Des femmes aux commandes

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Des femmes aux commandes

Loire-Atlantique. Il y a 120 ans, Pierre Laure créait les transports éponymes à Nantes (44) pour se spécialiser dans le transport de charbon et le négoce de boisson. Aujourd’hui, ce sont ses deux arrière-petites-filles qui pilotent l’affaire familiale, aux côtés de leur mère Nadine, la présidente.

L’une s’appelle Céline, la seconde Jessica. Les deux sœurs d’une trentaine d’années dirigent, depuis 2021, le Groupe Laure, domicilié à Saint-Étienne-de-Montluc. Une relève au pied levé qu’elles assument depuis le décès de leur père Dominique. Un destin auquel elles n’étaient pas complètement préparées… Céline Le Guen a fait des études de commerce, avant de devenir agent immobilier sur la région angevine pendant cinq ans. Exprimant le souhait de revenir sur ses terres nantaises, c’est son père qui lui a proposé, en 2016, un poste d’exploitante transport au service ampliroll le temps d’un congé maternité de six mois. Finalement, elle reste dans l’entreprise pour mieux découvrir l’ensemble des exploitations (tautliner, frigo, TP, pelles) pendant deux ans. Elle a alors 31 ans, lorsqu’elle est propulsée à la direction générale.

Jessica Laure a quant à elle fréquenté une école de commerce avant de s’orienter vers le transport et la logistique et de travailler pendant sept ans à Paris dans la supply chain (gestion de stocks, pilotage de flux, prévisions de ventes) pour des entreprises comme Sanofi et Biogaran. S’ensuit une pause de 15 mois pour voyager. « La question de revenir pour travailler dans l’entreprise familiale s’est alors posée. Mais mon père m’a conseillé de ne pas prendre de grande décision », raconte-t-elle. À son retour, fin 2019, elle intègre le groupe et plusieurs services (juridique, facturation, IT) avant d’endosser la casquette de chef de projet IT pour développer un outil de gestion d’atelier. « Notre père ne nous a jamais forcé la main. Bien qu’il souhaitait que nous reprenions le flambeau, nous n’avions aucune obligation. Différentes pistes avaient été évoquées (scinder le groupe en deux…), sans aucune pression », évoque-t-elle. Et d’ajouter : « Le plan initial était que nous préparions la transmission pendant dix ans pour que notre père puisse tout nous montrer de A à Z. » La vie en a décidé autrement. « Il n’en a pas eu le temps, nous avons donc appris sur le tas. On s’est débrouillées, il fallait bien ! », lâche Jessica Laure, qui reconnaît, avec sa sœur, avoir été bien entourées.

Une période de grands changements

« En neuf mois, nous avons dû tout apprendre ! C’était très intense », prolongent les dirigeantes. Pour les collaborateurs aussi : « Ils étaient très attachés à notre père. Ils savaient que nous allions reprendre un jour l’entreprise. Mais ils ne pensaient peut-être pas que cela se serait fait aussi rapidement. J’ai pensé qu’il y aurait eu une petite vague de départs. Finalement non », exprime Céline Le Guen, qui supervise l’ensemble des exploitations, gère la partie commerciale et la communication et pilote les quatre agences de Lyon, Bayonne, Bordeaux et Toulouse.

D’emblée, il n’est pas question de prendre de décisions stratégiques, ni de vendre le groupe, mais plutôt de continuer à le structurer en s’entourant d’une DAF. « Il nous a fallu d’abord mieux comprendre l’entreprise, cerner ses différentes activités, la clientèle… pour construire une trajectoire. Cela a pris deux ans », explique Jessica Laure, qui s’occupe quant à elle des fonctions support (comptabilité, RH, finances, juridique, technique). La priorité était de maintenir à flot l’activité et les effectifs. Aujourd’hui, le Groupe Laure, dont l’actionnariat est 100 % familial, emploie 311 collaborateurs, dont 227 conducteurs, regroupe huit entités (TLS, Transports Laure, Rabotin Transports, Logilor Logistique, Modulor, Tetraloc, LGS, V8) et pèse près de 30 millions d’euros de chiffre d’affaires.

Céline Le Guen et Jessica Laure ont également été amenées à prendre des décisions concernant la flotte (100 % des moyens en propre). Face aux difficultés d’approvisionnement, le groupe qui avait de gros investissements à réaliser (60 tracteurs à acquérir en 2023, contre 25 véhicules habituellement) a dû diversifier sa flotte. S’il est toujours fidèle à sa marque historique, Mercedes, il a là aussi joué la carte de la diversification en intégrant trois autres marques : MAN, Ford et Volvo.

La trajectoire se précise

Après un bilan 2023 positif, les deux sœurs anticipent une année plus difficile, alors que « l’économie est très chahutée ». Leur force : une stratégie de diversification qui permet de répartir les risques. « Si une activité peine, nous pouvons nous appuyer sur une autre pour compenser ces difficultés et ainsi sortir notre épingle du jeu. Par exemple, en 2023, l’activité TP s’est bien comportée contrairement à l’année d’avant, alors que l’activité tautliner a ralenti. » C’est d’ailleurs dans cette optique que le groupe ligérien s’est associé, en septembre dernier, à l’entreprise de TP Charier (44) pour créer la société Les Granulats Stéphanois (LGS) à Saint-Étienne-de-Montluc avec un dépôt de matériaux ouvert de 7 heures à 18 heures « Grâce à ce service de proximité, nos clients peuvent charger la veille ou le matin de bonne heure et commencer leurs chantiers dès 8 heures. »

Dans ce contexte, elles souhaitent poursuivre le développement des nouvelles activités (location de matériel de chantier sans conducteur lancée en 2022 et location de véhicules légers lancée en 2023) et aller vers plus de digitalisation dans les processus. Prochaine étape : le changement du TMS en 2025. Les deux jeunes femmes souhaitent également plus de communication interne et externe afin, notamment, de fédérer les équipes. Dans les trois à cinq ans à venir, elles envisagent d’utiliser une plateforme extranet pour mieux cibler leurs communications.

Ayant la volonté de maîtriser plus finement les coûts, notamment liés au péage et la consommation de carburant, les deux dirigeantes vont également s’appuyer sur une nouvelle solution d’informatique embarquée, dont le déploiement a démarré en décembre 2022. Sur le volet environnemental, deux projets sont à l’ordre du jour : la production d’énergie sur le site de Saint-Étienne-de-Montluc (22 hectares) avec l’installation de panneaux solaires pour fonctionner « le plus possible en autosuffisance » et la gestion des déchets sur site.

Alors que l’agence de Bayonne est en pleine rénovation afin d’avoir des places de parking supplémentaires, le duo se tourne vers un autre projet : la recherche d’un terrain de 10 000 à 15 000 m2 pour agrandir l’agence de Lyon (location d’un bureau avec 15 emplacements de parking chez un transporteur), aujourd’hui trop exiguë. Le but étant de développer l’activité TP.

Côté recrutements, elles envisagent aussi d’étoffer les équipes. Plusieurs postes étaient à pourvoir fin 2023 : « Un exploitant transport, un gestionnaire de paie, un conducteur ampliroll grappin dans le Maine-et-Loire, trois conducteurs grande distribution à Nantes et un autre à Bordeaux, 2 à 3 mécaniciens et deux à trois conducteurs de pelles à Nantes », conclut Cécile Le Guen.

Repères

Siège : Saint-Étienne-de-Montluc (44)

Chiffre d’affaires 2023 : plus de 30 M€

Effectif : 311 collaborateurs

Parc : 210 moteurs, 25 pelles, 478 caissons, 208 semi-remorques

Activités : transport, logistique, location sans chauffeur…

Les Transports Laure en dates

1904 : Création des Transports Laure

1960 : Serge Laure est à la tête de l’entreprise Transports Laure Serge (une dizaine de salariés) centrée sur les activités de TP

1978 : Dominique Laure intègre les Transports Laure Serge en tant que chauffeur zone longue avant de créer, en 1986, les Transports Laure Dominique avec adhésion à Ablo et de racheter l’entreprise Laure Serge en 1995

1998 : Achat des Transports Rabotin près de Bordeaux

2007 : Achat de Centraloc (44), spécialisée dans la location d’engin de TP

2011-2014 : Rachat des adhérents d’Ablo

2015 : Création de l’agence Ablo à Lyon

2018 : Intégration au nouveau siège à Saint-Etienne-de-Montluc

2019 : création de l’entrepôt logistique Logilor (9 000 m2) et de Modulor (location de modulaires)

2021 : Céline Le Guen et Jessica Laure reprennent la direction du groupe

2023 : Création de la société Les Granulats Stéphanois (LGS)

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