L’orientation vers des filières en apparence peu attractives ou des métiers en tension est aujourd’hui un sujet majeur, notamment dans le transport. Afin de rendre plus séduisants les métiers du secteur, des initiatives émergent ici et là. C’est le cas au sein de l’AFT Transport & Logistique qui mise notamment sur une pédagogie innovante.
Exemple avec le projet e-ManTRA qui vient d’arriver à son terme, trois ans après son lancement dans le cadre du programme Erasmus+. Ce projet vise à favoriser la digitalisation des formations, à répondre à la situation générée par la Covid-19 et à se préparer à l’éducation numérique. « En effet, pendant la crise sanitaire, nous nous sommes rendu compte que les enseignants n’étaient pas outillés pour dispenser des formations à distance », introduit Valérie Castay, directrice du département Études et Projet de l’AFT, précisant que l’objectif est de « produire des ressources pour les exploitants de transport et permettre l’hybridation des formations (Bac Pro et Bac +2) pour assurer l’enseignement à distance et l’apprentissage en ligne ». Ce projet a donné naissance à des guides de pédagogie mis à disposition en ligne sur le site Internet de l’AFT, dans le but d’aider les enseignants et formateurs en transport et logistique à faire face aux difficultés et obstacles liés à l’apprentissage en ligne, en trouvant un format, des méthodes et outils numériques adaptés à leurs besoins en formation, « leur faire toucher du doigt des pédagogies innovantes » mais aussi « les aider à dispenser des formations en mode hybride ». C’est une manière de « rendre les formations plus ludiques », de proposer « un espace structuré pour que les apprenants travaillent à distance » et de « renouveler les opportunités de travail en mode collaboratif entre les apprenants ».
Un guide pour les élèves et étudiants a également été développé avec un quiz pour identifier leurs points forts et leurs points faibles. « L’apprenant peut ainsi s’auto-évaluer par rapport à sa capacité à apprendre à distance, à s’auto-motiver, à rester concentrer… » À la clé : « Des conseils adaptés aux résultats du quiz, des points de vigilance et des recommandations pour mieux vivre les formations à distance. » Objectif : « éviter le décrochage scolaire », poursuit Valérie Castay. Selon qui une approche ludique et pédagogique est un vrai plus pour attirer les jeunes vers les métiers du transport et de la logistique. L’AFT mise donc en parallèle sur des nouvelles technologies pour proposer une approche immersive et attractive grâce à des outils numériques qui résonnent auprès des publics visés. « Les jeunes sont toute la journée sur leur Smartphone. Il serait donc dommage de se priver de cet outil en formation », est-elle d’avis.
En parallèle, trois ressources numériques ont été développées : une plateforme virtuelle, disponible sur le site de l’AFT, pour travailler en groupe avec les autres apprenants et « créer de la participation et des échanges » ; un jeu pédagogique pour réviser la réglementation sociale européenne (temps de conduite et de repos, douanes…). « Il s’agit d’un jeu de cartes numérique qui se pratique en individuel ou à plusieurs. Pour avancer dans le jeu, il faut répondre à des questions. » Et, enfin, un escape game en ligne (« Sceller l’affaire ») qui propose une immersion au cœur de l’exploitation. « Les apprenants ont une heure maximum pour répondre à un appel d’offres d’une cliente qui souhaite une prestation de services de qualité, tout en réduisant l’empreinte carbone de l’opération, avec un budget serré. »
Autre projet qui adopte cette approche ludique : Susmile. Initié voilà deux ans par le Cluster Mobilité et Logistique (CML) et cofinancé par le programme Erasmus +, ce projet, en phase finale, vise à développer des contenus de formation sur la livraison durable du dernier kilomètre. Le résultat final prend la forme d’un MOOC composé de modules d’e-learning (62 capsules de formation), de contenus évolutifs et d’un jeu pédagogique de mise en situation. Objectif : « faire comprendre aux jeunes comment une entreprise de transport positionnée sur la livraison urbaine fonctionne », explique Valérie Castay.
Toujours dans le même esprit de gamification, l’AFT travaille actuellement sur un autre projet nommé GamingDRV, dont le but est de développer une série de modules pour une formation virtuelle gamifiée des conducteurs et d’élaborer des éléments d’apprentissage par le jeu, qui seront disponibles dès l’année prochaine.
Autre projet pour favoriser l’hybridation et la gamification des formations : Deffi-TL. Cette démarche, développée sur trois ans, a démarré en janvier dernier. Elle repose sur dix actions. Trois d’entre elles utiliseront, par exemple, la réalité augmentée. Une autre proposera une expérience immersive dans un entrepôt logistique. « Les premiers scénarios seront testés à la fin de cette année avec un déploiement à partir de début 2024. »
Pour faire face aux enjeux du secteur (recrutement, vieillissement…), l’AFT agit sur la formation mais aussi sur l’emploi. Pour favoriser le recrutement et le maintien dans l’emploi de travailleurs handicapés, l’organisme a ainsi imaginé les outils Handi Pro (fiches pédagogiques et guide méthodologique). Dans la continuité, il a lancé en décembre 2022 (pour un an) le projet ConduiTH au féminin. Ici, l’objectif est de « convaincre des femmes en situation de handicap de leur aptitude à occuper un poste dans le secteur du transport et de la logistique en dépit des idées reçues ». Pour ce faire, des parcours immersifs sont organisés pour découvrir les différents métiers et tester leur capacité à intégrer les entreprises du secteur. Au programme : 10 semaines d’ateliers collectifs, d’entretiens individuels, de visites d’entreprises et de plateaux techniques. 40 femmes suivent actuellement ces formations gratuites, pour l’heure uniquement dispensées en Nouvelle-Aquitaine.
Une autre piste pour améliorer l’attractivité du secteur : faire du recrutement « différemment », notamment pour attirer des publics éloignés de l’emploi. « Face à de fortes tensions au recrutement, nous cherchons à intéresser à nos métiers des personnes qui n’y pensent pas forcément », poursuit Valérie Castay. Dans le cadre d’une convention signée avec l’Apels (agence pour l’éducation par le sport), l’AFT organise des « match-job », des activités sportives qui mêlent des recruteurs et des jeunes issus des quartiers prioritaires de la ville « pour briser les clichés et créer de la rencontre », conclut-elle.