Nombre de transporteurs ont investi ces dernières années dans le bioGNV. Cependant, le règlement CO2 européen pour le transport lourd tel que prévu à date place au premier plan l’électricité et l’hydrogène comme uniques solutions de décarbonation. Le bioGNV a-t-il pour autant été définitivement exclu de l’équation du transport lourd ? Pour bien comprendre les textes et être en mesure de se forger une opinion sur la stratégie à adopter en matière de décarbonation du transport lourd, un webinaire s’est tenu le 3 avril avec, pour commencer, un état des lieux de la filière et un premier constat : en France, la filière GNV est dédiée principalement aux véhicules lourds (bennes à ordures, poids lourds, bus…). « 36 000 véhicules roulent au GNV, dont 22 500 véhicules lourds. 62,5 % sont des poids lourds », note Wilfried Kopec, chef du département « autres infrastructures réseau » à la FNCCR, à l’initiative de ce rendez-vous. Il poursuit : « Plus de 90 % des consommations sont effectuées par les véhicules lourds. Entre 2018 et 2023, leur nombre a été multiplié par quatre. » Quant au réseau, il compte 330 points d’avitaillement ouverts au public fin 2023, soit 48 ouvertures par an. « La consommation de bioGNV a augmenté de 30 % en 2023 sur un an. »
En complément, ce webinaire a réalisé un état d’avancement du projet du règlement CO2 européen qui doit être « adopté définitivement dans les prochains jours », indique Christine Blestel, responsable mobilité durable au syndicat intercommunal d’énergies de Maine-et-Loire (Siéml). Ce texte, rappelle-t-elle, concerne les fabricants de véhicules neufs (notamment les PL de plus de 7,5 tonnes) qui doivent respecter une trajectoire de réduction d’émissions de CO2 par rapport à 2019 : – 15 % en 2024, – 45 % en 2030, – 65 % en 2035 et – 90 % en 2040. « Ce plan repose quasi exclusivement sur l’électricité et l’hydrogène pour décarbonner le transport lourd en première approche, mais les avancées au Parlement et au Conseil européen laissent la porte ouverte à un autre scénario : intégrer le bioGNV et les biocarburants. » D’après elle, la Commission européenne prévoit de réaliser, en 2025, une étude pour réévaluer le rôle de ces énergies dans la décarbonation du transport lourd. Une étape qui peut être « décisive ». Il est prévu aussi, avant 2027, « une évaluation de l’état des équipements disponibles pour atteindre ces objectifs de réduction d’émissions et voir s’il y aura suffisamment de bornes, si les réseaux seront en capacité de supporter de tels équipements et si les délais pour atteindre ces objectifs seront facilement atteignables ». Toujours d’après Christine Blestel, il est aussi prévu de réaliser une évaluation de la méthode de calcul des émissions (à l’échappement du véhicule) pour vérifier sa pertinence.
« Débarbonner le transport lourd : la tâche est urgente et immense », embraye Jean Terrier, responsable national projet mobilité GRTgaz. En Europe, le parc de PL se compose de six millions de véhicules, avec 300 000 immatriculations par an. « Vingt ans sont donc nécessaires pour renouveler le parc au rythme actuel. Il faudra ainsi autant d’années pour exclure le diesel du parc à partir du moment où il n’y aura plus d’immatriculations au diesel. Or, ces quatre dernières années, plus de 96 % des PL européens sont immatriculés au diesel. Nous sommes donc loin du compte », conclut-il.