Au début des années soixante-dix, alors que commençait à émerger une nouvelle demande en matière de logistique industrielle, les opérateurs de transport étaient confrontés à une pénurie d'implantations de stockage due à l'absence de plates-formes dédiées correspondant à leurs besoins en matière de distribution. En créant, en 1967, à Rungis, près du marché-gare et d'Orly, la première plate-forme multimodale dédiée aux transporteurs pour optimiser les livraisons dans Paris, Sogaris entendait répondre à cette demande. Même démarche pour Garonor qui s'implantait à proximité de Roissy.
Depuis, on a bien failli basculer dans l'excès inverse. Projets publics et réalisations privées se sont quelque temps télescopés. L'ouverture du Marché unique, en 1993, a agi comme un catalyseur, chaque région se découvrant - de façon généralement légitime - une position stratégique « au carrefour des grands axes de circulation ».
La situation géographique de la France, il est vrai, en sa qualité de plaque tournante des flux entre l'Europe du Nord et du Sud la plaçait en position privilégiée et chaque région, à condition qu'elle soit bien desservie par le réseau autoroutier, reliée au réseau ferroviaire, à proximité d'un aéroport ou d'un port, lui-même relié par un canal, pouvait prétendre au rôle de « plate-forme ». De Lille à Perpignan, en passant par Marseille, Lyon et Paris, toutes les grandes métropoles se sont dotées de plates-formes logistiques.
Cette frénésie s'est maintenant quelque peu ralentie d'autant que les grands groupes de transport routier qui se sont diversifiés en proposant des prestations logistiques ont maillé le territoire de leurs propres implantations, sur des sites privatifs. Les dix premiers opérateurs logistiques français disposent à eux seuls aujourd'hui de près de 8 millions de mètres carrés de surfaces d'entreposage, dont près de 2 millions pour Géodis Logistique, autant pour Stef-TFE, près d'un million pour Norbert Dentressangle et Hays Logistique, etc.
Leurs implantations sont situées, en général, à proximité des grands centres de consommation ou de production (Lille, Lyon, Marseille, Strasbourg, Paris), mais également aux carrefours des axes de transit, notamment la région d'Orléans qui est apparue particulièrement bien placée et vers laquelle ont convergé les principales enseignes du transport.
Devant la floraison d'une telle quantité de zones logistiques, de nombreuses organisations dressent aujourd'hui des mises en garde. Il faut éviter, maintenant, la dispersion.
Ainsi, dans son mémoire destiné à guider l'Etat dans ses choix pour l'élaboration des schémas de services transport, le Conseil National des Transports attire l'attention des pouvoirs publics sur « les fausses solutions » que risquent de proposer les Régions dans leurs demandes d'infrastructures. Il cite, notamment, les projets de plates-formes logistiques. Le CNT recommande à l'Etat de faire preuve d'une grande vigilance et, avant d'avaliser les projets, « d'évaluer la rentabilité par rapport à des solutions alternatives ». D'éviter, en particulier, des projets, sur des sites faibles en trafic, « qui ne répondent pas à la demande des professionnels du transport et qui pourraient bloquer le lancement d'opérations qui paraissent plus modestes mais qui pourraient être plus pertinentes et moins onéreuses ».
Alors qu'elles avaient été pratiquement oubliées dans les précédents schémas, en matière logistique, le rôle des plates-formes portuaires pourrait être appelé à se développer. D'une part, parce que si le mode routier est largement dominant en transport terrestre, le transport maritime, en tonnage, assure néanmoins, la moitié du commerce extérieur du pays. D'autre part, bon an mal an, les ports voient transiter près de 300 millions de tonnes et les échanges avec les pays tiers, hors Europe, continueront de se développer.
Partant de l'expérience des grands ports européens du Nord (Rotterdam et Anvers) et du Sud (Barcelone, Gênes) qui sont devenus de grandes plates-formes logistiques, la Direction des Transports Maritimes et des Ports estime que les ports français ont également un atout à jouer. Et c'est vrai que les ports disposent de la plupart des avantages nécessaires pour accueillir des zones logistiques : position géographique au carrefour des grandes lignes maritimes, espaces disponibles, accès nautiques de qualité, généralement bien desservis par des routes, le réseau ferroviaire et, pour certains, par des voies navigables, quoique de nombreux usagers, notamment les professionnels routiers, jugent les accès terrestres insuffisants. C'est la raison pour laquelle une meilleure desserte des ports - et des aéroports - est également inscrite parmi les priorités qui sont demandées à l'Etat.
Leur handicap majeur serait leur fiabilité « sociale ». C'est ce qui est ressorti d'un colloque qui s'est tenu en janvier regroupant un large éventail d'utilisateurs. Les transporteurs opérateurs en logistique s'accordaient à reconnaître que la qualité du service était un élément fondamental dans le choix d'une plate-forme. En la matière, les ports seraient plutôt des zones à risques.
Néanmoins, de grands projets logistiques sont en cours à proximité des grands ports. La première tranche de Clesud, initiée par la Chambre de Commerce de Marseille, et implantée à proximité de Distriport, la plate-forme portuaire, reliée par rail au terminal conteneur de Fos et à la gare de triage de Miramas, proche de Marignane qui est le deuxième aéroport fret après Paris, en bordure de l'A7 et de l'A54, est opérationnelle. Parallèlement, Sogaris, il y a un an, s'est installé sur les 35 hectares (pouvant être portés à 200) de Rouen-Vallée-de-Seine-Logistique, une plate-forme créée par le Port Autonome de Rouen, ainsi que sur la nouvelle plate-forme dédiée au fret de l'aéroport de Vatry, en Champagne.