Aussi utiles dans un poids lourd que dans un véhicule léger, aussi efficaces pendant une mission d’affrètement que dans le cadre d’un transport express, les smartphones, phablettes et tablettes font désormais partie intégrante de la vie des conducteurs. Dopés à l’intelligence artificielle, ces super assistants électroniques sont sur le point de devenir des outils de camionnage et d’organisation de transport à part entière.
Ils sont capables de s’interfacer simultanément à une multitude de systèmes d’information. De croiser en temps réel les ordres de mission et les informations d’une bourse de fret. De chiffrer et faire transiter des pans entiers de données stratégiques. Et de précharger des tournées tout en gardant en mémoire la trace exacte de milliers de livraisons quotidiennes. Bienvenue dans l’ère du transport 3.0 qui profite de l’accélération de productivité offerte par ces terminaux. Pré-requis : il faut rassembler ses appareils dans une gestion de parc. Certains choisissent les « phablettes », sorte de smartphones dotés d’un écran plus large que la moyenne. D’autres des tablettes, un cran au-dessus en matière de surface d’affichage. Une minorité plébiscite les PDA, vieux ordiphones de 500 grammes dotés d’interfaces statiques. La plupart optent pour un parc de smartphones durcis fonctionnant sous Android.
C’est souvent la recherche de robustesse qui guide leur choix. Un domaine dans lequel le PDA excelle. Équipé d’un appareil photo, d’une puce de géolocalisation et d’une module d’ordonnancement de tournées relié au TMS (Transport Management System – Logiciel de gestion du transport), l’appareil a connu son heure de gloire au cours de la dernière décennie. Mais il semble désormais sur le déclin. « Des PDA hors services ? J’en ai rarement rencontré, résume Sébastien Colard, directeur d’agence aux Transport Florczak (32), qui disposent de 30 PDA et 5 smartphones. Mais leur utilisation est limitée à l’express et à la messagerie. Pour l’affrètement, nous utilisons des smartphones. » De leur côté, smartphones, phablettes et tablettes ne sont pas vraiment en reste puisque – pour gagner en robustesse – ces appareils peuvent piocher dans un vaste catalogue d’accessoires. Et s’habiller d’une protection anti-chute, étanche à l’eau ou opposant une résistance aux particules de poussières. Attention toutefois aux équipements qui ne répondent pas aux dimensions standards car le nombre de leurs accessoires se réduit comme peau de chagrin. Une fois la solidité acquise, se pose la question des fonctionnalités. « Dans le monde du transport, l’utilisation de la photographie est incontournable. Les récépissés, les codes barres, les signatures ou encore les portails fermés qui prouvent que le livreur est passé… tous ces éléments ont trait à la livraison et sont susceptibles d’être pris en photo par le chauffeur », confirme Jean-Pierre Lefevbre, directeur de l’organisation et des méthodes chez Louis Mazet (26), qui déploie 250 smartphones. Il est donc important de s’assurer que les appareils disposent d’un appareil photo de bonne qualité.
Autre élément critique à surveiller, la géolocalisation. Une fonctionnalité sur laquelle beaucoup devront compter, particulièrement ceux qui n’ont pas les moyens de s’équiper d’une informatique embarquée dédiée, afin d’obtenir le tracé précis de la tournée au fur et à mesure que les livraisons seront effectuées. Derniers critères à prendre en compte : la luminosité de l’écran, la qualité de la liaison 3G/4G, l’autonomie et la présence d’un câble OTG (On-The-Go) visant à coupler l’appareil à du matériel externe spécifique. À l’instar, par exemple, de l’indispensable lecteur de code barre. Une fois le modèle sélectionné, c’est le moment d’organiser l’acquisition des appareils et de leurs accessoires. Concrètement, trois possibilités s’offrent au transporteur qui souhaite franchir le pas : l’achat, la location (en leasing ou pas, c’est-à-dire avec une option d’achat à la fin) et le BYOD (Bring Your Own Device), un mouvement qui prône l’utilisation en entreprise des équipements personnels de leurs salariés. La première option, à savoir l’achat en propre, séduit en priorité les PME en recherche de simplicité qui préfèrent investir plutôt que souscrire et gérer un contrat supplémentaire. Seconde option, la location (de longue ou courte durée, avec option d’achat ou pas) semble l’apanage des groupes et des grandes entreprises. Elle survient parfois de manière autoritaire, lorsqu’une entreprise impose à ses sous-traitants l’utilisation de smartphones. Dans ce cas, les appareils sont fournis mais l’utilisation est indiquée sur la facture finale puis déduite. Troisième possibilité, le salarié accepte de mettre son smartphone à disposition de son employeur, un concept qui séduit les TPE. En matière de défraiement, le salarié peut, par exemple, obtenir la prise en charge complète de la maintenance et des réparations de son appareil par son employeur pendant toute la durée de l’exploitation. Reste à s’assurer contre le vol, la perte et la casse. À noter qu’il est possible (mais délicat) d’obtenir le remplacement immédiat des appareils défectueux. La clause se négocie au moment de la signature du contrat avec son assureur, sachant qu’un parc bien fourni en appareils est une aide indéniable. Attention toutefois aux termes : l’immédiateté évoquée correspond en réalité à un délai de réponse dûment négocié avec son assureur. Ensuite, il convient d’organiser la distribution des smartphones, phablettes et tablettes au personnel. En fonction de ce que décide le transporteur, les appareils peuvent être nominatifs ou pas. Cela signifie, dans le premier cas, qu’ils sont confiés individuellement à chaque salarié. Et dans le second, qu’ils sont utilisés par tout le monde, indistinctement via un procédé de roulement. En bout de course, lorsqu’un appareil est usé, il est envoyé vers un centre de réparation. Sur place, dans le cas où le transporteur dispose de sa propre équipe de maintenance. Ou à l’extérieur des locaux de l’entreprise, lorsque cette dernière sous-traite. Il faut alors prévoir le transfert de l’élément à réparer ainsi que son retour.
Sur le plan de la santé, la mise en œuvre d’une flotte de smartphones destinés aux salariés n’est pas forcément anodine. Elle pose notamment la question du droit à la déconnexion. Ce terme signifie que l’employeur et le salarié ont vocation à s’accorder sur la mise en place de plages horaires spécifiques réservées à la déconnexion. Elle pose également la question de la vie privée. Dans le cas d’un arrangement de type BYOD, l’employeur n’a pas l’autorisation de surveiller le smartphone de son salarié. Mais si le parc de smartphones lui appartient, il a alors toute latitude pour le faire. « La seule obligation, c’est de respecter une procédure spécifique qui compte trois étapes, souligne Jason Benizri, avocat en droit de l’entreprise chez BNZ-Avocats, spécialisé notamment dans le droit du travail et le droit du transport. Premièrement l’employeur est tenu d’informer la Commission nationale Informatique et Libertés (Cnil). Deuxièmement, il doit informer le comité d’entreprise. Troisièmement, c’est au tour du salarié d’être informé. » Il existe une exception lorsque le salarié a explicitement choisi le mot « personnel » comme nom de dossier. Dans ce cas précis, l’employeur n’a pas l’autorisation de regarder les documents qui se trouvent à l’intérieur, même si l’appareil lui appartient. De quoi compliquer une des missions de l’entreprise qui consiste à empêcher un salarié d’utiliser le matériel mis à sa disposition pour contrevenir à la loi. Si un employé déjoue la surveillance, la responsabilité du transporteur peut être engagée en vertu de la responsabilité du commettant pour les fautes du préposé. « Pour se prémunir contre ce risque il faut être en mesure de surveiller en temps réel l’activité des salariés sur leur appareil professionnel », souligne Philippe Rodier, responsable du service informatique des Transports Combronde (63), qui déploie 460 smartphones sur 15 sites depuis le 1er février dernier. Pour aider les employeurs, les opérateurs de téléphonie mobile commercialisent des applications de supervision qui, une fois installées sur un smartphone, offrent le contrôle à distance des terminaux. En parallèle, il peut être efficace de former les salariés aux risques encourus afin de décourager les mauvaises intentions. De les inciter à chiffrer leur appareil, en suivant une simple procédure présente dans les menus Android, qui limite la lecture du carnet d’adresses en cas de vol. Il faut aussi leur expliquer qu’un smartphone est, pour le pirate, une porte dérobée de luxe qui mène directement au TMS de l’entreprise. À ce titre, toute perte ou vol peut devenir catastrophique. L’utilisateur non averti est le maillon faible de la sécurité de l’organisation. Les DSI (directions des systèmes d’information) ont donc intérêt à exposer les procédures. « En cas de perte ou de vol d’un de nos smartphones, la carte SIM est systématiquement désactivée à distance. Un nouvel appareil est ensuite récupéré dans un stock de produits de rechange puis équipé d’une nouvelle une carte SIM et reconfiguré avant d’être fourni au salarié, reprend Philippe Rodier. Tout est pensé pour que la sécurité de l’appareil soit automatique et ne dépende pas de l’utilisateur. »