« Perdurer » : tel est le leitmotiv d’Andréa Denis, gérante d’IVF Transports, à Villars (42), spécialiste des liaisons avec la Suisse et l’Allemagne. L’objectif prend tout son sens aujourd’hui alors que « l’activité frémit, dans un climat d’incertitude », confie la dirigeante. Depuis la mi-mars, la PME a supporté une inflexion des commandes pour se retrouver, en avril, « avec l’activité d’un mois d’août, poursuit-elle. Nous avons maintenu des flux grâce à l’alimentaire ou au pharmaceutique. Mais les retours ont été compliqués à mettre en place ».
Un seul des 12 conducteurs s’est arrêté pour garde d’enfants. Les administratifs ont travaillé au siège en respectant les gestes barrières. « On ne rattrapera pas le chiffre perdu, reconnaît la dirigeante. Mais nous espérons conserver certains nouveaux clients, retrouver ceux qui ont dû fermer. » Après la crise, la gérante de 35 ans s’arrime à sa volonté de faire fructifier « l’entreprise familiale » Car, si elle n’a pas hérité de la société, elle la connaît depuis l’enfance. Son père y exerce depuis longtemps – et aujourd’hui encore – à l’exploitation.
C’est ainsi qu’il y a dix ans, alors qu’elle vient de boucler son BTS de transport logistique, elle apprend que l’ancien gérant veut vendre IVF Transports. Très vite, la diplômée de 25 ans se décide, trouve des prêts (qu’elle a remboursés en huit ans) et achète l’entreprise, avec conviction. « C’était une belle opportunité, s’enthousiasme-t-elle. Cette entreprise créée en 1988 était saine et à taille humaine, avec une activité à l’international… Le travail s’y révèle prenant, vivant, chaque jour différent. »
IVF réalise 80 % de son chiffre d’affaires en Suisse, et une partie en Allemagne. « Nous sommes des spécialistes de la Suisse, où nous gérons des transports quotidiens clés en main, dit-elle… Et pour cela, il faut vraiment être carré sur tout. » Dans le pays helvète, par exemple, les véhicules doivent se limiter à 40 tonnes et à 4 mètres de hauteur, bannir tout élément lumineux complémentaire. Les conducteurs travaillent plus tôt dans la journée, ne circulent pas le week-end, rentrent chez eux tous les vendredis soir. « Cela correspond aussi à notre volonté, ajoute celle qui pilote les ressources humaines scrupuleusement. Après plusieurs jours voire une semaine sur les routes, il faut un vrai break. »
L’exigence helvète se traduit aussi par des formalités douanières pointilleuses. « À la douane, lors des contrôles techniques que tous nos véhicules passent au moins deux fois par an, les douaniers inspectent chaque camion dans le détail, confirme la dirigeante. Ils contrôlent les papiers des conducteurs, le bon état du poids lourd, vont jusqu’à vérifier le contenu des cendriers pour déceler d’éventuels stupéfiants. » Côté formalités, continue-t-elle, « l’exportateur doit également préciser toutes les informations concernant un produit, de son origine à son poids, en particulier, au risque de régler une amende… Nous avons un rôle essentiel de conseil auprès de nos clients ».
Dans cette même dynamique de vigilance, depuis la reprise, la jeune femme a consacré beaucoup d’énergie et d’investissements au rajeunissement d’un parc « un peu vieillissant ». Elle essaie, dit-elle, de « se tenir à au rythme de deux nouveaux tracteurs et deux semis par an. Nous n’avons plus qu’un seul Euro V, en véhicule de secours, tous les autres sont en Euro VI ». Comme les conducteurs partent à la semaine, la chef d’entreprise a jugé essentiel de renforcer le confort des cabines et de doter les véhicules de matériels de sécurité qui préviennent l’insécurité ou la pénibilité, de type transpalettes électriques, hayons, perches… Pour assurer des livraisons en ville, l’entreprise compte aussi un mini-semi City, d’une capacité de 24 palettes. La gérante s’intéresse aux énergies nouvelles, à l’écoute des évolutions, mais réserve pour le moment tout investissement, « car, en particulier pour le gaz, l’avitaillement reste complexe à l’étranger ».
En dix ans, le chiffre d’affaires de la PME a régulièrement progressé. De 1,6 million d’euros en 2010, il s’est établi à 2,17 millions d’euros l’an dernier atteignant, ces trois dernières années, « avant la crise du Covid-19, précise Andréa Denis, une bonne vitesse de croisière ». L’entreprise compte une centaine de clients (en direct à 40 %), issus des secteurs les plus variés, de la métallurgie à la plasturgie, en passant par l’industrie pharmaceutique, agroalimentaire ou la chimie. Elle travaille également beaucoup avec de grands transporteurs, tels Gondrand, XPO Logistics, Ziegler, Kuehne+Nagel, Afrac Services, Dachser, Dimotrans… « Notre activité se caractérise vraiment par sa diversité, sans qu’un secteur ou un partenaire ne domine, analyse-t-elle. Et une certaine fidélité, du client qui nous passe deux commandes par an à celui qui nous confie du fret au quotidien. »
À l’international, en Suisse et en Allemagne en particulier, la jeune dirigeante remarque que « les Français sont chahutés par des étrangers qui affichent des prix défiant toute concurrence. Notre force réside dans la qualité de nos services, le savoir-faire que nous essayons de mettre en avant ». IVF, qui a toujours opéré dans le transport de matières dangereuses, forme tous ses conducteurs à l’ADR. Dès 2013, la PME a également conduit une démarche qualité pour devenir opérateur économique agrée (OEA). « Cela nous permet de garantir les opérations en douane », appuie Andréa Denis.
Pour IVF Transports, les pistes d’avenir pourraient peut-être passer, Brexit oblige, par une progression des opérations douanières. « Nous avons déjà été sollicités sur ces services, hors transport », pointe la cheffe d’entreprise. « Nous avons aussi l’intention d’ouvrir une nouvelle ligne vers Stuttgart pour y développer des dessertes régulières, détaille-t-elle. Notamment grâce à des partenariats avec des transporteurs allemands. » En somme, résume la dirigeante stéphanoise, « nous souhaitons continuer notre bonhomme de chemin, avec une équipe soudée et motivée, soucieuse de satisfaire nos clients ».
• Siège : Villars (42), 1 200 m2 de stockage
• CA 2019 : 2,171 M€
• Effectif : 16 personnes, dont 12 conducteurs
• Parc : 12 tracteurs, 12 semis bâchées, 1 mini-semi City,1 fourgon VL
• Activités : matières dangereuses, livraisons quotidiennes Suisse et Allemagne, douanes