Toutes les entreprises de plus de 50 salariés ont, depuis cette année, l’obligation de calculer et de publier avant le 1er mars, leur index égalité. Celles dont l’effectif dépasse 250 personnes y étaient déjà soumises depuis un an. « Il a fallu beaucoup expliquer », témoigne Claire Morandeau, consultante spécialisée, mandatée pour cela par l’Opco Mobilités Auvergne-Rhône-Alpes avant l’échéance légale. « Certains transporteurs imaginaient qu’on allait leur demander des choses impossibles, comme atteindre la parité des effectifs, poursuit-elle. D’autres pensaient qu’avoir conclu un accord sur le sujet les exonérait d’avoir à calculer l’index. » Erreur… Les deux sont obligatoires et, en cas d’index inférieur à 75/100, un plan d’actions correctrices, renforçant ou complétant celles de l’accord, doit rectifier le tir dans les trois ans. « C’est comme quand on passe le bac, illustre Claire Morandeau, il y a un rattrapage possible. De même, comme on peut avoir son bac en ayant 0 en philo mais 20 en maths, l’index est une moyenne sur quatre critères, cinq pour les plus grandes entreprises. » La société Breger (Laval) a par exemple obtenu 85 sur 100, malgré une « note » de 0/10 pour la proportion de femmes parmi les dix plus hautes rémunérations : « Ce n’est pas un manque de volonté, explique Mélanie Coupé, DRH de l’entreprise. Quand on a une candidature de femme pour un poste de direction d’agence, on la rencontre systématiquement. Mais il y en a très peu et souvent, elles renoncent. » Un enjeu qui concerne les PME comme les grands groupes : pour Dominique Podesta, DRH de Heppner (index de 89 sur 100), « les enjeux principaux sont d’attirer des femmes et d’avoir la capacité à valoriser leurs compétences en leur donnant des responsabilités ».
L’index a été ainsi conçu pour pousser les entreprises à se poser des questions. Le groupe Kuehne+Nagel, par exemple, est passé d’un bon index (89) en 2019 à un très bon (94) en 2020 après avoir repéré des points d’amélioration : « Nous avons par exemple intégré trois nouveaux profils féminins dans le top management, explique Hervé Gnoni, DRH du groupe en France. Plus globalement, l’action la plus efficace est de former les équipes RH à recruter sans discrimination. Ceci étant valable aussi pour la promotion interne, nous allons former également tous nos managers. »
L’égalité salariale pour l’ensemble de l’effectif est l’indicateur qui donne le plus de points dans le calcul de l’index. Il peut paraître étrange de vérifier ce point pourtant obligatoire et très encadré, comme l’est d’ailleurs l’octroi aux femmes revenant de congé maternité des augmentations collectives ayant été décidées en leur absence. Le calcul de l’index permet cependant de vérifier que lediable se cache bien dans les détails.
Cette égalité salariale est évaluée par classes d’âge et par catégories socioprofessionnelles (CSP). « Mais avec les CSP, on mélange des populations, explique Mélanie Coupé. Conducteurs et caristes, par exemple, peuvent être dans la même catégorie. » Claire Morandeau ne s’en émeut pas : « On peut aussi se demander pourquoi, au sein d’une même CSP, toutes les rémunérations les plus basses sont celles de femmes… C’est-à-dire mener l’enquête, en interne, sur les possibilités qu’elles ont d’accéder aux missions ayant les meilleures rémunérations. » Mais le calculateur permet aussi, à condition de le négocier avec les représentants du personnel, de faire des sous-catégories, par exemple en fonction des catégories propres à l’entreprise ou par coefficients de grilles de salaires. Le résultat peut être différent selon la méthode retenue : RRH du groupe TCP (Troyes), qui publiait cette année pour la première fois les index de ses trois sociétés, Martine Freulet a fait des essais depuis 2019… jusqu’à revenir aux CSP : « C’est sans fin, parce que par ailleurs, il faut avoir un nombre suffisant de salariés de chaque sexe dans chaque catégorie pour que cela soit calculable. »
Un résultat – « incalculable » – que certains transporteurs ont pu obtenir pour l’index égalité global. « Il faut quand même envoyer ce résultat à la Direccte, prévient Claire Morandeau, et l’obligation de plan d’action reste. » Parce qu’on peut toujours s’améliorer : aucune entreprise n’affiche un index égalité de 100/100. « Depuis un an, nous avons été plus attentifs sur les augmentations individuelles », explique Hervé Gnoni, satisfait d’avoir vu ainsi l’index de Kuehne+Nagel augmenter. « Quand on conduit des actions vertueuses, ajoute-t-il, on doit en voir le résultat : l’index égalité en est un. »