L’ambition raisonnée

Article réservé aux abonnés

En dix-huit ans, HTL s’est inscrite dans le paysage des transporteurs nationaux. L’entreprise affiche désormais ses ambitions de croissance externe.

Des mois de juillet et août meilleurs que les années précédentes, de premières semaines de rentrée très encourageantes, mi-septembre, Philippe Haingue regardait le verre à moitié plein en cette année particulière percutée par le Covid-19. Après un premier trimestre timide, son entreprise a souffert de la pandémie – seulement 6 camions sur 30 sur les routes en avril –, mais la casse reste limitée. Le transporteur s’est même payé le luxe de ne pas faire appel au décalage des crédits baux et autres dispositifs mis en place par l’État (à l’exception du chômage partiel), préférant puiser dans la trésorerie. « Il aurait fallu rembourser ces emprunts plus tard. Cela aurait donc réduit mes futures capacités d’emprunts », justifie-t-il. Il a eu un peu de flair aussi. En décembre 2019, le chef d’entreprise a repoussé la signature du permis de construire de l’extension de 1 500 m2 de son siège de Guise. Il y avait alors comme un mauvais pressentiment. « Si je devais rembourser le bâtiment à l’heure actuelle, ce serait plus compliqué », remarque-t-il. Au contraire, en cette rentrée, il a réussi à faire rentrer deux nouveaux camions et regarde les prochains mois avec plus de prudence. Le bon sens caractérise le parcours de Philippe Haingue à la tête de HTL (Haingue Transports et Logistique) depuis presque deux décennies. Mais son histoire au milieu des poids lourds est bien plus ancienne. Le quadragénaire a grandi avec les moteurs. Son père, son grand-père, ses oncles possédaient chacun leur petite entreprise dans l’Aisne. Lui décide de débuter sa carrière en tant que chauffeur-salarié, du côté de Montargis et Chartres, avant d’occuper un poste de responsable d’entrepôt logistique dans les Yvelines. En 2002, il rentre dans sa région d’origine avec son épouse, Véronique. Le premier camion siglé HTL déboule sur les routes début 2003, le second quelques mois plus tard.

L’aventure aurait pu s’arrêter précocement. En 2009, HTL a particulièrement souffert. Récession économique, prix du gazole et problèmes matériels sur plusieurs de ses VUL, des petits 3,5 tonnes, ont plombé les comptes. « Nous avons eu plus de 50 000 euros de casse moteur, nous étions au garage tout le tempsNous sommes passés à deux doigts du redressement judiciaire. Mais nous nous sommes battus. » Le dirigeant a eu raison. Une décennie plus tard, HTL compte 35 salariés dont 30 chauffeurs. Les Axonais opèrent essentiellement dans l’industrie en transportant des portes de garage, des boîtes aux lettres, de l’eau de Javel, des meubles frigorifiques, du carton, du conditionnement pour la parfumerie, etc., pour une trentaine de clients. Les secteurs sont suffisamment divers pour éviter de se retrouver dépendant des vicissitudes d’un marché et Philippe Haingue a une devise : « Si nous ne sommes pas capables de faire quelque chose, ce qui arrive de moins en moins, à nous d’amener la solution et une réponse au client. »

HTL a choisi de se concentrer sur le territoire national et sur un peu de Belgique. Les transports les plus locaux concernent essentiellement la région parisienne, mais comme leurs homologues qui descendent dans le sud, les conducteurs peuvent rarement rentrer dans la journée. « S’il doit charger et vider trois ou quatre fois sur la journée en région parisienne, il ne peut pas revenir ici pour le soir. La circulation devient de plus en plus difficile en Île-de-France. »

Difficultés de recrutement

Comme nombre de confrères, HTL est confronté aux difficultés de recrutement. « Je ne sais pas ce qu’il faut faire, je veux bien une baguette magique », plaisante Philippe Haingue. Le transporteur se repose sur un noyau dur de 25 chauffeurs, mais il est plus compliqué de se développer. « Les bons chauffeurs roulent déjà, donc il faut les démarcher. Notre métier est dur. Le groupage oblige à débâcher, sangler plusieurs fois par jour. Et attirer des conducteurs qui partent à la semaine ajoute à la difficulté. Il faut se montrer attirant. » En proposant par exemple des taux horaires de 11 euros au lieu de 10,80 à certains chauffeurs, du matériel propre et en bon état, ou encore un plan d’épargne entreprise. « Nous avons investi dans des transpalettes électriques, par exemple. ». Le dirigeant vante aussi un esprit familial et une écoute dans une entreprise où tout le monde se côtoie. Avoir roulé l’aide à mieux appréhender le quotidien de ses salariés, pense-t-il. D’ailleurs, il souhaiterait que la profession arrive à revaloriser le prix du transport pour payer les chauffeurs à leur juste valeur. « Je vois bien que beaucoup de conducteurs mangent désormais dans les camions… Avec des salaires plus importants, nous aurions moins de mal à recruter. »

Cette question du recrutement s’avère d’autant plus importante que Philippe Haingue a des perspectives pour l’avenir. Cette année, il a mis en place un parking pour ses camions sur le site de Guise. « Cela devenait absolument nécessaire ! » La fameuse extension de 1 500 mètres carrés sera reprogrammée l’an prochain quand l’horizon sanitaire sera plus dégagé. De quoi transformer la zone de bureaux, s’offrir un peu plus de place de stockage (3 000 m2 en tout, en plus de 3 000 m2 déjà disponibles à Marles) et créer trois quais, dans le but de développer la logistique. En 2021, le transporteur nordiste envisage également l’achat de son premier camion au gaz. « Nous sommes en pourparlers. » Cet achat ne correspond pas à une demande urgente de la clientèle, mais le dirigeant estime que la prise en compte environnementale est essentielle pour continuer à faire progresser une entreprise à la croissance continue : 2,2 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2017, puis 2,7 M€ en 2018 et 3,4 M€ en 2019…

Croissance externe dans le viseur

Cette ambition se traduira dans les cinq ans par de nouveaux projets. Créer un pôle affrètement d’une part et, surtout, réaliser une ou des opérations de croissance externe. « Je recherche des entreprises à taille humaine. Il est intéressant pour nous d’aller chercher de la benne, de la citerne, du frigo. Ou du bâché avec des nouveaux clients. » Et pas seulement dans l’Aisne. Pourquoi pas en Rhône-Alpes, l’une des régions où HTL est particulièrement présent ? « La croissance externe permettrait de faire avancer l’ensemble. » À terme, il se verrait bien avec une quarantaine de véhicules, tout en conservant cet esprit familial. Qui n’est d’ailleurs pas qu’une déclaration d’intention. Philippe Haingue travaille avec son épouse, Véronique, chargée de la comptabilité depuis les débuts de l’entreprise. Leur fils, Romain, les a rejoints pour prendre la route il y a deux ans. En début d’année, leur fille, Valentine, a intégré l’entreprise, dans les bureaux à la suite de son BTS Transport. « Voir mes enfants reprendre l’entreprise serait une forme de beau bouquet final, confie le transporteur. Mais ne me poussez pas dehors, j’ai encore une bonne quinzaine d’années d’activité devant moi ! »

Repères

• CA 2019 : 3,4 M€

• Effectif : 35 dont 30 chauffeurs

• Parc : 30 moteurs

• Activités : industrie, ADR.

Stratégie

Stratégie

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15