L’inquiétude règne au sein des Transports Lelandais, situés à La Landec, près de Dinan, et spécialisés depuis 1982 dans le transport d’animaux vivants(1). « Nous sommes inquiets car nous observons un fort ralentissement depuis une semaine et des camions sont immobilisés sur le parc », déclarait, il y a quelques semaines, Nancy Le Febvrier, responsable administratif et logistique en binôme avec son père Philippe Lelandais. D’après elle, l’activité vers l’export (Europe, pays de l’Est, Maghreb) est impactée. « Nous subissons la fermeture des frontières, confie-t-elle. Nous n’exportons plus ou très peu. L’international représente désormais 5 % de notre activité contre plus de 30 % habituellement. » Le transporteur, qui d’ordinaire réalise 50 % de son chiffre d’affaires (4 M€) à l’échelle nationale (et 20 % en régional), accuse ici une baisse de 15 %.
Une situation qui vient compliquer un début d’année difficile, marqué par une baisse du revenu, après deux ans stables. La PME, qui conduit 60 % des animaux vers des abattoirs, doit traverser des turbulences économiques provoquées par les actions engagées par l’association de défense des animaux L 214 ou la tendance végane. Nancy Le Febvrier assure, elle, que « le souci du bien-être animal est fondamental » pour les Transports Lelandais.
Pour s’organiser au mieux dans le contexte actuel, le transporteur breton dit avoir communiqué avec ses clients(2) pour mieux connaître leurs besoins, nécessités et obligations. Il a mis en place des mesures de sécurité en utilisant son stock de gants et de masques et fait appliquer les gestes barrière. « Que ce soit pour les circulaires et les affichages, nous échangeons beaucoup avec notre équipe, notamment sur la crise sanitaire en Italie où nous effectuons des livraisons, et nous rassurons nos salariés comme nous le pouvons », poursuit Nancy Le Febvrier. Jusqu’au 31 mars, l’entreprise a demandé à ses 23 conducteurs d’écouler leurs congés payés, sans obligation. « Cela fait l’objet de discussion », assure-t-elle. Côté administratif, trois personnes travaillent habituellement à temps plein. Alors que l’une d’elles s’est absentée pour la garde d’enfants, les deux autres travaillent à mi-temps en alternance de sorte à ne pas se croiser. La dirigeante ajoute : « Notre petite structure (26 salariés) nous permet d’avoir des échanges avec les conducteurs par rapport à leurs besoins. Nous prêtons attention aux personnes pour lesquelles la situation sera difficile financièrement. Un roulement sera prévue pour ne pénaliser personne. Pas d’heures supplémentaires, pas de frais de route… Les salaires vont s’en ressentir. Nous allons essayer de limiter la casse. » Par ailleurs, sur le terrain, la solidarité s’organise. « Les éleveurs chez qui nous chargeons les animaux ouvrent leurs sanitaires et/ou servent un plat chaud aux conducteurs. » De quoi « travailler le plus sereinement possible dans la difficulté ». Nancy Le Febvrier, qui est également vice-présidente du conseil de métier transport d’animaux vivants de l’OTRE (Organisation des transporteurs routiers européens), n’hésite pas à « monter au créneau » afin d’interpeller l’État en vue d’assurer aux conducteurs de bonnes conditions de travail. Une démarche qui a porté ses fruits.
L’activité économique étant moindre, la PME parvient à gérer au mieux sa trésorerie. D’après Nancy Le Febvrier, les banques jouent le jeu. « Nous avons eu l’opportunité de reporter nos échéances de prêts. C’est crucial, car nous avons des charges considérables. L’investissement d’un camion-remorque, amorti sur quatre à cinq ans, représente 280 000 euros », précise-t-elle. Les conséquences financières de cette crise sont attendues pour mai. En attendant, les Transports Lelandais sont déjà dans l’anticipation. Ils profitent de cette période pour remettre le parc en état afin d’être performants pour la reprise d’activité. Cette crise du coronavirus est, en partie, vue ici comme « l’occasion de remettre à plat certains dossiers » et ainsi « mieux optimiser certains postes de dépenses », lorsque l’on tient compte des contrats d’assurance et des contrats de prestation pour le télépéage.
Concernant les investissements, « la priorité se portera sur le matériel roulant pour assurer un travail de qualité ». L’achat de deux nouvelles semis (soit 280 000 euros) est maintenu malgré le contexte actuel. « Il en va de notre maintien d’activité car, lorsque vous faites du transport d’animaux vivants sur de longues distances, le matériel doit être opérationnel avec la mise en place de ventilateurs, de sondes de température, d’abreuvoirs, etc. » En revanche, le projet d’une station de lavage (plus de 100 000 euros) prévu pour 2020 est reporté. Les recrutements sont eux aussi mis entre parenthèses. Le métier étant « exigeant », les Transports Lelandais doivent faire face à une « usure » de l’équipe. Les besoins sont donc importants. L’embauche d’un conducteur, qui était imminente, est retardée. En revanche, la transmission de l’affaire familiale est toujours à l’ordre du jour. Titulaire du permis poids lourd, Nancy Le Febvrier, 38 ans, a intégré l’entreprise familiale en 2011 et entend prendre la suite de son père âgé de 62 ans (il détient 100 % de l’actionnariat). Elle se donne deux ans pour concrétiser ce projet. Sa volonté : poursuivre dans la continuité.
• Siège : La Landec (22)
• CA 2019 : 4 M€
• Effectif : 26 salariés, dont 23 conducteurs
• Parc : 17 véhicules
• Activités : transport d’animaux vivants et fret (5 %)
(1) 35 % de l’activité concerne le transport de porcs, 35 % les bovins et 30 % les ovins et équins. 364 000 porcs sont transportés, chaque année, en région.
(2) Les Transports Lelandais disposent d’un portefeuille d’une cinquantaine de clients : abattoirs, exportateurs, éleveurs, groupements.