Hervé Berville, le secrétaire d’État à la Mer, a établi le cahier des charges pour les prochains mois correspondant à ce qu’il souhaite voir aboutir conjointement avec les acteurs de la filière : doter la France d’une stratégie maritime à moyen terme, dont elle est toujours orpheline, si tant est qu’elle n’en ait une un jour.

Cette démarche, désignée sous l’appellation de France Mer 2030, qui comprend plusieurs volets, a notamment pour ambition absolue d’être à l’avant-garde, et « si possible avec des technologies et des emplois français », du navire zéro émission.

Une enveloppe de 300 M€ d’ici la fin du quinquennat

« Si on veut mettre la mer au cœur des politiques publiques, répondre aux objectifs de neutralité carbone, assurer la souveraineté économique, territorialiser les emplois de la mer…, on a besoin d’une stratégie maritime écrite qui n’existe pas », expliquait Hervé Berville en aparté. Nous avons des problématiques de décarbonation des navires », à commencer par les verrous technologiques qui pèsent aujourd’hui sur les alternatives aux énergies fossiles, admettait-il.

Dans le cadre de la démarche France Mer 2030, une enveloppe de 300 M€ est prévue d’ici la fin du quinquennat sous la forme de subventions, prises de participations, garanties publiques… espérant générer des fonds privés de façon à avoir un effet de levier de 1 à 3, a précisé auprès du Journal de la marine marchande Hervé Berville. Cette mobilisation de moyens privés et publics doit permettre de constituer un fonds d’investissement maritime, qui pourrait donc atteindre le milliard d’euros, selon ses projections. 

Une enveloppe de 435 M€ sur la seule année 2023

En déplacement à Toulouse pour une réunion des acteurs de la filière sur le site d'Airbus à Toulouse le 9 décembre, le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, avait également le carnet de chèque de l’État en poche. Le gouvernement français vient de promettre 435 M€ sur la seule année 2023 pour décarboner le transport aérien.

« La décarbonation de l'aviation n'est pas une option, c'est une obligation », mentionne le représentant de l’État dans un communiqué.

En début d'année, le gouvernement avait déjà annoncé l'octroi de 800 M€ au Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac), qui regroupe les industriels du secteur et l’État, afin de développer d'ici à 2030 le premier avion bas carbone. Sur ces 800 M€, 300 millions devaient être déployés en 2022 puis 300 millions en 2023 et 200 millions en 2024. C'est l'enveloppe de 2023 qui a subi l’inflation, gonflée avec une ligne budgétaire de 135 M€ supplémentaire. 

Sans cela, le constructeur européen s'est engagé à ce que ses avions volent à 100 % avec des carburants verts d'ici à 2030. Il planche sur un avion à hydrogène alors que l’équipementier français Safran travaille sur des équipements électriques.

Même contribution au réchauffement climatique

Le transport maritime représente entre 2 et 3 % des émissions mondiales de CO2, principal gaz à effet de serre, tout comme son équivalent aérien, d’après les données de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), une agence de l'ONU.

L'Association internationale du transport aérien (Iata), qui fédère la grande majorité des compagnies aériennes, et l'industrie aéronautique se sont engagées à réduire à zéro les émissions nettes de CO2 d'ici à 2050, en incluant des mécanismes controversés de compensations carbone. L’Organisation maritime internationale s’est pour l’instant limitée à une diminution de 50 % ses émissions d’ici à 2050. Mais cet objectif est en passe d’être réévaluée.

Logée à la même enseigne européenne

Alors que le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord il ya quelques jours sur les conditions d’intégration du transport maritime dans le système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne, un accord a également été trouvé sur la contribution du secteur aérien à l’objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre (réduire de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990).

Depuis 2012, le transport aérien, comme d’autres secteurs, bénéficie de quotas gratuits d’émission qui peuvent ensuite être négociés au sein du système d’échange de quotas. L’accord obtenu dans la nuit du 6 au 7 décembre vise, selon la Commission européenne, à « accélérer l'application du principe du pollueur-payeur, grâce à la suppression progressive des quotas gratuits pour le secteur de l'aviation d'ici à 2026 » pour les vols intérieurs à l’Union européenne et à destination ou en provenance de la Suisse et du Royaume-Uni.

De ce point de vue, les deux passagers clandestins de la cause climatique qu’étaient le transport maritime et aérien sont presque à égalité. De ce point de vue. 

Adeline Descamps

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