Chez les constructeurs de véhicules industriels (VI), l'heure est à la pédagogie. Comme on l'a vu lors du salon Solutrans, fin novembre à Lyon, dans chaque stand de marque de camions, on redoublait d'efforts pour présenter des tracteurs ou porteurs fonctionnant aux énergies alternatives, en premier lieu desquelles l'électricité. Ce fut le cas chez Iveco, qui présentait sa nouvelle gamme de VI toutes énergies.
Nous en avons profité pour interviewer Clément Chandon, Monsieur Energies alternatives chez Iveco France, l'un des spécialistes du camion électrique mais aussi au gaz, voire au biocarburant.
En cette période de transistion entre gasoil, gaz, électricité et hydrogène, Iveco vise un mix énergétique large. Pouvez-vous nous expliquer en quoi il consiste ?
Il y a plusieurs approches. La nôtre est multi-énergies. Nous pensons que les choses ne vont pas changer fondamentalement. Ce sont les transporteurs qui font leur choix avec les chargeurs.
Iveco souhaite leur laisser le choix, comme d'autres constructeurs. Nous développons le gasoil, le biodiesel, le gaz naturel véhicule (GNV) mais aussi l'électrique et l'hydrogène. Pour ce dernier "carburant", nous testons deux types de propulsion, à moteur électrique avec pile à combustible, mais aussi à motorisation à combustion interne.
Nous sommes dans un système ouvert, beaucoup de variables changent en même temps. Les véhicules évoluent rapidement. Nous le voyons avec ce tracteur électrique S-eWay, notament sur l'autonomie, qui s'accroit.
Le coût de l'énergie est également volatile, que ce soit pour le gaz ou l'électricité. La réglementation européenne aura des conséquences sur ces prix. Elle va contraindre les constructeurs à vendre plus de véhicules électriques. Cela provoque beaucoup d'incertitudes, et personne ne peut encore prédire de quoi sera fait le mix énergétique des années à venir. En développant toutes ces technologies, Iveco sera au rendez-vous, restera un acteur important comme nous le sommes aujourd'hui.
Demain nous souhaitons être l'acteur de référence du non-diesel. Nous avons investi un milliard d'euros sur la nouvelle gamme.
Que retenez-vous du salon Solutrans ?
La tonalité électrique est très forte. 2025 marque une étape importante, c'est notre horizon à court terme à tous les constructeurs : c'est le moment où, si nous ne sommes pas dans la trajectoire de décarbonation décidée par l'Europe, les amendes vont commencer à s'appliquer (pour respecter le règlement européen Vecto, les constructeurs devront, en 2025, justifier d'une réduction de 15 % de leurs émissions de CO2 par rapport à 2019).
Comment comptez-vous y parvenir chez Iveco ?
Nous proposons à la vente des camions thermiques gasoil et GNV avec des rendements qui s'améliorent : réduction de consommation de 10 % pour des camions gasoil, et de 11 % pour des camions au GNV.
Cela ne sera pas suffisant. Il faudra des immatriculations en électrique pour parvenir aux -15 % de CO2 que demande l'Europe.
Ensuite, il y a l'étape 2030, où la réglementation va se renforcer : nous pourrions nous retrouver à 45 % de réduction de CO2 par rapport à 2019.
En novembre, un vote au Parlement européen a permis de valider le recours au biocarburant exclusif comme alternative neutre en émissions de carbone pour les poids lourds. L'Europe revoit sa copie, ouvre une possibilité supplémentaire pour les constructeurs de VI d'atteindre des objectifs très ambitieux.
Concrètement, combien de VI électriques devra vendre Iveco en 2025 ?
En 2025, tous les constructeurs devront justifier qu'entre 5 et 8 % des immatriculations de véhicules de 16 t et plus (tracteurs 4x2, 6x2, porteurs...) sont électriques. Ensuite, ces chiffres augmenteront fortement à horizon 2030, puis 2035 et 2040.
Comment faire pour rassurer les transporteurs et conducteurs face à cette transition très impactante ?
Notre objectif est que nos vendeurs soient les meilleurs consultants des transporteurs. Ce qui nous différencie, c'est que nous avons développé un large choix technologique. Nos vendeurs n'ont pas plus d'objectifs de ventes de gasoil que d'électrique...
Nous avons donc la liberté d'expliquer aux acheteurs ce que ces différents types de camions savent faire, combien ils vont coûter en exploitation. Sur l'électrique, nous les orientons vers des partenaires pour trouver la bonne solution de recharge. En moyenne, passer au camion électrique nécessite un diagnostic d'un an environ.
Quoiqu'il en soit, le coût d'un camion va augmenter ?
Cela dépend des technologies. Le gaz n'a jamais été aussi économique qu'en ce moment. Il se situe à parité de coût avec le gasoil. Le biocarburant HVO est environ 10 % plus cher que le gasoil.
Le transporteur doit donc discuter avec le chargeur afin de se répartir le coût de la transition et de la décarbonation.
C'est plus compliqué de pronostiquer à quel moment le coût du camion électrique va baisser.
Le camion électrique peut-il parvenir à parité de coût avec le camion gasoil ?
La fin de la récupération partielle de la TICPE sur le gasoil est prévue au plus tard en 2030. En 2027 rentreront les quotas carbone : 14 centimes de plus par litre. L'Euro-vignette va moduler le coût des péages en fonction des émissions de CO2 des véhicules. En 2030, nous pourrions nous retrouver avec une solution électrique compétitive. Quoi qu'il arrive, le coût des transports va augmenter.
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Le 15 novembre à Barcelone, Iveco a présenté devant 1 300 personnes sa nouvelle gamme de véhicules industriels, du Daily au S-Way en passant par l'Eurocargo. Le S-eWay électrique est bien badgé Iveco, tandis que le S-Way accueille un nouveau moteur thermique Cursor XC13. Cliquez sur ce lien pour lire l'article complet.