Espagne : fraude massive dans la distribution de carburants

Vista de la Refinería "Gibraltar-San Roque" desde el mar

Une solution pourrait consister à renforcer le contrôle des opérateurs pétroliers et à les obliger à réaliser des déclarations mensuelles de TVA et non plus trimestrielles.

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La fraude fiscale sur les carburants constitue un défi autant pour l’État espagnol que pour les compagnies pétrolières confrontées à une concurrence déloyale. L’administration espagnole a engagé une lutte contre ce fléau.

"Une fraude massive et organisée", a résumé Josu Jon Imaz, président du conseil d’administration de la compagnie pétrolière Repsol, lors du IXe Forum de l’Énergie organisé le 5 septembre 2024 à Madrid par la publication El Economista. "Un phénomène alarmant", a expliqué de son côté Olvido Moraleda, présidente de BP España. "Nous sommes très préoccupés" dit-on chez Cepsa, l’autre grande compagnie pétrolière espagnole, filiale du groupe Mubadala.

Un dispositif de prédation organisée

Le principal mécanisme est lié à l’existence d’un régime suspensif de paiement de TVA dans les installations de stockage. Le non-versement à l’État de la TVA (21 %) incluse dans les ventes de carburants effectuées par certains opérateurs pétroliers aux stations-services constitue la principale forme de fraude.

Une concurrence "absolument déloyale". Comme ces opérateurs ne paient pas de TVA en amont à leurs fournisseurs en vertu du régime fiscal, ils disposent d’une vraie marge pour réduire les prix de vente des carburants aux stations-services, lesquelles peuvent, à leur tour, baisser leurs prix de vente aux consommateurs. D’où l’existence d’une concurrence "absolument déloyale", selon l’Association des opérateurs de produits pétroliers (AOP) qui rassemble les grandes compagnies pétrolières.

Un manque à gagner considérable

Plus de 25 % des ventes de carburants. En conséquence, l’État espagnol reconnaît un manque à gagner considérable en matière de TVA : plus de 1 milliard d’euros en 2023. La fraude concernerait plus de 25 % des ventes de carburants en Espagne et environ 10 % des 12 000 stations-service espagnoles.

Environ 3 Mds€ par an. Mais d’autres comportements délictueux ont été observés tels que, par exemple, le non-respect de l’incorporation des biocarburants. Une filière s’est même mise en place afin de transformer du gazole non routier (GNR) en gazole pour les véhicules automobiles. "Nous sommes face à un dispositif de prédation systématique", explique un expert du secteur. Selon certaines estimations, la fraude totale avoisinerait 3 Mds€ par an.

Mobilisation générale

Cri d’alarme. Face à ce fléau, toute la profession a fait bloc et se mobilise. L’AOP et trois associations du secteur (UPI : Opérateurs pétroliers indépendants ; Aevecar : Association espagnole de vendeurs au détail de carburants et de combustibles ; et CEEES : Confédération espagnole des chefs d’entreprises de stations-services) ont lancé un cri d’alarme en mars dernier et ont organisé ensemble, en juin, une réunion d’information pour dénoncer le problème. Elles exigent "des mesures qui, de manière définitive et efficace, permettent la prévention et l’éradication de ce type de pratiques frauduleuses".

Nouveau texte. L’administration espagnole n’est pas inactive, ce que les professionnels reconnaissent bien volontiers. Un nouveau texte, le décret-loi royal 8/2023, qui est entré en vigueur à la fin du mois de mars 2024, définit une nouvelle organisation du marché des carburants.

Tributaria traque les fraudeurs

400 stations-services visitées. L’Agencia Tributaria, l’agence publique espagnole en charge de la collecte des impôts, multiplie la traque les fraudeurs. Le 14 mai 2024, les fonctionnaires de cette agence se sont rendus dans plus de 400 stations-services de 14 régions afin de solliciter des informations. La Guardia Civil, homologue espagnol de la Gendarmerie Nationale, multiplie les arrestations et les saisies d’actifs. Ses rapports mentionnent l’existence "d’organisations criminelles".

Des mesures de contrôle plus radicales. Les organisations professionnelles demandent d’aller plus loin et de prendre des mesures de contrôle plus radicales. Une des solutions pourrait consister, comme en Italie, à mettre en place un système de garantie du paiement de la TVA avant que les carburant ne sorte des dépôts. Une proposition de loi présentée au parlement espagnol va dans ce sens.

Des opérateurs "fantômes". Une autre solution pourrait consister à renforcer le contrôle des opérateurs pétroliers et à les obliger à réaliser des déclarations mensuelles de TVA et non plus trimestrielles. En effet, des opérateurs "fantômes" réalisent des opérations frauduleuses dans un laps de temps assez court puis redeviennent inactifs ou disparaissent. Les organisations professionnelles plaident aussi pour une coordination accrue entre les différentes administrations pour accélérer les procédures et rendre plus efficace encore les procédures de lutte contre la fraude.

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