Une épée de Damoclès au-dessus du secteur frigorifique. La Commission européenne a rendu publique en avril 2022 une nouvelle proposition de révision du règlement 517/2014/UE. Appelé communément « F-Gas », ce texte encadre depuis 2006 l’utilisation des fluides frigorigènes fluorés (HFC). Il a déjà fait l’objet d’une première révision en 2013 avec la mise en place de quotas de mise sur le marché (en tonnes d’équivalent CO2) pour les fournisseurs de fluides frigorigènes. Les nouvelles mesures visent, d’une part à poursuivre leur réduction, et d’autre part, à diminuer les fluides de type HFC dans l’Union européenne (UE). Pour tenir cet engagement, le projet vise à accélérer drastiquement la réduction des quotas de HFC. À charge pour les fabricants d’utiliser des fluides frigorigènes de types HFC/HFO à très faible pouvoir de réchauffement planétaire (PRP ou GPW en anglais) ou des fluides hors quotas, comme l’ammoniac ou le CO2 lorsque c’est possible techniquement et de manière sécurisée. « Le texte est actuellement en discussion entre la Commission européenne, le conseil et le parlement », rapporte Bernard Philippe, délégué général de l’association Alliance froid climatisation environnement (AFCE) qui rassemble la filière froid et climatisation autour des fluides frigorigènes. Selon le calendrier actuel, le texte devrait être adopté fin 2023 et entrer en vigueur dès 2024.
Les alternatives de l’ammoniac et du CO2
On s’en doute, les organisations professionnelles sont vent debout. À commencer par l’association Transfrigoroute International, qui estime que le calendrier n’est pas réaliste compte tenu de la nécessité de développer des solutions alternatives au HFC. À cela s’ajoute la nécessité de mettre à jour l’attestation « Accord sur le transport des denrées périssables » des véhicules modifiés, en procédant à de nouvelles certifications. « Les investissements pour convertir les flottes vont être colossaux », souligne Valérie Lasserre, déléguée générale de la Chaîne logistique du froid, une association qui représente 120 entreprises du transport et de la logistique sous température dirigée. Cette dernière rappelle qu’à la différence des installations fixes, où les fluides alternatifs sont connus, les solutions dédiées au transport frigorifique sont encore à l’étude. Le CO2 nécessite une pression plus importante et, par conséquent, consomme plus d’énergie. Citons aussi l’ammoniac. « Ce dernier a un impact nul sur l’environnement et une excellente performance énergétique. En revanche, en cas d’accident, ses émissions toxiques peuvent être dangereuses », souligne Valérie Lasserre.
Froid cryogénique avec azote liquide
On s’en doute, des solutions alternatives sont à l’étude chez les industriels comme Carrier, qui travaille à la sélection d’un réfrigérant durable, visant un GWP inférieur à 300. Les carrossiers ne sont pas en reste, comme l’illustre Frappa avec sa solution de froid cryogénique Silencio. Celle-ci fonctionne avec de l’azote liquide qui est injecté dans le réservoir à une température de -196 °C. Il passe ensuite dans un échangeur thermique afin de rafraîchir l’air de la caisse du camion par des ventilateurs. « Point fort, la descente de température est de l’ordre d’une minute par degré, contre deux à quatre minutes pour les systèmes conventionnels », fait valoir Anthony Rocquencourt, responsable formation et sécurité chez Barbero Transports (170 employés dont 120 conducteurs pour 200 cartes grises). Cette entreprise familiale créée en 1950 utilise ce système depuis de nombreuses années. Elle est d’ailleurs équipée d’une station sur site pour délivrer de l’azote liquide à une quinzaine de porteurs et une quinzaine de semi-remorques, tous équipés du système Silencio. La majorité dispose en outre d’un kit baptisé e-Silencio, qui recouvre un groupe frigorifique utilisant des fluides frigorigènes fonctionnant sur secteur. Ce kit électrique se couple automatiquement au système Silencio lorsqu’il est nécessaire de faire baisser rapidement la température et de la maintenir lors des opérations de chargement et déchargement des marchandises.