→ « J’ai recruté un salarié en contrat à durée déterminée (CDD) le 17 octobre 2016 pour un surcroît temporaire d’activité. Ce CDD était prévu jusqu’au 4 décembre 2016. Finalement, j’ai constaté que le surcroît temporaire d’activité allait durer plus longtemps que prévu soit jusqu’au 31 décembre. J’ai donc remis au salarié un avenant de renouvellement le 30 novembre. Il me l’a daté du 5 décembre et me l’a remis signé à cette date. Peu de temps après, le salarié vient me voir (un sourire en coin…) et me dit que la procédure de renouvellement n’était pas bonne et qu’il est désormais en CDI. Qu’en est-il ? »
Malheureusement, votre salarié a raison. Pourquoi, me direz-vous ? Eh bien, parce le renouvellement des CDD suit un formalisme très rigoureux et qu’il convient de bien appréhender à quelle date non seulement l’avenant doit être remis au salarié mais également et surtout, à quelle date il doit être signé.
L’article L 1243-13 du Code du travail prévoit, notamment que les conditions de renouvellement à défaut d’être prévues dans le contrat initial, devront faire l’objet d’un avenant soumis au salarié avant le terme du contrat. Si on prend au pied de la lettre l’utilisation du terme « soumis », nous pourrions croire que ce qui est exigé par le législateur, c’est uniquement que l’avenant soit communiqué au salarié avant la fin du CDD initial (avec la preuve de la date certaine telle qu’une remise en main propre contre décharge). Si c’est peut-être ce qu’a voulu dire le législateur (allez savoir ce qu’il lui est passé par la tête !), les juges avec l’esprit « pinailleur » qu’on leur connaît, préfèrent employer le terme « conclu » en lieu et place de « soumis ».
Et si les mots ont un sens, on constate immédiatement la différence entre les deux notions. Là où le Code du travail parle bien maladroitement (et pourtant, il a fait soi-disant l’objet d’une simplification…) de soumettre un avenant au salarié avant le terme initialement prévu, le juge évoque quant à lui la conclusion de l’avenant avant ce même terme.
Soumettre, n’est pas conclure. C’est ce que les juges ont récemment rappelé, dans un arrêt du 5 octobre 2016 (Cass. soc, 15-17458). Dans le cas qui nous intéresse, si l’avenant a bien été soumis au salarié le 30 novembre (soit avant le terme initialement fixé au 4 décembre), il n’a été conclu (sous-entendu signé par le salarié) que le 5 décembre.
L’affaire est entendue, le salarié (« bien malin », certains diront « vicieux », c’est au choix !) peut revendiquer un CDI. C’est déjà Noël avant l’heure pour lui…
→ « J’envisage de prendre une sanction disciplinaire à l’encontre d’un de mes salariés, en l’espèce un avertissement, dois-je dans un tel cas convoquer mon salarié à un entretien préalable ? »
Non… sauf exception prévue dans les dispositions conventionnelles et/ou dans le règlement intérieur. D’abord, il convient de rappeler qu’il convient généralement d’opérer une distinction entre les sanctions dites mineures et celles dites lourdes. S’agissant des sanctions considérées comme mineures, à savoir celles qui n’ont pas d’incidence immédiate ou future sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération, l’entretien préalable n’est pas obligatoire.
Il en va ainsi, d’un avertissement et d’une sanction de même nature (ou niveau) tel que généralement le blâme (article L 1332-2 du code du travail). Ainsi, un employeur qui constate un fait fautif, peut adresser immédiatement à son salarié une lettre d’avertissement, sans avoir besoin de recueillir au préalable l’avis du salarié à l’occasion d’un entretien.
Il en ira différemment si le règlement intérieur et/ou la convention collective applicable prévoient des dispositions spécifiques. Il est ainsi possible que la convention collective prévoit l’obligation d’organiser, dans tous les cas, un entretien préalable (quels cachotiers, ces partenaires sociaux !) Le règlement intérieur institué dans la société peut également prévoir une telle contrainte pour l’employeur. Dans un tel contexte, l’employeur n’aura pas le choix et devra obligatoirement convoquer le salarié à un entretien. À défaut de respecter une telle procédure il s’expose, en cas de contentieux, à l’annulation de la sanction prononcée.
Par ailleurs, lorsqu’une telle procédure disciplinaire s’impose, il convient de retenir aussi le fait que la notification (l’envoi du courrier de sanction) devra intervenir sous peine de nullité dans un délai d’un mois suite à l’entretien. D’autre part, certaines conventions collectives stipulent qu’un licenciement disciplinaire (hors le cas de la faute grave) doit obligatoirement être précédé, par exemple, de deux sanctions.
La conséquence indirecte d’une telle rédaction est d’obliger l’employeur à prévoir des entretiens y compris pour deux avertissements qui feront office des deux sanctions disciplinaires préalables.
En effet, si un avertissement ne nécessite généralement pas d’entretien, c’est sous réserve qu’une telle sanction n’emporte pas de conséquence immédiate ou future sur la présence de l’intéressé dans la société (Cass. soc, 13 février 2013, n° 11-27615).
Il ressort de ce qui précède qu’avant d’envisager toute sanction disciplinaire, il est impératif de se reporter à la convention collective et au règlement intérieur.
Si, dans le secteur du transport routier, nous sommes tranquilles pour le contenu de la convention collective (qui ne mentionne rien de spécifique concernant la procédure disciplinaire), que dit votre règlement intérieur ? Enfin, attention aux excès de zèle !
Ainsi, si un employeur qui n’y est pas obligé par la convention collective ou le règlement intérieur, décide néanmoins de convoquer le salarié à un entretien (par exemple, pour donner un ton plus solennel à la sanction envisagée), il devra alors respecter toute la procédure disciplinaire. De la sorte, la sanction devra être notifiée impérativement dans le délai d’un mois, suite à la date d’entretien et ce, même s’il s’agit d’un « simple » avertissement. On fait ou on ne fait pas, mais si on fait…
→ « J’ai pris, il y a 15 jours, un avertissement à l’encontre d’un de mes chauffeurs qui arrive systématiquement en retard le matin. Il est venu me voir ce matin (le sourire en coin,… eh oui c’est le même « individu » que dans le premier cas), en m’indiquant que je n’avais décidément « pas de chance » puisque ma sanction n’était pas valable. Pour affirmer cela haut et fort, il prétend que faute de règlement intérieur (alors que j’ai plus de 20 salariés habituellement dans l’entreprise), l’avertissement ne serait pas valable. A-t-il encore raison ? »
Malheureusement, c’est à craindre… En 1er lieu, rappelons que le règlement intérieur doit obligatoirement exister dans les sociétés qui comprennent habituellement un effectif d’au moins 20 salariés. Sous cette notion, il faut entendre qu’un tel document est obligatoire si le seuil de 20 salariés est atteint ou dépassé durant 6 mois. Par ailleurs, le règlement intérieur a notamment pour finalité de fixer les règles générales et permanentes relatives à la discipline au titre desquelles nous trouvons la nature et l’échelle des sanctions. En partant de ce principe, la cour d’appel de Rennes dans une décision du 7 septembre 2016 (CA Rennes, 7 septembre 2016, n° 14/04110) a décidé que faute d’avoir un règlement intérieur qui sert de fondement (alors que c’était une obligation eu égard à l’effectif de la société), l’avertissement prononcé était nul. Sacrés Bretons ! Ici, il convient donc de retenir que si vous deviez mettre en place un règlement intérieur et que tel n’est pas le cas, les différentes sanctions prises seraient susceptibles d’être annulées. Seul le licenciement n’est pas susceptible d’être remis en cause par le défaut de mise en place du règlement intérieur, étant prévu directement par le code du travail. Votre salarié a donc, une fois encore, raison lorsqu’il affirme que la sanction prise ne serait pas valable (il faudrait peut-être envisager de le promouvoir à un poste de DRH…) Une mise en conformité rapide s’impose. Ce serait bien dommage de s’embarrasser à faire de la paperasse, des entretiens préalables à sanction… si c’est pour voir tout cela jeter à la poubelle, suite à l’intervention des juges. Il est donc impératif de s’assurer que vous êtes bien couvert par un tel document.