Pour faire face à la recrudescence de projets de transport sur le canal des Deux Mers, la nouvelle direction de VNF Sud-Ouest multiplie les interventions. Ghislain Frambourt, directeur adjoint est proactif : « L’idée de relance est bien présente. En 2020, nous avons financé une première expérimentation au cœur de Toulouse. En 2021, nous en sommes à quatre demandes de Parm (Plan d’aide au report modal). Nos deux centres d’actions sont Toulouse et l’hinterland de Bordeaux. Sur le linéaire, nous sommes ouverts à tous les projets ». En mai 2021 un transformateur de cent tonnes a relié Lyon à Bordeaux, démontrant la navigabilité du canal des Deux Mers. Une première depuis 1989.
À Toulouse, la voie d’eau traverse le centre-ville, dessert le port Saint-Sauveur et quatre quais.
De jeunes start-up de transport à vélo-cargo poussent au développement d’une logistique fluviale. Pour Valentin Mizzi des Alchimistes (collecte de compost), « charger un bateau au centre-ville multiplierait par quatre les volumes journaliers ». Leur projet est de coopérer avec un collecteur de cartons et le livreur Applicolis pour alterner les voyages vers l’extérieur de la ville. En prévision de dix ans de travaux en centre ville, Spie Batignolle-Malet a réalisé un test en 2020 entre Castelsarrasin et le port Saint-Sauveur pour du transport de déblais.
Pour accompagner ces initiatives, VNF a lancé un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour l’occupation des quais de Lalande en vue d’une logistique urbaine fluviale jusqu’au port Saint-Sauveur.
Logistique urbaine et économie circulaire
Au nord de la ville, le site recouvre plus de 10 000 m² de surface, 200 m de quais et un bâtiment. De l’autre côté du canal, la plate-forme logistique de Fondeyre et le marché d’intérêt national de Toulouse renforcent l’intérêt stratégique.
« Nous souhaitons connaître l’intérêt que suscite ce site. Pour une ou plusieurs entreprises, différentes applications sont possibles. Un appel à projets suivra », explique Eilika Gental, chargée de mission chez VNF Sud-Ouest. Pour Philippe Perrin, chargé aux vélos, à la mobilité à Toulouse Métropole, « il est urgent de décharger les routes et d’accompagner l’essor des livraisons. De nouveaux centres de logistique sont à prévoir ».
Dans le Lot-et-Garonne, une alliance d’industriels ambitionne d’utiliser le canal de Garonne pour transporter leur marchandise.
Compas 47 rassemble des entreprises du secteur du déchet, du BTP et de l’agroalimentaire. Créée dans le cadre d’une démarche « écologie industrielle territoriale » (EIT) menée sur le territoire de Damazan, l’alliance bénéficie d’un soutien opérationnel de la communauté de communes du Confluent et des Coteaux de Prayssas et du syndicat ValOrizon. La collectivité vient de commander une étude financière et technique pour identifier les conditions de relance du fret fluvial. Près de 50 000 tonnes pourraient transiter par le canal.
Membre de l’alliance, Frédéric Massa, dirigeant de Sogerom, prévoit un test fin 2021 pour l’acheminement de broyats de pneus : « Nous chargeons, chaque année, quatre bateaux de 4 000 tonnes au départ de Bordeaux pour le Maroc. L’étude nous permettra de connaître les tirants d’eau et d’air, les coûts de transport, de chargement et de déchargement ».
Le secteur agroalimentaire a été le premier à expérimenter un voyage en mai 2021 avec l’opération « Garonne Fertile ». Sur le secteur, Bordeaux Métropole souhaite développer une politique de résilience alimentaire et de solidarité interterritoriale où le fleuve serait le lien.
Le rôle du GPM de Bordeaux
Nadia Saadi, élue à la mutation économique à Bordeaux et membre du conseil de développement du grand port maritime de Bordeaux (GPMB), cherche la bonne stratégie : « Il faut tester ce qui est possible. Comprendre comment adapter quel quai à quel type de stock ». Le rôle du GPMB est attendu. Pour son président, Philippe Dorthe : « Le port doit être catalyseur d’initiatives. Notre rôle sera de rendre les déchargements et les stockages possibles sur le fluviomaritime. Je crois beaucoup aux circuits courts et à l’économie circulaire. Le port se tourne vers les territoires, un projet stratégique sur 2021 et 2025 se construit avec eux ». Sur la Garonne, les quais d’Airbus à Langon font l’objet d’un appel à projets de VNF. Cette parcelle de 27 000 m² relève du domaine privé de l’Etat. Après le départ d’Airbus programmé en 2022, l’établissement souhaite y perpétuer une activité pouvant s’intégrer dans la dynamique de relance du fret fluvial sur l’axe Garonne et canal des Deux Mers. Pour ce site, la liaison Toulouse-Bordeaux intéresse mais la réduction de gabarit à trente mètres depuis l’arrêt de la pente d’eau de Montech reste un frein. Ghislain Frambourt veut rassurer : « C’est un non sujet, si le besoin est là de la faire fonctionner, cela pourra être possible ».