Tout seul, on va plus vite, mais ensemble on va plus loin. C’est l’enseignement qui pourrait ressortir de la table ronde « L’hydrogène, atout pour la décarbonation du transport de marchandises » organisée par France Hydrogène et France Supply Chain lors de la SITL. À l’occasion de cette session, tenue le jeudi 30 mars, les deux organisations ont réuni un panel d’interlocuteurs représentant chacun un maillon de la chaîne : transporteur, constructeur, producteur d’hydrogène, distributeur d’hydrogène et collectivités territoriales.
En préambule de cette table ronde, a été dressé un bref panorama sur le marché des poids lourds (PL) à hydrogène. « Le déploiement va s’effectuer en trois temps : sur la période 2020-2023, il y a une phase d’amorçage avec notamment les projets d’Iveco ou de Hyzon. Entre 2024 et 2027, devrait s’effectuer le déploiement commercial de camions hydrogène. Enfin, le marché devrait gagner en maturité à partir de 2028 », résume Aurélie Deshons, consultante chez Element Energy. Avant de souligner : « Aujourd’hui, la demande est plus forte que l’offre, d’où l’émergence d’acteurs du rétrofit tels que e-Neo, GCK Mobility ou Hyliko. » « Actuellement, le prix d’un PL hydrogène est environ trois fois plus cher qu’un camion gazole. Mais il est possible de travailler à la réduction des prix des composants, et de rendre le TCO plus intéressant », indique Clément Chandon, directeur Produits d’Iveco France.
Selon Aurélie Deshons, il est important de soutenir les investissements et le TCO des véhicules par des subventions publiques. Pour poursuivre sur ces projections, France Hydrogène a mené une étude prospective sur la mobilité hydrogène en France à l’horizon 2030, que ce soit en matière de véhicules industriels (PL et VUL) ou d’infrastructures nécessaires. En partant d’une hypothèse de départ d’un parc de 11 700 PL (de plus de 16 t), l’organisation a évalué le nombre de stations d’avitaillement à installer pour couvrir 100 % du territoire français.
« D’ici à 2030, pour une consommation hebdomadaire de 1 700 tonnes d’hydrogène, il faudrait l’implantation de 168 stations, dont 70 avec une capacité d’avitaillement supérieure à quatre tonnes par jour », indique Valérie Bouillon-Delporte, première vice-présidente de France Hydrogène. En considérant les VUL (747 unités en 2030 selon l’étude), il faudrait déployer 747 stations pour recharger en hydrogène les véhicules légers.
Lors de cette table ronde, le transporteur DB Schenker a évoqué ses projets relatifs à la transition énergétique vers l’hydrogène. « Dans le cadre de notre stratégie de décarbonation, nous avons initié le programme DBeaut’Hy Truck qui vise à déployer une mobilité lourde hydrogène en Île-de-France. En collaboration avec L’Oréal, Engie, E-Neo et Fraikin, ce projet ambitionne de mettre sur la route 10 tracteurs rétrofités à l’horizon 2025 », explique Pierre Joncheray, chef du programme Transition énergétique/décarbonation chez DB Schenker. Ce qui permettrait d’économiser 550 tonnes de CO2 par an sur un trajet de livraison entre Orléans (45) et Compiègne (60).
De leur côté, Iveco, Air Liquide et TotalEnergies se sont associés dans le cadre du projet RHyse, qui doit aboutir au déploiement de 50 PL à hydrogène et de trois stations d’avitaillement de deux tonnes par jour. « Nous nous sommes associés à une dizaine de transporteurs pour ce programme hébergé à Fos-sur-Mer (13), parmi lesquels STEF, Geodis, Jacky Perrenot, ID Logistics, Dupessey, Mauffrey, Malherbe, etc. » Des chargeurs comme Monoprix, Carrefour, Coca-Cola prennent également part à ce projet.
En outre, TotalEnergies et Air Liquide ont créé une coentreprise pour le déploiement d’infrastructures d’avitaillement. « Cette collaboration projette de déployer 100 stations à hydrogène dans cinq pays (France, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg et Allemagne). Car nous sommes conscients que les infrastructures doivent anticiper les véhicules », souligne Antoine Tournand, vice-président hydrogène chez TotalEnergies.
Comme résumé par Benjamin Fèvre, chargé de mission innovation filière hydrogène de l’Agence régionale de développement économique Occitanie, « il est indispensable de raisonner en écosystème hydrogène » en intégrant la production, l’avitaillement et l’usage. Reste à savoir si le marché de la mobilité lourde hydrogène va se développer comme escompté ou non.