C’est un grand de la messagerie qui affiche son dessein digital, et préfigure l’évolution des transporteurs vers la maîtrise et la vente de flux physiques mais aussi informatifs. Heppner, dont le jeune dirigeant Jean-Thomas Schmitt a récemment fait l’objet d’une longue interview dans nos colonnes (L’OT 2850 du 14 octobre), a révélé un investissement de 20 millions d’euros dans la numérisation, au cours des cinq ans à venir. Et de préciser quelques chantiers en cours : la refonte des logiciels de gestion du transport (TMS) ; la mise en place d’outils collaboratifs, peut-être via un partenariat avec une start-up ; ainsi que des logiciels prédictifs d’optimisation des tournées et des chargements.
En lien direct avec la direction générale, Valérie Mazzoni-Colin occupe depuis 8 mois le poste de Chief Digital Officer (CDO) chez Heppner. Elle a précisé quelques éléments de cette stratégie, lors d’une conférence organisée par SalesForce (éditeur de logiciels de la relation client) sur le thème du CDO. Le développement annoncé de ce nouveau métier, même s’il est encore rarissime dans notre industrie, est en soi significatif. Le CDO est une profession hybride, mi-scientifique et technique, mi-opérationnelle et marketing. Sa raison d’être est double : d’une part, améliorer le fonctionnement de l’entreprise ; d’autre part, monétiser les données, pour permettre aux clients d’optimiser leur propre organisation. « Les flux d’informations sont tout aussi importants que les flux physiques, estime Valérie Mazzoni-Colin. Chez Heppner, nous menons une dizaine de projets liés à la mise en réseau de nos agences, à l’amélioration de nos performances (optimisation des trajets, des chargements, etc.) et aux gains de productivité. Outre la traçabilité des marchandises et la dématérialisation des factures, par exemple, nous nous attachons à transformer profondément la structure, et fédérer les équipes autour de la culture du digital. »
Le principal enjeu est sans doute externe : améliorer la satisfaction client, et lancer de nouveaux services, qui pourraient voir le jour « dans les trois mois », indique la CDO. Dans le champ des possibles, on peut penser à des prestations d’e-commerce en mode B2B, « un chantier clé de la transformation digitale d’Heppner », selon Jean-Thomas Schmitt. « Nous pouvons aller plus loin dans l’optimisation de la performance de la supply chain de nos donneurs d’ordre, poursuit Valérie Mazzoni-Colin. Il faut faire parler la donnée, ou autrement dit, nourrir la relation client de plus en plus d’informations. » La dirigeante du digital affirme aussi la nécessité d’une véritable rupture de fonctionnement (ou « disruption », un mot venu de l’anglais qui passe dans le langage courant). Pour faire table rase du passé, et mener une stratégie efficace d’analyse des données, un CDO doit être à la fois proche de la DSI (direction des systèmes d’information), mais pas trop, afin de disposer du recul nécessaire avec l’existant. Là réside l’une des problématiques des années à venir chez les transporteurs : adopter de nouveaux processus avec les même moyens roulant, les mêmes hommes, et réussir sa révolution numérique.