Un état des lieux indispensable

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Il y a cinq ans, un rapport sénatorial alertait sur le mauvais état des ponts français. Depuis, un programme national a été lancé pour recenser et évaluer l’état de ceux des petites communes. Des réfections sont en cours, mais il reste encore à faire.

Le 14 août 2018 en Italie, le pont de Gênes s’effondrait, provoquant la mort de 43 personnes. Une catastrophe qui a vivement marqué les esprits. Elle avait conduit au lancement d’une mission d’information du Sénat, guidée par une question : ce scénario pourrait-il se produire en France ? Les sénateurs avaient décrit une situation alarmante : des édifices vieillissants, mal entretenus, mis à mal par les événements météorologiques liés au réchauffement climatique. Autre facteur fragilisant, le trafic de véhicules non dimensionnés, qui provoquera d’ailleurs une nouvelle catastrophe mortelle en France. Le 18 novembre 2019, en Haute-Garonne, le pont suspendu de Mirepoix-sur-Tarn s’effondre au passage d’un camion de 50 tonnes, alors qu’il ne pouvait en supporter que 19. « Les ouvrages des axes principaux ont été conçus pour supporter le poids de chars militaires, mais les autres sont dimensionnés plus modestement. Lorsqu’il y a une limitation de tonnage, de largeur, hauteur, longueur… cela correspond à sa capacité réelle. En ne la respectant pas, les risques sont importants et les surcharges répétées conduisent à une fatigue de l’ouvrage et à sa rupture prématurée », expose Florence Tibi, directrice projet du programme national ponts du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema).

En l’absence de recensement précis, on compterait en France entre 200 000 et 250 000 ponts. Depuis le rapport sénatorial, un Programme national ponts a été lancé, piloté par le Cerema. « Le constat était que les ponts des petites communes, contrairement à ceux de l’État et des départements, étaient très mal connus. L’objectif du programme est de les recenser et d’obtenir une première évaluation de leur état », expose Florence Tibi. « Avec la décentralisation, beaucoup de gestionnaires n’ont pas pris la mesure de ce qu’il fallait faire, certaines petites communes n’avaient pas connaissance de leur patrimoine, s’il était entretenu… », ajoute Roland Abou, directeur du département des techniques d’ouvrage d’art et directeur de projet du Programme national ponts travaux. Une première partie du plan (de 2021 à 2023) a bénéficié à 11 500 communes volontaires, la seconde (en cours) à 3 269, soit près de 15 000 communes. Le Cerema a déjà recensé plus de 45 000 ponts. 10 % ont nécessité une mesure de sécurité immédiate, dont 4 % pour un grave défaut de structure. Pour la seconde partie du plan, les statistiques s’annonceraient similaires.

55 M€ de l’État

À chaque pont « audité », le Cerema a fourni un carnet de santé de l’ouvrage et des plateformes numériques (notamment SOS Ponts) ont été créées pour accompagner les communes. Une nouvelle partie du plan, le Programme national ponts travaux, a été dotée par l’État de 55 M€ pour financer les travaux de 600 à 800 ouvrages. 10 M€ ont été consommés en six mois. Le 14 mars dernier, lors d’une table ronde sur l’état des ponts gérés par les collectivités territoriales, Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire au moment du rapport sénatorial, pointait : « L’État n’a pas mis les moyens nécessaires. Nous avons obtenu, avec beaucoup de difficultés, quelques dizaines de millions par-ci par-là. On arrive péniblement à 110 M sur la période de 2020 à aujourd’hui, on est très loin des 130 M€ par an que nous demandions dans le rapport1. » Sylvain Laval, coprésident de la commission transport de l’Association des maires de France alertait : « On peut se réjouir qu’il y ait une prise de conscience, des programmes et des accompagnements mis en place. Mais on peut craindre que des petites communes ne s’intéressent pas, faute de capacité, à ces questions. N’oublions pas que plus de la moitié des ouvrages datent d’avant 1950. Le temps fait son œuvre et augmente les besoins1. »

(1) Public Sénat, 15 mars 2024.

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