Sous-traitants sous contrôle

Article réservé aux abonnés

La législation impose à toutes les entreprises un devoir de vigilance vis-à-vis de leurs sous-traitants et prestataires. Elles doivent en particulier vérifier que ceux-ci exercent en conformité avec la législation et soient en règle avec l’administration sociale. Une obligation facilitée par la dématérialisation des documents et leur gestion électronique, aujourd’hui assistée par l’arrivée de sociétés de services spécialisées.

Trouver un sous-traitant fiable et compétent n’est pas une sinécure. Les transporteurs en font l’expérience tous les jours, ou presque. Mais avant d’être efficace, le prestataire se doit d’être probe. Et c’est au transporteur-commissionnaire de le vérifier. Dans le secteur du TRM, ce devoir de contrôle est vieux comme Hérode : les commissionnaires ont toujours eu la liberté de choisir leurs transporteurs ; en contrepartie, ils ont l’obligation de vérifier que leurs sous-traitants travaillent bien dans le respect de la législation en vigueur dans le secteur.

Au fil des ans, la lutte contre la fraude et le travail dissimulé a renforcé et étendu ce devoir de vigilance vis-à-vis des prestataires et sous-traitants. Depuis 2011, plusieurs lois et décrets sont ainsi venus préciser les obligations d’une entreprise à vérifier la conformité de son cocontractant vis-à-vis de ses obligations légales et réglementaires dès lors que la prestation dépasse un certain montant (3 000 € pour l’URSSAF). Dans le TRM, les clients donneurs d’ordres comme les opérateurs de transport doivent donc contrôler que les sous-traitants qu’ils missionnent sont bel et bien inscrits au registre du commerce, disposent effectivement de licences de transports en règle, sont à jour du paiement des cotisations sociales de leurs salariés, sont assurés en bonne et due forme pour cette activité, etc. La loi du 6 août 2015, dite loi Macron, impose même aux entreprises de dénoncer leur contrat s’il s’avère que leur sous-traitant ne rémunère pas leurs salariés selon le barème légal ou convention en vigueur… Et depuis le 21 février 2017, une nouvelle loi oblige les entreprises de plus de 5 000 salariés à mettre en œuvre un plan de vigilance pour prévenir les manquements éthiques et environnementaux de leurs fournisseurs.

Épée de Damoclès

Qui dit obligation dit sanction. En cas de manquement à cette obligation de vigilance, l’entreprise est susceptible d’être poursuivie et condamnée, au pénal comme au civil. L’absence d’attestation de l’URSSAF confirmant le respect des obligations de déclaration et de paiement des charges sociales du sous-traitant peut conduire l’entreprise à être solidairement responsable des dettes sociales de son prestataire. De plus, l’Urssaf annule les exonérations et réductions de cotisations applicables à l’entreprise sur la période considérée. Et si c’est l’URSSAF qui prévient du manquement d’un sous-traitant à ses obligations sociales, l’entreprise doit enjoindre son cocontractant de faire cesser sans délai cette situation, par lettre recommandée avec accusé de réception. « Une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête des transporteurs », estime Jacqueline Tropin, avocate du cabinet Lartigue-Tournois-Associés, spécialisée dans le transport et la logistique.

Évidemment, ce devoir de vigilance accrue pose la question des documents à contrôler (qui serviront à prouver sa bonne foi en cas d’accusation de manquement). S’engager à récupérer, à authentifier, à renouveler en temps et en heure, et à conserver une bonne dizaine de documents pour chaque sous-traitant n’est pas une mince affaire. Pendant longtemps, les transporteurs, commissionnaires et donneurs d’ordres se contentaient – au mieux – de réclamer les différentes attestations et documents au format papier lors de chaque début de chaque nouvelle collaboration. Sans vraiment se soucier de leur renouvellement, alors que la plupart de ces attestations ont précisément une durée de validité réduite. C’est notamment le cas pour l’extrait Kbis dont la validité est de trois mois, de l’attestation URSSAF (6 mois) et du certificat d’assurance (1 an). Même sur les bourses de fret, tout repose sur la bonne volonté à transmettre et à mettre à jour les documents réclamés. Pas très probant en matière de vigilance.

La GED à la rescousse

La dématérialisation des documents et leur gestion électronique ont apporté une souplesse bienvenue à cette obligation de vigilance. Surtout depuis que le décret n° 2016-1673 précise les conditions de fiabilité de la copie numérique. Depuis des années, nombreux sont les organismes (dont l’URSSAF) qui numérisent leurs documents papier dans une gestion électronique de documents (GED) et qui transmettent lesdits documents aux entreprises au format numérique. Pour bénéficier d’une présomption de fiabilité, la copie numérique doit conserver sa fiabilité originale et son incorruptibilité grâce à l’emploi d’un procédé de reproduction certifié. Pour garantir l’intégrité de la copie, les utilisateurs doivent disposer d’une empreinte numérique afin de s’assurer que toute modification ultérieure de la copie à laquelle elle est attachée est détectable. Cette empreinte est généralement assurée par un horodatage ou une signature électronique. Enfin, la copie électronique doit être conservée dans des conditions propres à éviter toute altération de sa forme ou de son contenu dans le temps. « Sous réserve de garantir sa fidélité et son intégrité dans le temps, la copie numérique dispose désormais de la même valeur probante que la version papier », confirme Isabelle Renaud, avocate spécialisée dans la transformation digitale.

La plupart des éditeurs de solutions informatiques de gestion dédiés au transport (Akanea, Andsoft, DDS Logistics, Hardis Group, Infovisa, Sigma, Transporeon, etc.) intègrent des modules pour la numérisation et l’archivage de documents. Mais seuls les éditeurs de solutions de gestion électronique de documents offrent de réelles possibilités de circuits de workflow avec la création de dossiers « intelligents » paramétrable pour chacun des sous-traitants : « L’identité des émetteurs de chaque document déposé et horodaté est établi. Une notification prévient l’utilisateur tant que l’ensemble des documents désirés n’est pas acquis. Et l’on peut programmer des alertes aux dates d’expiration définies », explique Christophe Laurence, directeur des opérations d’Open Bee.

Solutions dédiées

D’autres éditeurs traditionnels du TRM vont plus loin en apportant un service global pour sécuriser et démontrer la vigilance du donneur d’ordre ou le transporteur-commissionnaire vis-à-vis de ses sous-traitants. Depuis 2014, GedTrans (filiale de H2P, maison-mère de la bourse de fret B2PWeb) centralise toute la gestion documentaire des commissionnaires et des transporteurs – ainsi que des chargeurs depuis 2016 – sur une plateforme web unique, afin de mutualiser la collecte, le contrôle, le suivi et le partage des documents. « Chaque document est horodaté, ce qui permet d’établir une traçabilité des dépôts (date et version du document), avant d’être sauvegardé dans un système d’archivage sécurisé avec accès contrôlé où sont stockés 100 000 documents en cours de validité et plus de 250 000 archives », détaille Vincent Christophe, le directeur informatique de H2P. GedTrans peut être mandaté pour la collecte de certains documents (assurance, Kbis, attestation de vigilance Urssaf, MSA). Pour contrôler la validité des documents transmis et procéder aux relances (par mail et téléphone) pour les mises à jour, GedTrans emploie une équipe de vingt personnes qui procède aux vérifications par tous les moyens auprès des organismes officiels. La liste des documents à réclamer aux sous-traitants peut être personnalisée et inclure des documents complémentaires à ajouter (certification Iso, charte CO2, etc).

La qualité des documents transmis permet d’établir un « scoring » en couleur (vert, orange, rouge) du transporteur qui constitue en quelque sorte sa vitrine commerciale. Une entreprise sera toujours plus sensible vis-à-vis d’un sous-traitant vertueux… Pour autant, ce service d’un coût variable selon la taille de l’entreprise n’a pas pour vocation d’améliorer le sourcing commercial des donneurs d’ordres et des commissionnaires. « Pas question de mettre tous les documents en consultation libre, ce serait jeter en pâture les transporteurs. Personne n’aura accès à l’ensemble de notre base de données. Chaque demande de consultation fera l’objet d’une demande préalable. Au final, les donneurs d’ordres et les commissionnaires ne disposeront que des documents auxquels leurs sous-traitants attitrés ou futurs voudront bien leur autoriser l’accès », souligne Vincent Le Prince, le président de la holding H2P.

Valeur ajoutée

À l’inverse, la plateforme de Wolters Kluwer Transport Services (WKTS) veut précisément faire de sa communauté de transport sa valeur ajoutée. Son community manager, qui fédère aujourd’hui plus de 70 000 entreprises dans le transport à l’échelle internationale, a clairement vocation à devenir un pourvoyeur de services en partageant nombre d’informations. Depuis décembre 2016, la nouvelle version de sa plateforme offre les mêmes services de transmission et de gestion documentaire de documents légaux que GedTrans, avec un savoir-faire local dans chaque pays. Ce service sur-mesure avec ses processus d’alerte et demandes de mise à jour, est déjà utilisé par un nombre conséquent d’entreprises. « On se conforme à la réglementation de chaque pays. Au-delà de la GED, c’est l’intermédiation qui est importante. Pour l’exploitant qui cherche avant tout à travailler avec des sous-traitants de confiance, l’accès à une base de données de prestataires en règle est l’opportunité d’une mise en relation rapide et pertinente », fait valoir Édouard Sakakini, le directeur commercial de WKTS.

Technologies

Technologies

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15