La qualification du temps d’attente

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La plupart des chauffeurs connaissent des temps d’attente plus ou moins importants pendant l’exécution de leur travail. La difficulté majeure réside dans le traitement en paie de ces temps d’inaction : doivent-ils être considérés comme du temps de travail effectif ou, au contraire, doivent-ils être neutralisés ? Dans un arrêt du 8 février 2017, la Cour de cassation apporte des éléments de réponse par un attendu extrêmement général.
Q : Quelle est la solution apportée par la Cour de cassation dans son arrêt du 8 février 2017 ?

R : La Haute Juridiction approuve les juges de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence d’avoir qualifié de temps de travail effectif, les temps d’attente du salarié entre les opérations de déchargement et de rechargement de son camion.

Q : Quels sont les faits qui ont emporté la conviction des juges pour qualifier le temps d’attente du salarié en temps de travail effectif ?

R : Les juges ont notamment été sensibles à l’absence de prise en charge par l’employeur d’une chambre d’hôtel, ce qui contraignait le salarié, en raison de l’éloignement entre son domicile et le lieu des opérations de chargement (90 km), à rester dans son camion pendant ses temps d’attente. Par ailleurs, les juges ont relevé que l’employeur avait fait installer un chauffage d’appoint dans le véhicule, confirmant ainsi la volonté d’inciter le salarié à rester dans son véhicule pour le surveiller. Ainsi, les juges ont considéré que, compte tenu de ces éléments de fait, et même en l’absence de directives explicites de l’employeur obligeant le salarié à rester dans son camion pendant les opérations de déchargement et de rechargement, le salarié n’était manifestement pas en mesure de vaquer à ses occupations personnelles et se tenait, dès lors, à la disposition de son employeur.

Q : Que dit le Code du travail en matière de temps d’attente des salariés ?

R : Il n’y a aucune règle spécifique prévue par le Code du travail concernant les temps d’attente. En la matière, la règle de droit de référence reste l’article L. 3121–1 du Code du travail qui dispose que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. En application de ce texte, les juges vont donc s’employer à examiner les circonstances de fait dans lesquelles le temps d’attente s’effectue et plus particulièrement la possibilité ou non pour le salarié de vaquer librement à ses occupations personnelles. C’est précisément ce que rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 8 février 2017.

Q : La Convention collective nationale des transports routiers prévoit-elle des dispositions spécifiques en la matière ?

R : L’article R. 3312-1 du Code des transports, issu du décret n °2016-1550 du 17 novembre 2016, relatif aux « temps de coupure » et aux « temps de restauration », renvoie aux accords de branche ou accords d’entreprise ou d’établissement pour définir les modalités dans lesquelles lesdits temps peuvent être considérés comme du temps de travail effectif. Bien que la convention collective nationale des transports routiers ne livre pas de définition précise des temps d’attente des conducteurs, l’accord du 23 novembre 1994 sur le temps de service, les repos récupérateurs et la rémunération des personnels de conduite marchandise « grands routiers » ou « longue distance », qui n’a pas été étendu, prévoit que, pour le calcul des temps de service, doivent être pris pour 100 % de leur durée, « les temps à disposition tels que surveillance des opérations de chargement et déchargement, sans y participer, et/ou temps d’attente, durant lesquels, bien que n’étant pas tenu de rester à son poste, le conducteur ne peut disposer librement de son temps. »

En revanche, l’accord du 23 novembre 1994 précise que doit être exclu du décompte du temps de service « l’ensemble des interruptions, repos, temps pendant lesquels le conducteur n’exerce aucune activité et dispose librement de son temps. »

En conséquence, les dispositions conventionnelles de branche applicables en la matière se contentent de faire une stricte application de l’article L. 3121-1 du Code du travail en rappelant la nécessité pour le salarié, pour que les temps d’attente soient considérés comme du temps de travail effectif, d’être à la disposition de l’employeur afin, le cas échéant, d’accomplir une tâche sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles.

Q : Quelles précautions l’employeur doit-il prendre pour ne pas voir requalifier les temps d’attente d’un salarié en temps de travail effectif ?

R : En premier lieu, il doit veiller à ce que le salarié puisse, pendant le temps d’attente, s’éloigner librement de son véhicule afin de vaquer à ses occupations personnelles. Ainsi, il ne faut pas exiger du salarié, pendant ce temps, l’exécution d’une mission quelconque (opérations de dépannage, surveiller la marchandise, se tenir à la disposition du client, etc.).

Aussi, si le lieu dans lequel s’effectuent les opérations de chargement et de déchargement n’est pas éloigné du domicile du salarié, il convient de lui donner des directives explicites pour l’enjoindre de regagner son domicile et ne pas être joignable pendant ce temps. Si ce lieu est trop éloigné du domicile du salarié, il convient, dans l’idéal, de lui proposer la prise en charge d’une chambre d’hôtel afin qu’il puisse s’y reposer, ce même en journée.

En second lieu, il nous apparaît nécessaire de surveiller scrupuleusement les temps d’attente du salarié en les faisant figurer, à titre d’exemple, sur un décompte mensuel afin, le cas échéant, de pouvoir justifier des tranches horaires pendant lesquelles le salarié se trouvait effectivement en temps d’attente.

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