Depuis le 7 juillet dernier, les véhicules neufs et nouvellement immatriculés doivent embarquer une dizaine d’assistances électroniques à la conduite comme l’avertisseur de risque de collision avec un piéton ou un cycliste et la détection dans les angles morts. Sans oublier la surveillance de la pression des pneus grâce aux systèmes TPMS (Tyre Pressure Monitoring Systems). Et ce conformément au règlement (UE) 2019/2144 également connu sous le nom du règlement GSR2 (General Safety Regulation, en français règlement sur la sécurité générale) adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’Europe.
Avec ce texte, l’Union européenne espère améliorer la sécurité sur ses routes où l’on déplore plus de 20 000 morts et 140 000 blessés par an. Parmi les principales causes, citons une vitesse excessive, une mauvaise évaluation des distances de sécurité ou encore des pneus sous-gonflés. Facteur d’éclatement, le sous-gonflage est aussi responsable de l’usure prématurée des pneus et de la surconsommation de carburant. Rappelons à cet égard qu’une pression de pneu optimale permettrait d’économiser jusqu’à 2 % de carburant. Autant de risques que les systèmes TPMS visent à réduire grâce à un capteur communicant monté à l’intérieur de chaque roue, sur la jante ou sur la valve du pneu afin de connaître sa pression en temps réel. Cette information est transmise illico à un récepteur situé à l’intérieur du véhicule. Si la pression chute en dessous d’un certain seuil, un signal d’alerte est envoyé au tableau de bord pour en avertir le conducteur.
L’obligation d’équiper les véhicules d’un TPMS n’est pas nouvelle puisque le GSR2 reprend les spécifications et les normes techniques déjà définies par le règlement CEE-ONU R141. Initialement destinée aux véhicules de tourisme en 2014, la réglementation s’est progressivement étendue aux véhicules utilitaires légers avant de s’élargir en juillet 2024 aux véhicules les plus lourds comme les tracteurs, porteurs et remorques.
Parmi les fournisseurs traditionnels de TPMS, citons les constructeurs de poids lourds comme Renault Trucks (voir interview), les équipementiers tels que ZF et Astrata, et les fabricants de pneus. À l’instar de Bridgestone, Goodyear, Michelin ou encore Continental. Ce dernier en est à sa deuxième génération de capteurs TPMS, le G2 en l’occurrence. Outre la pression et la température du pneu, ce capteur communicant délivre aussi une estimation kilométrique du pneumatique. Par ailleurs, il sert de passerelle entre le tracteur et la remorque. Autre avantage, en connectant via Bluetooth ou GSM cette solution G2 via une tablette, l’exploitant peut voir l’état de son parc en temps réel (tracteurs, porteurs et remorques) sachant que la remontée d’information se fait toutes les cinq minutes. En cas de problème, le gestionnaire pourra planifier une réparation ou organiser un dépannage.
Continental propose trois modes différents pour récupérer les données des capteurs. Le plus ancien, baptisée ContiConnect Yard passe par une antenne positionnée à un endroit stratégique où les véhicules sont à l’arrêt durant quelques minutes. Les données récupérées sont transmises soit sur le serveur Continental, soit par mail, soit sur une appli. Cette solution intéresse les véhicules qui rentrent régulièrement au dépôt. Dans le cas contraire, les entreprises opteront plutôt pour le ContiConnect Live qui repose sur un boîtier communicant installé à l’arrière des tracteurs ou à bord des remorques. Troisième alternative plus légère et plus économe, le ContiConnect Lite consiste à récupérer les données du capteur via la liaison Bluetooth d’un smartphone. « Cette solution est sortie en juillet dernier », indique Nicolas Bonnay, responsable des solutions digitales Fleet Solutions France chez Continental. Ce dernier prépare l’arrivée en 2025 du capteur G3 qui, en l’occurrence, consiste en une mise à jour logicielle de G2. Dès lors, il s’enrichira de fonctions supplémentaires. À savoir, la mesure de la profondeur de sculpture et l’analyse prédictive qui permettra d’optimiser davantage les opérations d’entretien.
De son côté, Goodyear a lancé en juin dernier sa solution sur abonnement « Tires-as-a-Service » basée sur un modèle de redevance kilométrique. Cette offre est destinée à toutes les flottes de transport routier, de la longue distance à la livraison du dernier kilomètre. « Elle s’adresse aux entreprises qui souhaitent totalement externaliser la gestion de leur poste pneumatique, améliorer leur efficacité opérationnelle et réduire leurs coûts », souligne le manufacturier. Cette redevance kilométrique s’appuie sur des pneumatiques poids lourds Premium de la marque. Outre les capteurs de pression et de température, chaque pneu est aussi équipé du système de gonflage automatique et auto-alimenté HaloTire Inflator, dans le cadre d’un accord exclusif avec la société Aperia Technologies. Les données des capteurs sont collectées automatiquement et analysées par un algorithme dédié. En cas d’alerte, les services de résolution préventive des alertes sont mobilisés. Si nécessaire, le réseau de service international de Goodyear Truck Service sera mobilisé pour obtenir l’assistance et l’envoi de techniciens auprès du véhicule concerné.
Sous l’étendard Bridgestone Fleet Care, le manufacturier nippon propose autour de Webfleet, sa plateforme de gestion de flotte, une gamme de solutions réunis en trois volets pour gérer les pneus des camions. À commencer par des capteurs TPMS installés sur chaque roue du véhicule pour collecter les données de gonflage, de température et de pression des pneus. Second volet : l’installation par un professionnel de la passerelle télématique de la marque qui transmet les données collectées à la plateforme Cloud de Bridgestone. Dernier volet : l’intégration « cloud to cloud » via des interfaces de programmation d’application (API) avec les fabricants et autres fournisseurs de services pneumatiques pour partager des données de gonflage, de température et de pression des pneus. « Le client final bénéficie de la même expérience logicielle complète sur notre plateforme de gestion de flotte, y compris des applications mobiles et des terminaux pour conducteurs ainsi que des alertes par SMS ou e-mail vers les mécaniciens ou fournisseurs de services de pneumatiques », explique Tom Vandermissen, directeur des solutions pneumatiques avancées chez Bridgestone en Europe qui a codéveloppé la plateforme Iveco S-Way de prédiction de l’usure des pneus avec date du seuil critique pour les changer.
« Plus un pneu est usé, moins il consomme de carburant. En revanche, un dépannage de poids lourd sur trois est dû à un problème de pneu », constate Arnault Mercier, directeur de la stratégie et du design des offres connectées au sein de la division Services et solutions pour les poids lourds de Michelin. Sous la bannière Michelin Connected Mobility présentée sur le salon IAA 2024, le géant clermontois regroupe ses offres de pneus, ses technologies de surveillance et d’alerte en continu, même en cabine, (capteurs TPMS de température et de pression), son scanner au sol Quick Scan pour mesurer la profondeur des sculptures pour la maintenance prédictive et sa solution de gestion de flotte Connected Fleet. « Nous prédisons jusqu’à deux mois à l’avance le moment où il faut changer le pneu, reprend Arnault Mercier. Les transporteurs vont réduire jusqu’à 12 % leur consommation de carburant – ainsi que leurs émissions de CO2 – et jusqu’à 80 % les dépannages liés aux incidents de pression des pneus. » Sur une flotte de 200 véhicules, Michelin estime ainsi l’économie annuelle de carburant jusqu’à 1 million d’euros, soit 2 500 tonnes CO2, et plusieurs dizaines de trajets à risque évités. En dehors de l’Amérique du Sud où le fabricant fournit ses systèmes en première monte, Michelin intervient essentiellement en seconde monte. « Nos solutions sont évolutives. Aujourd’hui, elles surveillent la température, pression et l’usure pneu. Demain, ce sera la charge, l’état de la route et l’efficacité énergétique », poursuit Arnault Mercier qui prédit : « Données de freinage, accélération, virages… nous travaillons sur des capteurs virtuels qui vont déduire les phénomènes et reconstituer l’information grâce à l’intelligence artificielle, notre connaissance des usages et la science du véhicule. »