La loi Climat et résilience puis la stratégie nationale du fret ferroviaire, parues à l’été 2021, prévoient un doublement de la part du rail. Laquelle passerait de 9 à 18 % dans le transport de marchandises en France, entre 2020 et 2030. Le combiné rail-route est le principal levier pour y parvenir. « Doubler la part du rail suppose un triplement des trafics rail-route, d’ici à 2030 », a rappelé, le 1er juin, Ivan Stempezynski, président du Groupement national des transports combinés (GNTC). « Ce triplement peut être réalisé avec une croissance moyenne des trafics de 12 % par an. » Sur les deux dernières années, ce taux moyen a été atteint avec des hausses de l’ordre de 15 % en 2021, puis de 9 % en 2022, en tonnes-kilomètres.
Pour tenir la cadence, l’offre et la demande doivent coïncider sur le marché du combiné rail-route. Côté offre, plusieurs assurances ont été données le 1er juin. Le ministre chargé des Transports, Clément Beaune, a confirmé ses annonces du 23 mai dernier. Soit « un plan d’investissement en faveur du fret ferroviaire de 4 Mds€ jusqu’en 2032 et l’augmentation du soutien financier, à l’exploitation des services de fret, de 170 à 200 M€ par an jusqu’en 2030 ». Ce soutien prévoit, par exemple, que l’aide « au coup de pince » passerait de 27 à 47 M€ par an. Quant aux chantiers multimodaux, ils bénéficieraient de 600 M€ sur les 4 Mds€ indiqués. Pour Ivan Stempezynski, « ces engagements donnent de la visibilité. Ils permettent aux opérateurs combinés, aux entreprises de transport routier et ferroviaire ainsi qu’aux chargeurs de se projeter ».
Cheville ouvrière dans la mise en œuvre d’une offre rail-route robuste, SNCF Réseau a partagé plusieurs indicateurs encourageants. « Sur les trois dernières années, le nombre de sillons fret a augmenté de 56 %. Le taux de conformité, soit l’adéquation entre l’offre et la demande de sillons par les opérateurs, est de 75 % aujourd’hui », a affirmé Isabelle Delon, de la direction générale Clients et Services de SNCF Réseau. Le gestionnaire du réseau ferré constate aussi le développement de nouveaux services combinés et le renforcement de ceux existants.
Ces indicateurs, services et engagements financiers sont de nature à rassurer et à susciter la demande sur le marché du transport combiné. Selon Nicolas Crepel, responsable des opérations transport aval de Leroy Merlin, et Thomas Wilson, directeur général des Transports Labouriaux (71), « la demande des chargeurs est là ». Pour la soutenir, plusieurs programmes d’aides ont été créés dans le cadre des certificats d’économie d’énergie en outre. Les transporteurs routiers sont éligibles à la plupart de ces programmes, à l’image de Remove, lancé fin 2022, pour promouvoir le report modal.
Pour renforcer cet environnement favorable au rail-route, des éclaircissements sont encore attendus sur plusieurs dossiers. À commencer par l’expérimentation du 46 tonnes pour ses pré et post-acheminements. Ce test se heurterait à l’opposition des gestionnaires de voiries, craignant une dégradation de leurs infrastructures par des camions plus lourds. Un autre dossier concerne l’énergie électrique, utilisée pour la traction des trains, dont le coût est très volatil. Les opérateurs combinés et entreprises ferroviaires demandent un tarif plafonné, en plus de la possibilité, déjà acquise, de résilier leurs contrats de fourniture d’électricité auprès de SNCF Réseau.
Plus difficiles sont à prévoir les suites et conséquences sociales, sur la qualité de service du réseau ferré, qu’aura la réorganisation de Fret SNCF proposée par l’État le 23 mai. Seule certitude, lorsqu’un transporteur routier intègre le rail-route dans son offre commerciale, cette proposition doit s’accompagner de la promesse de mettre un camion sur la route en cas de blocage sur le réseau ferré.