Richard Tilagone : L’Ifpen s’intéresse depuis très longtemps à l’hydrogène molécule, car il est produit en grande quantité pour les procédés de traitement du pétrole et en pétrochimie, notre métier historique. Ses applications pour la mobilité émergent depuis quelques années. Cela est lié à la volonté d’interdiction à terme des carburants issus du pétrole dans le transport et aux instances législatives qui incitent à la recherche d’énergies alternatives décarbonées. Ce qui a conduit l’ensemble des acteurs à revoir leur copie pour promouvoir des énergies et des solutions technologiques afin de réduire la pollution locale et diminuer l’empreinte carbone de la mobilité.
R. T. : Avec le pétrole, nous avons été habitués à disposer d’une énergie liquide qui se transporte et se manipule très bien et qui possède une densité énergétique très forte. Avec la transition énergétique, il y a un réel changement de paradigme. Il faudra être moins dépendant d’une seule énergie et travailler sur un mix énergétique selon les usages. Au même titre que les batteries, les biocarburants avancés, les e-fuels, l’hydrogène – qui doit être décarboné – a donc une place dans ce nouvel échiquier qui promeut la diversification vers des sources d’énergie moins, voire pas carbonées. Pour la mobilité, deux pistes sont envisagées pour l’usage de l’hydrogène : une pile à combustible (PAC) associée à une chaîne de traction électrique et la combustion directe dans un moteur thermique (H2-ICE).
R. T. : Même s’il faut avant tout raisonner en usage sans opposer les différentes technologies, le recours à l’hydrogène permet de stocker davantage d’énergie à iso-volume et iso-masse que le stockage d’énergie dans des batteries. Il s’ensuit une autonomie plus importante des véhicules à l’hydrogène que purement électrique. La PAC a l’avantage d’avoir un rendement énergétique supérieur à 50 % quelle que soit sa charge de fonctionnement, et de ne relarguer que de l’azote et de l’eau. Toutefois, les PAC nécessitent un système de refroidissement, et leur coût reste élevé en raison de l’absence d’une production industrielle à l’heure actuelle. Quant à la combustion directe, bien que son rendement soit inférieur à 45 % et qu’elle soit émettrice de NOx, la technologie peut s’appuyer sur l’expérience acquise sur les moteurs à combustion, et ne nécessite pas un comburant et un hydrogène extrêmement purs pour fonctionner. Pour les émissions de NOx émis à l’échappement, les systèmes de post-traitement actuellement utilisés sur les véhicules diesel sont très efficaces pour les supprimer totalement. De manière générale, il est important d’évaluer la technologie avec une analyse de cycle de vie, afin d’évaluer l’impact sur toute la chaîne de valeur.
R. T. : En ce qui concerne la PAC, sa maturité industrielle est aujourd’hui acquise avec un enjeu de réduction de son coût. Les travaux d’amélioration peuvent encore être envisagés, entre autres, sur son pilotage (électronique de puissance, logiciels, etc.), la boucle d’air, son refroidissement et sa durabilité. Quant au moteur H2-ICE, son rendement peut encore être amélioré tout en maîtrisant son niveau d’émission de polluants. Deux enjeux persistent au niveau du choix de matériau adapté et de l’évitement de combustions anormales incontrôlées. Nous travaillons notamment sur de nouveaux concepts de combustion qui permettraient de répondre à ces objectifs.
R. T. : Pour que la filière hydrogène prenne son essor, notamment dans la mobilité lourde, il faut une concordance de plusieurs paramètres. Les infrastructures d’avitaillement et la visibilité sur le prix de l’hydrogène vont influer sur la vitesse de déploiement de cette solution. En outre, pour favoriser à terme l’équilibre économique de l’hydrogène, les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour légiférer, fédérer les enjeux socio-économiques et les différentes actions, et octroyer des aides pour permettre le déploiement de cette filière.
(1) Institut français du pétrole – Énergies nouvelles