Stéphanie Grignon-Dumoulin : Je suis effectivement interrogée par ceux qui, ayant eu une baisse d’activité du fait de la pandémie et du confinement, se demandent si cette perte d’exploitation ne peut pas être prise en charge dans le cadre de leur contrat d’assurance. Il s’agit plutôt d’entreprises d’une certaine taille, car les TPE ne prennent en général pas cette garantie. Ceux qui la souscrivent le font souvent parce qu’ils ont une activité logistique. C’est une garantie qui est toujours liée à un contrat garantissant un dommage matériel.
Dans la perte d’exploitation liée à cette crise sanitaire, il n’y a pas de dommage matériel. Très souvent les clauses d’exclusion – c’est-à-dire les cas où la garantie pour pertes d’exploitation ne joue pas – incluent des dommages éventuels causés par des micro-organismes. Les assureurs se raccrochent à ce terme, arguant que le coronavirus est un micro-organisme. Mais l’autorité de contrôle du secteur de l’assurance* est en train de faire un état des lieux des principaux contrats commercialisés sur le marché pour exprimer un avis sur la question.
S. G.-D. : Ce qu’il faut avant toute chose – si ce n’est pas encore fait –, c’est déclarer le sinistre. C’est important, car si cette déclaration intervient tardivement, l’assureur peut mettre en avant une limitation de la garantie. Ensuite, il faut bien vérifier ses polices d’assurance et extensions de garanties. Avec deux questions en tête : est-ce qu’on a souscrit pour couvrir des pertes et quelles sont les clauses d’exclusion. En droit des assurances, ces dernières peuvent être déclarées non valables si elles ne sont pas formelles, explicites, limitées et rédigées en caractères très apparents. C’est à regarder, parce qu’en septembre 2019, une jurisprudence a vu une clause d’exclusion annulée pour ces raisons. Il pourrait y avoir, dans un avenir proche, des discussions sur ces sujets, voire des contentieux.
S. G.-D. : Dans le cas de grèves et de blocages de ce type, il n’y a pas non plus de dommages matériels. Cependant, la situation n’est pas comparable. On s’est alors plus demandé s’il s’agissait de cas de force majeure exonérant le transporteur de sa responsabilité dans le cadre du contrat commercial qui le lie à son donneur d’ordre. Cette notion de force majeure est bien définie par le code civil et par la jurisprudence, et a même encore été précisée en 2016 : elle s’applique à un événement qui rend l’exécution du contrat absolument impossible.
Cela s’apprécie au cas par cas. En l’occurrence, les blocages de Gilets jaunes pouvaient être évités en modifiant son plan de transport. Il n’y a donc pas eu de contentieux. Comme dans la crise sanitaire actuelle, le transporteur et son client sont en fait tous les deux victimes de la situation.
S. G.-D. : Le plus souvent, les affaires concernent l’assurance responsabilité civile, prévue pour prendre en charge un sinistre sur les marchandises pendant leur prise en charge par le transporteur. Il y a une vingtaine d’années, les assureurs étaient plutôt des partenaires des entreprises, mais ils sont à présent devenus plus commerçants et ont tendance à se rétracter plus souvent. Il y a fréquemment problème lorsqu’un contrat commercial est rédigé de manière un peu confuse ou inadaptée. Ou quand le transporteur n’a pas transmis ce contrat commercial à son assureur, alors que celui-ci garantit aussi les clauses contractuelles. Il faut toujours faire valider un contrat commercial par son assureur ou son courtier. Cela dit, la tendance globale est à une diminution du contentieux transport. D’une part, parce que les compagnies d’assurance sont moins nombreuses, et d’autre part parce que la jurisprudence, en précisant la définition de la faute inexcusable – qui peut exonérer le transporteur de sa responsabilité – a rendu celle-ci beaucoup plus difficile à démontrer. Auparavant, c’était là le principal sujet de contentieux, mais les compagnies s’y engagent désormais peu.