Un employeur et son salarié décident de rompre d'un commun accord le contrat de travail qui les unissait. Souhaitant prévenir tout risque de contestation ultérieure, les parties insèrent dans leur accord de rupture une clause aux termes de laquelle chacune d'elles s'estime remplie de tous ses droits et renonce à toute action judiciaire à l'égard de l'autre.
Ultérieurement, le salarié saisit les tribunaux pour solliciter l'annulation de l'accord de rupture. L'employeur se défend et obtient gain de cause devant la Cour d'Appel en arguant de l'existence de l'engagement pris par le salarié de n'engager aucune action à son encontre. Peine perdue, la Cour de Cassation (arrêt du 16 mai 2000, affaire Cerda/ Kittikhounet) donne raison au salarié au motif que « la rupture d'un commun accord ne constitue pas une transaction destinée à mettre fin, par des concessions réciproques, à toute contestation née ou à naître résultant de la rupture définitive du contrat de travail, et ne peut avoir pour effet, peu important les termes de l'accord, de priver le salarié des droits nés de l'exécution du contrat de travail ».
Quand transiger ?
Généralement, employeurs et salariés transigent pour mettre un terme à un différend né d'un licenciement contesté par le salarié et éviter ainsi les aléas et les longueurs d'un procès. La transaction valablement conclue se substitue à la décision de justice qui aurait tranché le différend. Elle emporte donc - si elle est rédigée avec soin et rigueur - renonciation des parties à contester les conditions d'exécution du contrat de travail et les conditions dans lesquelles il y est mis fin.
Si, en revanche, les parties souhaitent mettre fin au contrat de travail et qu'il n'existe aucun différend entre elles, elles se tourneront vers la rupture négociée.
En d'autres termes, la rupture négociée est un mode de rupture du contrat de travail (à l'instar de la démission ou du licenciement), la transaction visant à régler le différend né de cette rupture. La transaction intervient donc toujours postérieurement à la rupture du contrat de travail. On s'aperçoit alors que la transaction et la rupture négociée ont des objets radicalement différents : une transaction suppose l'existence d'un différend et ne peut jamais rompre un contrat de travail alors qu'une rupture négociée suppose l'absence de litige entre les parties et ne peut jamais empêcher un salarié d'intenter ultérieurement une action contre l'employeur. Dans ces conditions, on ne peut, dans le même acte, conclure un accord de rupture amiable et régler les différends opposant les parties.
Comment transiger ?
La transaction implique nécessairement l'existence d'un désaccord entre les parties. A défaut, elle ne serait qu'une simple mise en scène destinée à éluder le paiement des cotisations sociales et fiscales sur les sommes versées à titre transactionnel. Les parties auront donc intérêt à exposer en détail, en préambule de leur transaction, leurs positions et prétentions respectives afin de justifier de la réalité du différend les opposant et auquel la procédure a précisément pour objet de mettre fin. La transaction implique également des concessions réciproques entre les parties : le salarié renonce à l'action en justice qu'il entendait engager à l'encontre de son employeur tandis que l'employeur indemnise le préjudice (essentiellement moral) subi par l'employé du fait de la rupture de son contrat de travail. Encore faut-il que ces concessions soient effectives. Ainsi, le seul fait de dispenser un salarié de l'exécution de son préavis n'est pas une concession si l'employeur se dispense de verser l'indemnité compensatrice de préavis.
La concession doit également être « appréciable » : le montant de l'indemnité transactionnelle ne doit pas être dérisoire, car elle pourrait alors être assimilée à un défaut de concession de la part de l'employeur et conduire à l'annulation de la transaction. Paradoxalement, une indemnité transactionnelle trop élevée par rapport à l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement pourrait conduire au même résultat, l'U.R.S.S.A.F. et les tribunaux échaudés par la multiplication des transactions de complaisance, risquant alors de requalifier l'indemnité transactionnelle en salaire déguisé. Les conséquences d'une telle requalification sont loin d'être négligeables : alors que l'indemnité transactionnelle n'est assujettie qu'à la CSG et à la CRDS, elle deviendrait, en cas de requalification, assujettie à charges sociales et à impôt sur le revenu.
> Une transaction suppose l'existence d'un différend entre les parties et ne peut jamais rompre un contrat de travail.
> La transaction intervient toujours postérieurement à la rupture du contrat de travail. Les parties ne peuvent, dans un même acte, conclure un accord de rupture amiable et régler le différend les opposant.
> Le protocole transactionnel doit faire ressortir les prétentions des parties afin d'apprécier la réalité et le caractère sérieux des concessions faites par chacune d'elles.