Une chute historique de la demande

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Peu d’activité économique, c’est moins de camions sur les routes, donc moins de pneus à remplacer. En tant que fournisseurs des transporteurs, les manufacturiers ont une activité indexée à celle de leurs clients. Les ventes de pneumatiques reproduisent ainsi fidèlement les soubresauts inédits de la demande de transport. Après un effondrement historique, les ventes de pneus PL sont reparties quand les transporteurs ont repris la route. Le secteur du pneu PL est loin d’être celui qui souffre le plus de la crise sanitaire. Celui des pneus d’avions commerciaux est dans une situation bien pire !Dossier réalisé par Loïc Fieux

Dans le sillage de l’activité transport, les ventes de pneus PL ont connu un effondrement historique de leurs ventes au premier semestre. En avril 2020, au pire de la crise, les ventes françaises de pneus PL de rechange ont chuté de – 55 % par rapport à avril 2019. Sans surprise, l’étude par secteurs confirme que les pneus qui équipent les véhicules utilisés pour la distribution alimentaire, la logistique de la santé ou la chimie n’ont subi qu’une baisse limitée de leurs ventes. En revanche, le secteur de la construction a ressenti la crise de façon plus brutale.

Les données de la télématique Webfleet (Bridgestone) permettent d’évaluer les distances parcourues par les véhicules et l’impact de la crise sur elles. À leur sujet, Julien Clair, responsable poids lourd chez Bridge-stone, déclare : « Nous savons ainsi qu’au pire de la crise, pendant la semaine 13, l’activité transport était en baisse de -63 % pour les kilomètres parcourus. Elle l’était de -16 % au cours de la première semaine de déconfinement. » Ces chiffres ne reflètent pas le manque de fret de retour auquel les transporteurs sont confrontés. « Avant la crise, le marché était dynamique, déclare Viviana Esposito, responsable marketing de la division des pneumatiques industriels de Good-year. Nous observons des signaux encourageants de reprise graduelle depuis mai. » Depuis la semaine 24, les kilométrages sont proches de la normale selon les données Webfleet.

En Europe, Turquie comprise, les ventes de pneus PL première monte sont en recul de 34 % alors que la rechange chute de 16 % au cours du premier semestre 2020, comparé à la même période de l’année précédente. Le rebond est très net en août 2020 avec des ventes des manufacturiers aux distributeurs (sell in) en progression de 20 % par rapport à août 2019, après un mois de juillet en recul de 17 %, comparé à l’année précédente.

À l’échelle mondiale, le marché du pneu PL exprimé en nombre de pneus neufs (première monte et remplacement), est en recul de 18 % au cours du premier semestre 2020. Les ventes de pneus de première monte baissent de 15 % sur la période. Elles résistent mieux que celles des pneus de remplacement dont les ventes s’effondrent de 19 %. Le rebond des ventes a été très net en Chine dès le deuxième trimestre avec une progression de 45 % tandis que le reste du monde se confinait et suspendait les activités économiques non immédiatement indispensables. Schématiquement, les comportements des marchés européen et chinois sont décalés d’un trimestre quant aux effets commerciaux de la crise sanitaire. Toujours à l’échelle mondiale, les pneus PL ont représenté pour Michelin un chiffre d’affaires de 3,14 milliards d’euros au premier semestre 2019, contre seulement 2,411 milliards d’euros au premier semestre 2020. Sur la période, la baisse est de 23,3 % en chiffre d’affaires et de 25 % en volume pour ce manufacturier.

Michelin s’organise face à la crise

Dans les usines Michelin, les règles de distanciation interdisent par exemple le croisement physique des équipes lors des rotations. Cela a eu un impact sur la productivité en réduisant de fait les cadences de production. Pour préserver sa trésorerie, le groupe Michelin a réduit ses investissements d’environ 30 %, soit 500 millions d’euros, « tout en maintenant sa capacité à soutenir des projets innovants et d’efficience » selon son information financière datée du 30 juin 2020. Chez ce manufacturier, un pilotage hebdomadaire de l’équilibre entre offre et demande a permis de garder les stocks sous contrôle. Les mesures d’économie mises en place ont réduit les frais généraux de 192 millions d’euros. Afin d’anticiper le pire, Michelin a procédé à des tests de résistance face à une dégradation profonde et prolongée des marchés. Publiés par le groupe le 29 avril 2020, ils ont été actualisés pour évaluer sa capacité à honorer ses engagements financiers compte tenu de ses sources de financement. Les hypothèses retenues pour le scénario le plus pessimiste sont une diminution de la demande au deuxième semestre 2020 de 20 % suivie d’une reprise à hauteur de seulement 4 % en 2021.

Renouvellement des gammes régionales

En France, 75 % des pneus neufs portent des marques premium. Les pneus régionaux et longue distance représentent trois quarts des ventes avec une forte prédominance des pneus régionaux. Le reliquat correspond aux pneus « chantier » et aux diverses niches. Concentrant l’essentiel de la demande française, les gammes de pneus PL régionaux font l’objet d’améliorations permanentes de la part des manufacturiers premium.

Le 10 septembre, Continental levait le voile sur ses nouveaux Conti EcoRegional disponibles en cinq dimensions pour essieu directeur (modèle HS3 en 315/70, 315/80, 295/80, 385/55 et 385/65 R22.5) et en trois dimensions pour pont moteur (modèle HD3 en 315/70, 315/80 et 295/80R22.5). Ces pneus emploient une nouvelle bande de roulement et un nouveau mélange de gommes afin de réduire à la fois les coûts et la consommation. Le HS3 utilise le nouveau procédé de production Conti Diamond. La géométrie de rainure a été modifiée depuis la génération précédente avec une largeur de lamelle réduite et des rainures en W (en 315/70 et 385/55R22.5) afin d’uniformiser l’usure. L’ajout de lamelles dans les nouvelles nervures apporte des points d’adhérence supplémentaires. Pour sa part, le HD3 conserve la bande de roulement éprouvée de la gamme Conti Hybrid Gen 3. Sa nouveauté réside dans l’utilisation d’un composé innovant issu de la technologie Conti InterLock, qui améliore encore le compromis entre performance kilométrique et faible résistance au roulement pour les applications régionales et « grand régional » qui caractérisent l’activité de nombreux transporteurs français. Déjà largement déployée dans les dimensions 315/70-R22.5 et 385/65-R22.5, la gamme régionale Michelin X Multi est certifiée 3PMSF même lorsqu’il ne reste que 2 mm de profondeur dans les sculptures. Elle peut être recreusée et rechapée, comme tous les pneumatiques Michelin destinés aux poids lourds. Afin de s’adapter précisément aux besoins des transporteurs, les X Multi existent en versions Energy afin de réduire la consommation, HD (heavy duty) pour les utilisations exigeantes, et HL (heavy load) pour les fortes charges. Cette catégorie s’élargit avec l’arrivée des nouveaux HLZ (toute position) et HLT (remorque) en 385/65-R22.5. Le HLZ offre une capacité de charge augmentée et autorise 10 t sur un essieu directeur. Son potentiel kilométrique progresse de 30 % par rapport à son prédécesseur selon le manufacturier. La charge admissible par le HLT gagne, quant à elle, 1 tonne. La bande de roulement du HLT intègre les technologies Michelin Regenion et Carbion pour une plus grande longévité et une moindre résistance au roulement. Ce pneu apporte jusqu’à 25 % de potentiel kilométrique supplémentaire par rapport à son prédécesseur. Les évolutions des X Multi ne sont pas limitées aux seuls pneus pour très fortes charges par essieu. Le X Multi Z (essieu directeur, ou toute position) profite d’un potentiel kilométrique augmenté de 15 % par rapport à son prédécesseur. Il s’appuie sur les technologies Regenion, Forcion et Infinicoil. Le X Multi D (essieu moteur) gagne quant à lui 10 % de potentiel kilométrique et recourt aux technologies Powercoil et Regenion.

Après avoir lancé en 2018 sa nouvelle gamme longue distance Ecopia optimisée pour réduire la consommation, Bridgestone met en avant sa gamme régionale Duravis R002. Révélée en septembre 2019, elle s’est étoffée en 2020 par l’ajout de dimensions complémentaires. La gamme Duravis devient pour Bridgestone un moyen de simplifier son offre. Elle comportait auparavant six lignes de produits pour les applications routières. Il n’y en aura bientôt plus que deux avec Ecopia 2 pour la longue distance sur autoroute et Duravis pour le régional.

Pour convaincre, Bridgestone, prend un engagement kilométrique et s’engage ainsi à un gain de 10 % par rapport aux pneus actuels du transporteur. Cette offre est valable jusqu’au 31 décembre 2020 et ne concerne que les entreprises de transport dont le parc de véhicules compte moins de 20 % de pneus de marque Bridgestone.

Un pneu toujours plus connecté

Dans bien des cas, les manufacturiers réservent leurs bouquets de services (y compris numériques) à leurs seules marques premium. De façon surprenante, tous les services Michelin sont accessibles à toutes les flottes, qu’elles utilisent des pneus Michelin ou leurs concurrents. Officiellement, seul le service Effitires de Michelin est réservé aux seuls pneus Michelin neufs et rechapés (Michelin Remix).

Selon Lionel de Septenville, directeur commercial et marketing pneus industriels de Continental, l’année 2020 devrait se terminer avec une baisse de – 9 à – 10 % pour le marché du pneu PL de rechange comparé à celui de 2019. Toujours par rapport à 2019, l’année 2021 devrait être en recul de – 5 %. Selon Julien Clair, le marché ne retrouvera pas son niveau de 2019 avant 2023 ou 2024. Tous les acteurs économiques et politiques ont appris de la crise. La résilience s’est organisée. Même sans vaccin, ni traitement, il est peu probable qu’un nouvel arrêt total de l’activité ait lieu.

Parmi les évolutions à venir du pneu PL, il devra s’adapter à l’arrivée annoncée des PL électriques qui se caractérisent par une importante charge par essieu en raison de la masse de leurs batteries. Le pneu sera amené à être toujours plus connecté afin d’optimiser la gestion du parc pneumatique. Les technologies nécessaires existent chez tous les manufacturiers premium. Il reste à les faire accepter par le marché en les intégrant de manière transparente à tous les outils informatiques et télématiques déjà en place chez les transporteurs. Les pneus ont un rôle prépondérant à jouer pour réduire les émissions de CO2 conformément au règlement UE 2019/1242 qui fixent des échéances en 2025 et 2030.

Quickscan, le scanner à pneus

Installé au sol, chez les transporteurs et dans certaines stations AS24, le scanner Quickscan est un dispositif « drive over reader » (DOR). Il fait penser au système Ventech acquis par Goodyear, mais il utilise une technologie différente. En roulant sur le Quickscan, un véhicule permet au dispositif de récupérer toutes les informations d’usure du pneu. Elles sont ensuite exploitées par un logiciel prédictif. Cette technologie qui concentre 15 brevets Michelin est accessible à travers les offres Tire care et Effitires (outsourcing de la maintenance pneumatique). Le service aux flottes va être développé grâce à l’acquisition des télématiciens par les manufacturiers. Masternaut fait désormais partie du groupe Michelin tandis que TomTom Telematics est devenu Webfleet Solutions en rejoignant Bridgestone. Viviana Esposito ajoute que « Goodyear a plusieurs nouvelles solutions en cours de développement qui s’ajouteront à ses TPMS et DOR afin de décharger les flottes de leur gestion du poste pneumatique ». Chez Bridgestone, le capteur TPMS sera pleinement intégré à la télématique Webfleet au cours du premier semestre 2021.

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