Actu-Transport-Logistique : Cette remorque à pile à combustible marque-t-elle le début des Transports Delanchy avec le vecteur hydrogène ? Songez-vous également à vous équiper de porteur ou de tracteur ?
Brigitte Delanchy : Cette remorque à hydrogène s’inscrit dans la droite ligne de notre engagement en faveur du développement durable. Je suis lassée du discours qui stigmatise toujours le transport de marchandises malgré les efforts que fait la profession. Mon père, qui a créé l’entreprise en 1968, a une formation d’électricien et a toujours été considéré l’hydrogène comme un carburant d’avenir.
Jusqu’à présent, tous les fournisseurs que nous avons rencontré, énergéticiens, pétroliers, voire constructeurs, nous ont expliqué qu’il n’y aurait pas de camions hydrogène avant 2030. Mais aujourd’hui l’échelle de temps est devenue beaucoup plus rapide, en atteste la dernière remorque de Chéreau. Concernant la partie traction, les transports Delanchy auront un premier véhicule démonstrateur en 2022, ce qui fait que nous aurons un ensemble complet camion plus remorque à hydrogène dans deux ans. Je pense que les camions hydrogènes vont se généraliser sur le marché en 2024. Mais il faudra que toute la profession se mobilise sur ce point là pour y parvenir.
ATL : Avec quel constructeur de camions allez vous faire ce démonstrateur ? S’agit-il de Nikola qui a multiplié les annonces pour son camion à hydrogène et s’est rapproché d’Iveco ?
BD : Je ne peux rien dire pour le moment, mais je sais que si les autres constructeurs font moins d’annonces, ils ne progressent pas moins sur cette technologie !
ATL : Où sera utilisée cette remorque à hydrogène et pour quel type de marché ?
BD : Elle sera utilisée en Normandie, une région très impliquée dans l’aménagement d’un réseau hydrogène, sachant que la remorque elle-même dispose d’une autonomie de 3 jours avec le groupe frigorifique sans interruption, ce qui offre une grande fiabilité dans le respect de la chaîne du froid. Nous l’utiliserons essentiellement sur la façade côtière, avec des produits vivants et morts, pour aller jusqu’à Paris, ensuite nous voulons élargir le périmètre et pousser jusqu’au Royaume Uni, en Allemagne et dans le Sud de la France. Nous utiliserons la station hydrogène de Saint-Lô qui était initialement dimensionnée pour les véhicules légers et qui a été aménagée pour accueillir des semi-remorques.
ATL : Vous avez testé un porteur électrique avec Renault et disposez de camions gaz, quel est votre retour ?
BD : Nous avons testé un porteur Renault Trucks électrique pendant 2 ans à Lyon avec une remorque équipée par Carrier qui avait son groupe froid directement branché sur le moteur. Nous avons apprécié la fiabilité de l’ensemble et avons signé et commandé un premier porteur électrique de 16 t qui sortira de l’usine de Renault Trucks de Blainville en avril 2020. D’autres commandes suivront.
Nous disposons également depuis 3 ans de camions gaz avec une quarantaine d’exemplaires mais je suis moins convaincue en terme de gain environnemental. Je pense qu’il vaut mieux passer directement à l’hydrogène plutôt que de s’embarquer pendant 30 ans avec le gaz et se retrouver coincé en termes d’émissions.
ATL : Vous n’êtes pas convaincue par le biogaz ?
BD : Oui, si le biogaz est produit localement et que cela peut aider à offrir des revenus à des agriculteurs, dont certains sont situés juste à côté de nos agences. Nous sommes ainsi engagés à Mortagne-sur-Sèvre avec une unité de méthanisation. Mais là encore, je pense que ce biogaz doit être utilisé directement pour produire de l’hydrogène, et non du méthane.
ATL : Actuellement l’hydrogène produit en France est issu à plus de 95 % d’une production industrielle, qui ne fait pas appel aux énergies renouvelable, ce qui n’a rien de bio...
BD : Je pense que l’hydrogène qui doit faire rouler nos camions ne peut être que vert et issu des énergies renouvelables, et c’est également la conviction de Chéreau avec qui nous allons tester leur remorque. Chez Delanchy, nous disposons de très grandes surfaces de bâtiments qui pourraient être mises à profit pour accueillir des parcs photovoltaïques, et nous pouvons également nous associer avec d’autres agriculteurs pour des unités de méthanisation.
Le nombre de camions hydrogène va se multiplier en France mais il faudra veiller à ne pas créer de fractures, avec d’un côté l’hydrogène pour ceux qui peuvent investir et le gazole pour les autres. Le prix du matériel devra être accessible pour ne pas créer de rupture.