Ces deux dernières années ont été particulièrement marquantes pour les Transports Arrestat, société basée à Montrabé, à quelques kilomètres de Toulouse. En 2019, l’entreprise spécialisée dans les camions-grues pour le transport de matériaux ou d’engins pour le secteur du bâtiment a fêté ses 30 ans. Son fondateur, Michel Arrestat, a décidé de prendre une retraite bien méritée et a vendu son entreprise à Jean-Michel Luceau et Lionel Bergès, dirigeants des Transports Bergès à Rouffiac-Tolosan, près de Toulouse également. Si les Transports Bergès représentent désormais la maison-mère du groupe, Jean-Michel Luceau est le seul exploitant des Transports Arrestat. C’est pour lui le début d’une nouvelle aventure professionnelle. Il était auparavant responsable commercial dans le secteur du transport. « Nous avons repris la société il y a un an, raconte-t-il. Avec Lionel Bergès, nous avions évoqué un projet de reprise si une opportunité se présentait. Nous nous sommes positionnés quand nous avons appris la vente des Transports Arrestat, connus dans la région. » D’autres se montrent intéressés : deux entreprises nationales, et deux régionales… « J’ai choisi les plus motivés, qui étaient aussi ceux avec lesquels les échanges étaient les plus simples », résume Michel Arrestat. Les associés continuent cette aventure entrepreneuriale en gardant « l’esprit PME, avec ce que cela implique en matière de valeurs humaines – l’entraide, la solidarité », ajoute Jean-Michel Luceau, qui travaille avec son épouse. Tout le personnel a été conservé, soit neuf personnes – dont huit chauffeurs, qui se sont adaptés à un nouveau style de management, avec notamment plus de consignes écrites, mais aussi un moment convivial le vendredi soir, quand c’est possible. L’ancien propriétaire a accompagné « de façon très pédagogique » Jean-Michel Luceau jusqu’en octobre 2019. Leur premier bilan montre qu’ils ont réussi à maintenir le chiffre d’affaires, malgré la crise sanitaire qui les a frappés en mars. L’activité s’est arrêtée en cascade. La société a mis en place un service minimum pour aider certains clients dans le bâtiment – vendeurs de carrelage, de grillage… et les salariés ont travaillé sur la base du volontariat. « Cela nous a permis de réaliser un peu de chiffre, se remémore Jean-Michel Luceau. Au sortir du confinement, l’activité a été plutôt molle la première semaine, à cause d’une météo défavorable. Mais à partir du 18 mai, cela a redémarré sur des chapeaux de roue. » Tout le monde a dû se réhabituer. Chez les clients, la reprise a parfois généré quelques couacs. Et certains chauffeurs, qui n’avaient pas roulé pendant trois mois, ont dû retrouver des habitudes de conduite. Depuis, l’activité est redevenue normale.
Michel Arrestat a fondé la société en 1989, après un appel d’offres émis par la mairie de Toulouse pour le ramassage des encombrants. Salarié – chauffeur depuis dix ans dans le transport, il a souhaité créer une entreprise locale afin de travailler pour lui et d’être plus souvent auprès de sa famille. « J’ai remporté cet appel d’offres et je me suis lancé ; j’ai travaillé dix ans seul, évoque-t-il. Je me suis diversifié avec l’achat d’un camion-grue et je me suis dirigé vers le transport de matériaux – c’était porteur à l’époque. Je livrais sur les chantiers : des matériaux, des machines-outils, des éléments de forage, des conteneurs… J’effectuais des opérations de levage également. » Une fois bien établi, il a embauché un chauffeur chaque année pendant dix ans pour répondre aux demandes, et a notamment continué à prendre des marchés via des appels d’offres. Les trajets étaient majoritairement régionaux – un flux que les nouveaux associés ne prévoient pas d’élargir. Aujourd’hui, les flux forment un triangle entre Marseille, Biarritz et la Dordogne. « Sur les camions-grues, les recharges sont plus difficiles, les produits ne sont pas couverts, et le plateau est plus court – il mesure 6 mètres – donc nous ne voulons pas étendre le réseau géographique, remarque Jean-Michel Luceau. Les retours sont souvent à vide. Il faudrait optimiser cela mais trouver des rechargements adaptés à nos camions sur les bourses de fret reste difficile. » Spécifique, le métier du camion-grue se développe de plus en plus dans cette région où la densité en construction est forte. Mais le nouvel exploitant estime qu’il y a du travail pour tous si chacun respecte les confrères.
Le premier bilan est positif : de nouveaux clients ont rejoint le portefeuille, et au moins 75 % des clients historiques ont été conservés. Le chiffre d’affaires se maintient à 800 000 euros. « Nous avons été observés mais on nous a donné notre chance, assure Jean-Michel Luceau. Il y avait de l’habitude, de la confiance. Nous tenons à être ponctuels, réactifs. J’ai visité tous les clients, et dans l’ensemble, les retours sont positifs. » Les Transports Arrestat – qui conserveront ce nom d’origine – comptent aujourd’hui huit camions plateaux-grues multimarques. Depuis le rachat, les associés ont investi dans un camion-plateau pour mettre en place un service de camion nu, afin de répondre à la demande de clients de l’industrie du bâtiment, pour du transport de poteaux en bois, de clôtures, de carrelage, d’enduit ou de groupes électrogènes et de transformateurs. Un nouveau chauffeur polyvalent a rejoint l’équipe pour travailler sur le plateau-grue et le plateau nu. « Si nous avions deux ou trois camions de plus, ils seraient utilisés !, remarque-t-il. L’activité est très forte actuellement, on ne peut pas répondre à tout le monde. Mais pour le moment, nous ne pouvons pas nous permettre d’embaucher, et nous ne souhaitons pas avoir recours à l’intérim. Il est nécessaire de bien connaître les camions-grues, donc nous ne prenons pas de risque. L’hiver sera sans doute plus calme. Nous nous laissons du temps. » Un apprenti de l’Institut supérieur du transport et de la logistique internationale (Isteli) rejoindra l’équipe bientôt. Pour l’exploitant, c’est l’occasion de donner sa chance à un jeune… et aussi d’observer le monde actuel du travail et du TRM à travers l’œil neuf d’un apprenti. Jean-Michel Luceau envisage d’investir à court terme dans un nouveau porteur grue, avec une grue plus spécifique ayant la capacité de monter 2 tonnes de charge à 18 mètres de hauteur. L’entreprise loue par ailleurs deux camions-grues avec chauffeurs, à la journée ou à l’année. Elle souhaite à terme proposer la location de camion-plateau, et développer cette activité (10 % du chiffre d’affaires actuel) « qui permet d’embaucher du monde, tout en laissant la gestion du chauffeur au client ».
Dans les locaux de Montrabé, les associés envisagent de développer l’activité de stockage, pour l’instant limitée. « Depuis peu, nous sommes présents sur des plateformes de stockage pour étudier les potentiels besoins », indique Jean-Michel Luceau. Autre nouveauté : par le biais des Transports Bergès, les Transports Arrestat ont rejoint le groupement national Evolutrans et proposent leurs services de camion-grue sur la plateforme. « Nous sommes en mesure de transporter des palettes hors normes. C’est une vitrine supplémentaire pour nous, bien que pour l’instant, cela ne soit pas forcément porteur pour la grue », ajoute le dirigeant. L’avenir se construit pas à pas : qui « va piano va sano »…
• Siège : Montrabé (31)
• CA 2019 : 800 000 euros
• Effectifs : 9 salariés
• Moteurs : 8 plateaux-grues
• Activités : produits du bâtiment et levage