Comment se comporte le marché du camion de plus de 6 t au premier semestre 2024 ?
Il semble fou… En immatriculations, il est en hausse de 5 % environ (par rapport au S1 2023), mais en entrées de commandes il est en baisse de 15 à 20 %. Nous venons de passer deux années extraordinaires : les clients commandaient beaucoup de véhicules, et le marché était régulé par les capacités des constructeurs à faire face à ces commandes. Les véhicules sont en train d’arriver, donc les commandes baissent. Il n’y a pas d’émoi à avoir, même si on sent que nos clients transporteurs ont moins d’activité, notamment dans l’alimentaire. Donc ils ont moins besoin de véhicules. Nous entrons dans une phase de régulation du marché après deux années un peu folles.
Pour quelles raisons les immatriculations sont en hausse de 5 % ?
Premièrement, il y a le reste des commandes qui n’ont pas encore été livrées en 2023. Volvo Trucks s’en est bien tiré, mais certains de nos concurrents ont retrouvé des capacités de production normales à partir de l’automne 2023.
Deuxièmement, il y a l’effet GSR 2. Les véhicules qui n’étaient pas équipés conformément au règlement européen GSR 2 devaient être immatriculés avant le 7 juillet 2024. Cela a contribué à ce que les livraisons s’accélèrent fortement, notamment en mai et juin.
En juin, les immatriculations de porteurs ont explosé. Les carrossiers ont du sortir rapidement les véhicules en préparation, non compatibles avec GSR 2.
C’est le cas pour les distributeurs qui avaient des stocks ?
Oui, mais aussi pour les carrossiers qui avaient du retard. Le retard de livraison des camions par les constructeurs s’est reporté chez les carrossiers, qui eux-mêmes ont du retard. Donc des camions commandés en 2023, qui ne sont pas conformes aux exigences de sécurité GSR 2, ne sont pas encore mis en circulation. Or c’est à ce moment-là qu’on immatricule le véhicule. Cependant, il y a des dérogations. Chaque constructeur a sa liste de dérogations, limitée à 30 % des immatriculations des années précédentes.
Y aura-t-il un creux de la vague après ce phénomène ?
On s’attend à ce que le second semestre 2024 soit moins bon. On espère que cela va permettre aux carrossiers de retrouver des délais de livraison plus corrects. A ce jour, sur certaines carrosseries, il y a des délais de livraison en 2025 : frigo, bennes, pompes à béton… Ces perturbations sont-elles identiques sur les porteurs et les tracteurs ? Sur les tracteurs ça va mieux : on est revenu à des délais de livraison inférieurs à trois mois.
Comment se situent les immatriculations de véhicules lourds nouvelles énergies et électriques ?
En début d’année, nous avons ressenti l’impact des aides publiques de 2022 et 2023. Les transporteurs lauréats des appels à projet Ademe ont trois ans pour immatriculer le véhicule. Les projets d’acquisition de camions électriques sont forcément longs car ils intègrent l’installation de l’infrastructure de recharge. Plusieurs prestataires interviennent, chacun avec leur délai : le fournisseur qui amène l’électricité au dépôt ; les autorisations de permis de construire ; le fournisseur et installateur de borne de recharge. Une fois que tout cela est terminé on peut livrer les camions électriques.
La FFC estime qu’en 2030, les ventes de véhicules zéro émission représenteront plutôt 35 % des ventes de poids lourds, que 50 %. Etes-vous en accord avec cette estimation ?
Notre roadmap, c’est de vendre 50 % de véhicules électriques en 2030. C’est cohérent avec les objectifs Vecto imposés par l’Europe et avec les capacités de production que nous avons mises en place. Après, il y a la rapidité avec laquelle le marché va opérer sa transition. Ce qui peut freiner, ce sont les infrastructures de recharge.
Ce ne sont plus uniquement les aides gouvernementales qui permettront dans les années à venir d’accélérer les ventes de camions électriques ?
Non, car on voit que les énergéticiens s’engagent sur des prix de l’électricité qui sont un peu plus stables. Cela permet d’évaluer le TCO des véhicules plus précisément. Il va falloir incontestablement décarboner le transport encore plus vite, car un cercle plus large d’entreprises va être soumis à l’obligation d’une transparence environnementale (Scope 3 du bilan carbone). Ce sont les clients de nos clients qui vont le demander. Techniquement, nous serons prêts en 2030.
Le TCO d’un camion électrique sera identique à celui d’un camion gasoil en 2030 ?
Ah… ce serait bien ! Mais l’inconnue à l’heure actuelle, c’est la valeur des batteries en fin de vie. Avec Volvo Energy, on cherche à les recycler. On a un peu de temps pour y parvenir : arrivée la fin de cycle de 8 ans sur un véhicule, elles peuvent servir de batteries de stockage. On a des projets au sein du groupe Volvo : chargement de camions, minipelles, chargeuses sur des chantiers...
Mais l’objectif à moyen terme est de les recycler complètement puisque nous voulons rejeter zéro et réutiliser les métaux rares qui les composent. L’inconnue, c’est le prix des batteries.
Le TCO d’un camion électrique est donc plus complexe à calculer. Mais l’horizon 2030 pour un TCO équivalent reste envisageable.
Cela dit, on continuera à vendre des moteurs thermiques, car pour certaines applications, on ne sait pas faire avec l'électrique. Elles nécessitent trop d'énergie. Mais ces moteurs thermiques, on peut les faire fonctionner avec d’autres carburants que du diesel.
Complément d'information
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