Seuls 15 % des véhicules lourds ne présentaient aucune défaillance à l’issue de leur contrôle technique annuel en 2023. En déduire que le parc de porteurs, tracteurs et remorques français est dangereux est erroné toutefois. Sur les 85 % des véhicules avec défaillance, plus de 74 % ont obtenu un résultat « favorable » avec une défaillance qualifiée de « mineure », selon les données de l’Organisme technique central Utac. Au nom et sur délégation du ministère des Transports, ce dernier recueille et analyse les résultats des contrôles, surveille le fonctionnement des centres et s’assure de l’homogénéité des contrôles et de la collecte des informations sur l’état du parc automobile français.
Si dans la majorité des cas, le véhicule peut repartir et rouler sans être soumis à contre-visite, la vigilance reste de mise. Près de 11 % des contrôles techniques périodiques se soldent en effet par des résultats « défavorables » ou « non conformes ». Parmi eux, des défaillances « majeures » sont identifiées dans environ 9,2 % des cas et pis, « critiques » dans près d’1,8 %. Pour mémoire, la défaillance « majeure » relève un risque pour la sécurité et l’environnement. Le véhicule est autorisé à circuler et doit faire ses réparations avant sa représentation ou contre-visite dans les deux mois. Dans le cas d’une défaillance critique, qui identifie un risque avéré pour la sécurité routière, le véhicule est interdit de rouler le jour même. Réparé, il doit se représenter pour une contre-visite sous un mois. Compris entre 10 et 11 %, les résultats « non conformes » sont stables depuis plusieurs années.
Les réseaux Dekra et Autovision ainsi que les centres non rattachés à ces réseaux, tels qu’Unitech et CMPL, confirment que le parc de porteurs, tracteurs et remorques français est en bon état. Un constat dressé sur la durée selon Rémi Courant : « La stabilité du nombre de contre-visites le prouve alors que chez les particuliers le taux de non-conformité est supérieur à 20 % ». Pour le directeur technique et qualité du réseau Dekra, « les transporteurs sont des professionnels qui ne transigent pas avec la sécurité routière ». La flotte est également « plus jeune grâce au renouvellement plus fréquent des véhicules moteurs et le développement du leasing. Même les remorques, dont la moyenne d’âge est plus élevée, sont mieux entretenues et restent des matériels de qualité jusqu’à 10 voire 15 ans », rejoint le directeur des opérations d’Autovision PL, Thierry Heurtebize. Les centres « non rattachés » expriment le même avis : « Le leasing est de plus en plus répandu et améliore la qualité du parc roulant. Globalement, il y a moins de poids lourds dangereux sur la route », affirme Geoffrey Musialski, responsable d’Unitech, filiale du groupe Bils-Deroo spécialisée dans le contrôle technique à la tête de 4 centres dans le Nord (59) et le Pas-de-Calais (62). « La tension d’approvisionnement de certaines pièces détachées conduit aussi parfois les transporteurs à supporter une contre-visite dans l’attente de la pièce », souligne Sébastien Amossé, directeur du groupe CMPL animant 13 centres techniques en Normandie, Bretagne et Pays de Loire.
Plus de 83 % des contrôles techniques périodiques réalisés l’an passé sur des véhicules lourds, ont concerné des matériels motorisés ou non destinés au transport de fret. À l’instar des résultats « non conformes », les mêmes défaillances imposant une contre-visite réapparaissent chaque année. Sur les 14 fonctions contrôlées, celles liées aux équipements de freinage sont les plus fréquentes avec, en particulier, « un déséquilibre notable des performances et/ou une efficacité insuffisante du frein de service », selon l’OTC-Utac. Les feux avec les dispositifs réfléchissants et les équipements électriques arrivent en deuxième position. Sont notamment constatées « une mauvaise orientation d’un feu de croisement et des sources lumineuses défectueuses ou absentes ». Suivent ensuite les défaillances sur la fonction « Essieux, roues, pneus et suspension » avec « une mauvaise attache d’un composant, ressort ou stabilisateur au châssis ou à l’essieu ».
Ces défaillances concernent aussi bien les véhicules motorisés ou non. Pour quelques fonctions cependant, des défaillances fréquentes sont relevées sur des points précis. Tel est le cas, par exemple, des systèmes OBD indiquant un dysfonctionnement en opacité. Épinglés aussi, l’état des véhicules qui ne permettent pas la vérification des points de contrôle et l’absence, ou la non-conformité, du certificat d’inspection détaillée ou du procès-verbal d’épreuve des réservoirs pour gaz compressé (GNC). Les statistiques de l’OTC-Utac montrent enfin des défaillances dues « à une usure excessive des articulations de la timonerie de direction ».
De l’aveu des gestionnaires de centres techniques, la plupart des défaillances relevées à l’issue des contrôles pourraient être évitées. Sans parler de la valise « diagnostic » qui permet de lever le défaut sur le système OBD (sans résoudre le problème), un simple tour du véhicule « permet de vérifier la fixation d’un feu de croisement et des sources lumineuses défectueuses ou absentes », assure Rémi Courant de Dekra. Cela aurait pu éviter près de 3,7 % des 95 977 contre-visites passées en 2023 ! « Certains modèles de phares se ternissent plus rapidement que d’autres, au bout de deux à trois ans. C’est un problème de conception sur lequel les transporteurs doivent être vigilants », prévient Sébastien Amossé de CMPL. Si le défaut de charge aux deux tiers peut être résolu sur place, soulignent tous les centres, un rapide contrôle des documents à présenter aurait évité plus d’1 % des contre-visites l’an passé. Sauf à avoir un banc de contrôle à disposition enfin, « il est plus difficile de vérifier la performance des freins », reconnaît Thierry Heurtebize. « Une solution est de procéder à un contrôle volontaire avant le contrôle technique périodique obligatoire dans le cadre d’une action préventive et non d’un acte commercial », suggèrent plusieurs gestionnaires de centres.
Au-delà des investissements à consacrer en formation et en équipements, la transition énergétique est vécue comme une évolution positive améliorant les conditions de travail dans les centres. « La lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et atmosphériques est un enjeu sanitaire dans les centres techniques. La transition énergétique contribue à y réduire la pollution », souligne Thierry Heurtebize.
S’agissant des motorisations au gaz et au biogaz, les points de contrôle spécifiques semblent acquis ainsi que certains équipements particuliers, comme les détecteurs de fuites à rechercher sur le circuit d’alimentation du gaz compressé, du réservoir au moteur. Pour l’électrique, l’habilitation B2XL est requise. Pour cette énergie, l’enjeu concerne en effet la formation des contrôleurs autour de points spécifiques à contrôler, dont les circuits et câbles, soumis à l’habilitation B2XL. En plus de cette qualification, des « EPI » et outils ad hoc sont mis à leur disposition, comme les multimètres. Pour les deux réseaux Dekra et Autovision, qui interviennent depuis longtemps sur les véhicules au gaz et électriques pour le transport de personnes, « la transition énergétique dans le transport routier de marchandises est une nouveauté sans l’être. Cela fait de nombreuses années que nous procédons à des contrôles techniques sur ces motorisations », indique Rémi Courant de Dekra. D’un âge moyen plus récent en règle générale, les motorisations au gaz et électriques ont des taux de contre-visite plus faibles, rapportent les gestionnaires de centres. Ces flottes utilisant des énergies alternatives au diesel sont aussi plus ou moins nombreuses selon les zones géographiques et/ou la proximité de grandes agglomérations. Quant à l’utilisation des biocarburants, tels que B100 ou HVO, ils n’auraient aucun impact sur le déroulé et les résultats des contrôles techniques.
Européenne puis transposée en droit national, la réglementation relative au contrôle technique et aux qualifications associées « n’évolue pas aussi vite que les technologies énergétiques et les innovations techniques », constate Thierry Heurtebize d’Autovision, citant le cas de l’hydrogène. Bien que marginaux en nombre, les véhicules à hydrogène sont eux aussi soumis au contrôle technique et à l’habilitation B2XL. « Sur environ 150 000 contrôles techniques périodiques réalisés sur des véhicules lourds motorisés au premier semestre, 37 avaient une motorisation à hydrogène », confirme Rémi Courant confiant la création d’un nouveau module de formation pour les poids lourds rétrofités hydrogène.
Depuis octobre 2021, la Commission européenne a lancé la révision du paquet « Sécurité routière » composée de trois directives, dont celle relative au contrôle technique (n° 2014/45). Avec un renforcement probable des contrôles appliqués aux énergies alternatives au diesel ainsi qu’en matière d’émissions polluantes, « de nouvelles méthodes de test des fonctions avancées de sécurité (ADAS, Advanced driver assistance systems, ndlr) sont envisagées », partage Karine Bonnet, directrice générale du réseau Dekra en France. « Compte tenu du développement rapide des innovations, plus présentes et plus intrusives dans les véhicules, il est urgent que le contrôle des systèmes d’assistance automatisée à la conduite soit renforcé », abonde Thierry Heurtebize, directeur des opérations d’Autovision. Actuellement, les contrôles permettent de s’assurer du fonctionnement des systèmes d’assistance au freinage (ABS) et de stabilité (ESC). La directive 2014/45 révisée devrait être publiée en 2025 ou 2026. « Les professionnels du contrôle technique PL participent à cette révision et à ses enjeux en matière de formation par le biais de réunions et d’échanges réguliers avec l’OTC-Utac », précise-t-il.
En 2023, les contrôles techniques des véhicules lourds ont porté sur 14 fonctions. Elles rassemblent 207 points de contrôle pouvant conduire à 847 défaillances dont 78 % soumises à contre-visite : « majeures » pour 478 d’entre elles et « critiques » pour 180. Le faible nombre de défaillances qualifiées de « mineure » confirme que le parc de véhicules lourds français est dans un bon état. L’an passé, 74 % des matériels ont obtenu un résultat « favorable » avec des défaillances « mineures »… ne représentant que 22 % des défaillances possibles à l’issue d’un contrôle technique périodique.