Depuis 1986, les bâtiments à usage d’entrepôt sont soumis à la réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en raison des dangers et inconvénients qu’ils peuvent présenter pour les tiers et l’environnement, principalement en cas d’incendie. Les règles d’implantation et d’exploitation se sont progressivement précisées, pour finalement aboutir en 2010 à l’existence de trois régimes de fonctionnement différents déterminés selon le volume de l’entrepôt et du stock concerné : « déclaration contrôlée » (DC) pour le moins contraignant ; « enregistrement » (E) ; « autorisation » (A), le plus contraignant, pour les bâtiments de plus de 300 000 m3. Avec un arrêté ministériel pour chaque régime.
Or, chacune des catégories n’a pas évolué de façon homogène au plan réglementaire, ce qui a conduit à une situation où les prescriptions générales étaient, à certains égards, devenues plus sévères pour le régime E que pour le régime A. Les professionnels de la logistique attendaient une harmonisation des règles ainsi que certaines souplesses procédurales permettant d’adapter les bâtiments aux évolutions des process de stockage (automatisation entre autres). Un arrêté du 17 août 2016 avait précisément pour objet d’harmoniser l’ensemble de l’édifice textuel en actualisant les prescriptions applicables au régime A. Mais pris à la hâte et sans véritable concertation avec les acteurs du secteur, cet arrêté imposait des restrictions si importantes qu’un certain nombre de projets d’immobilier logistique s’en trouvaient bloqués. Il a donc fallu revoir la copie et publier ce nouvel arrêté en avril 2017 qui était donc très attendu.
Ce remaniement juridique instaure une « double intégration ». Il n’y a désormais plus qu’un seul arrêté ministériel pour les trois régimes. Il ne s’agit pas nécessairement d’une simplification administrative pour les entreprises, puisqu’une démarche procédurale différente demeurera nécessaire pour chaque projet immobilier. Cette approche, voulue par le ministère de l’Écologie et bien qu’inédite en droit des ICPE, a la vertu de rassembler toute les prescriptions « entrepôt » en un seul texte. À l’inverse, la lisibilité des prescriptions n’en est pas facilitée, en particulier pour les entrepôts nouveaux relevant du régime DC.
La deuxième intégration a consisté à régir en un seul texte les activités de stockage spécifiques (1530 pour les papiers et cartons ; 1532 pour le bois ; 2662 pour les polymères ; 2663 pour les pneumatiques ou produits composés ? 50 % de polymères) dès lors qu’elles sont associées à des entrepôts de matières combustibles classiques (rubrique 1510). Cette disposition est importante car, pour beaucoup de secteurs, comme la grande distribution, les produits de ces différentes catégories se côtoient. Désormais, les entrepôts relevant également des autres rubriques de stockage concernées (1530, 1532, 2662 et 2663) seront exclusivement régis par le nouvel arrêté. Cette mesure de simplification a pour but de renforcer la sécurité juridique des activités tant pour les exploitants que pour les propriétaires d’entrepôts. En revanche, elle ne concerne pas les autres rubriques non visées ainsi que les entrepôts qui ne relèvent pas simultanément de la rubrique 1510.
Le texte du 11 avril élargit le champ des dérogations possibles. Il énonce par exemple que la taille des cellules de stockage serait limitée à 6 000 m2 pour 23 m de hauteur (3 000 m2 en l’absence de sprinkler), mais cette taille peut être adaptée désormais. Ainsi, la surface maximale des cellules peut être portée de 6 000 à 12 000 m2, moyennant un abaissement de leur hauteur de 23 à 13,70 m. À l’inverse, la hauteur peut dépasser 23 m à condition de ne pas dépasser une surface maximale de 6 000 m2. Les demandes de dérogations sont accompagnées d’études d’ingénierie incendie spécifiques et de la mise en place d’un double pompage sur les sprinklers.
La principale prescription bloquante de l’arrêté ministériel de 2016 résultant de son article 5 obligeait, sur les entrepôts nouveaux, à implanter les voies de circulation des véhicules d’incendie et de secours (dites voies « engins ») en dehors des flux thermiques supérieurs à 5 kW/m2 (seuil à effet létal) émis en cas d’incendie. S’ajoutant à la « règle d’éloignement des 20 mètres » – correspondant à la distance imposée entre les parois de l’entrepôt et l’enceinte de l’établissement dans un but de protection des tiers – cette prescription de l’article 5 était impossible à respecter, sauf à revoir intégralement la conception des entrepôts au prix d’efforts financiers considérables et dont l’inutilité opérationnelle avait été décriée. Dorénavant, cette règle n’est plus impérative dès lors que les flux thermiques à effets létaux (5 kW/m2) peuvent être contenus à l’intérieur des limites du site. Cela signifie qu’en cas de ressource foncière insuffisante pour l’implantation ou l’extension de l’entrepôt, il sera possible de passer outre la règle des 20 mètres moyennant une compensation constructive (par exemple : renforcement de la barrière thermique en façade) plutôt que d’empêcher la construction de l’entrepôt.
En outre, l’arrêté du 11 avril vient officialiser les pratiques de dépôt et de retrait de marchandises par le public dans les entrepôts, comme le cas des drives.
En l’absence de clarification réglementaire jusqu’à présent, l’entrepôt pouvait dépendre tantôt de la réglementation ICPE, tantôt de la réglementation sur les établissements recevant du public (ERP), dont l’incompatibilité avait été défendue par plusieurs services d’inspection, ce qui n’était pas sans poser de sérieux problèmes. La présence du public dans l’enceinte des entrepôts est désormais confirmée par l’arrêté du 11 avril, moyennant le respect de règles d’éloignement des espaces de stockage (10 m) ou de dispositions constructives pour les zones situées dans le bâtiment (parois des locaux résistantes au feu pendant 2 h).