Entrepôts logistiques : Quel foncier pour poursuivre la croissance d’activité ?

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Entrepôt logistique

Outre la raréfaction du foncier, les réticences des élus et l'opposition ou d'associations écologiques freinent l'implantation d'entrepôts.

Crédit photo AUFORT Jérôme - stock.adobe.com
Les entrepôts gagnent du terrain en France. Depuis 2015, la surface logistique est passée de 78 à 90 millions de m² estimés actuellement. Pris en étau entre l’accroissement de l’activité logistique dans l’Hexagone et la loi ZAN, le secteur cherche des astuces pour continuer à trouver des terrains où s’implanter.

« Je refuse qu'on mette sous cloche les décisions des élus de construire dans la ruralité. Les décisions prises par la technocratie, je dis stop. Notre région se retire donc du processus et on demande à la ministre de revoir sa copie ». Fin septembre, le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez provoquait un tollé général en annonçant qu’il retirait sa région du « zéro artificialisation nette » (ZAN), dispositif légal visant à stopper la bétonisation des sols d’ici à 2050. Au-delà de cet effet de manche politique, la sortie de l’élu Les Républicains a mis en lumière ce dispositif, qui impactera le marché des entrepôts logistiques. Cet objectif ZAN, qui s’inscrit dans la loi « Climat et résilience », impose de diviser par deux le rythme de bétonisation entre 2021 et 2031 pour atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette d’ici à 2050. Le ministère de la Transition écologique indique que depuis 10 ans, 24 000 hectares d’espaces naturels, agricoles et forestiers ont été consommés chaque année en France.
Cette législation effraie les acteurs de la logistique qui peinent à trouver de l’espace logistique disponible pour leur activité. Avec la première échéance de 2031, la surface exploitable pourrait se raréfier davantage. En première ligne, les élus locaux à qui reviendra la responsabilité d’arbitrer les projets de leur commune. Frédéric Cuillerier, maire de Saint-Ay (45) et co-président de la commission transport de l’Association des Maires de France (AMF) assure s’être saisi de la question : « Pour les maires, l’enjeu sera de rechercher un équilibre entre le nécessaire développement économique de leur territoire et les créations d’emploi, les impératifs écologiques et le respect de la ZAN. »

Une demande locative soutenue en 2023

À l’échelle locale, des objectifs de réduction de la bétonisation des terres doivent être fixés, via un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet). Si l’Afilog juge les Sraddet qui se dessinent encore trop imprécis, le secteur de la logistique manque globalement de données chiffrées pour anticiper et organiser son activité. « Il y a des enquêtes menées au niveau des ministères car nous n’avons pas forcément un état des lieux si précis. C’est un vrai manque de ne pas avoir de cartographie des entrepôts existants et de leur âge car certains sont vieillissants. On a besoin de données », pointe Laurent Livolsi, professeur des universités en sciences de gestion, directeur du CRET-LOG et responsable de la chaire Supply chain management & prestation de services logistiques.
D’autant que l’activité logistique s’est incroyablement développée au cours de la dernière décennie. De 78 millions de mètres carrés d’entrepôts logistiques (Atlas des entrepôts et des aires logistiques en France, ministère de l’Environnement) en 2015, l’hexagone compterait aujourd’hui près de 90 millions de mètres carrés (selon l’Afilog). Le baromètre 2023 des transports de fret et de la logistique de l’Union TLF rappelle la forte croissance de l’activité logistique ces dernières années : +9,8 % en 2021, +3,9 % en 2022. « Le chiffre d’affaires des entreprises de l’entreposage et du stockage a augmenté de 8 % en 2022, après +10 % l’année précédente », précise le rapport. La publication souligne également une demande locative « soutenue début 2023 avec 909 000 m² commercialisés (entrepôts de plus de 5 000 m²) et 45 contrats signés. (…) Avec 35 % de la surface placée et 6 projets signés, le segment des entrepôts géants, de plus de 40 000 m², est resté vigoureux. » Conséquence : le marché est tendu et les surfaces de plus en plus difficiles à trouver.

Des réticences à l’installation des entrepôts

Selon l’Afilog, huit régions sur douze seraient aujourd’hui en forte pénurie de surface logistique. La situation est variable d’une région à l’autre : l’association regroupant des professionnels du secteur évalue les besoins annuels en surface logistique de 50 000 m² en Bourgogne Franche-Comté à 500 000 m² en Île-de-France ou dans les Hauts-de-France. Outre la raréfaction du foncier, les réticences des élus et l'opposition d'habitants ou d'associations écologiques freinent l'implantation d'entrepôts. Dans l’opinion publique, les projets d’entrepôts, qui induisent une grande surface d’emprise et des externalités négatives, n’ont pas vraiment la cote (lire plus loin). « En ce moment, l’implantation des entrepôts n’est pas facile. Le paradoxe de cette activité est que l’on a un impact plutôt minime (moins de 1 % de l’artificialisation), mais nos bâtiments sont grands et visibles et font l’objet de tensions. Les professionnels font de leur mieux pour aller vers des friches existantes, mais ce n’est pas toujours possible selon la localisation. L’emplacement doit être près des grands axes, pertinent pour les trajets envisagés, pour minimiser les flux camions dans les villages, indique Constance Maréchal Dereu, ancienne directrice générale de France Logistique, partie à la direction générale de entreprises (DGE). En France, c’est plutôt plus long et compliqué d’implanter un entrepôt que dans d’autres pays. Dans le projet de loi Industrie verte, nous avons soutenu l’idée que dans ces procédures administratives de vérification des différents aspects (réglementaires, environnementaux…), beaucoup de choses se font l’une à la suite de l’autre alors qu’on pourrait les faire en parallèle, avec la même obligation de résultat. »

60 % des transporteurs ont une activité logistique

Cette pression foncière pousse ceux qui ne peuvent avoir leur propre entrepôt à chercher des solutions chez des prestataires extérieurs. C’est ainsi que les Transports Clot tirent leur épingle du jeu. « Nous sommes très sollicités pour du cross-docking. Nous expédions beaucoup d’envois partiels dans des délais de plus en plus courts car avec les sites web marchands, tout le monde veut tout vite, devant chez soi. On a aussi beaucoup de demandes pour du stockage de masse », observe Maxime Dioley, l’un des dirigeants. L’entreprise fait partie des 60 % de transporteurs en France qui proposent une activité logistique, selon l’Union TLF (Essentiel 2023). Installés historiquement en Haute-Saône, dans le Doubs (filiale Transports Idoux) et à Saint-Priest (est lyonnais), les Transports Clot proposent selon leurs sites du cross dock, du stockage, de la préparation de commande et de la redistribution, du déchargement de containers et remise sur palette et, dans le Doubs, une prestation douanière avec la Suisse. Cette activité représente pour la société 15 à 20 % de son chiffre d’affaires (38 M€) et permet d’employer une trentaine de salariés. « Ainsi, nous diversifions nos services », ajoute Maxime Dioley. 90 % des clients des Transports Clot les sollicitent déjà pour des prestations de transport, mais 10 % les sollicitent uniquement pour de la logistique. L’entreprise entend continuer à développer cet axe avec une extension de 1000 m² de son bâtiment en Haute-Saône, le rachat d’un nouvel entrepôt à Vesoul et une activité logistique à venir dans le cadre de leur installation future dans la région nancéenne. « On aimerait y faire du cross dock, de la préparation de commandes et avoir une capacité de stockage de masse. Même si nous n’avons pas encore de demandes, on ira chercher des contrats sur ces activités », ajoute le dirigeant.

Bâtir une stratégie à l’échelle de la métropole

Dans les grandes villes – notamment celles classées en ZFE ou vouées à l’être – la tension est forte sur l’espace logistique, malgré un ralentissement général des flux depuis le mois de septembre qui pourrait avoir un impact sur la situation. Cependant, plus qu’une chasse au mètre carré et à la construction d’entrepôts, c’est bien une vision globale de la logistique du dernier kilomètre sur laquelle il faut travailler, selon Laurent Livolsi du Cret-Log : « Il est nécessaire de bâtir une stratégie à moyen et long terme à l’échelle de chaque territoire, plutôt que d’avancer en suivant une succession d’opportunités foncières. Il faut une vision de l’évolution de chaque métropole et les schémas que l’on souhaite développer. Le rapport « Logistique urbaine durable » (mission Lud, 2021) indiquait qu’il fallait mettre, en amont, les acteurs de la logistique autour de la table : transporteurs, prestataires, collectivités, entreprises clientes… Ceci afin d’avoir une vision concertée. C’est très basique mais pour l’instant ça ne se fait pas. » D’autant qu’il faut envisager la massification à l’aune de son impact écologique : artificialisation des sols, émissions de polluants liés au transport… « Il faut penser les chaînes logistiques dans leur globalité pour éviter que la logistique ne soit délocalisée. Car on sait que la Belgique ou les Pays-Bas sont des ballons d’oxygène au niveau foncier. Mais massifier là-bas pour livrer en France engendrerait une augmentation du transport », conclut le chercheur.

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