Début décembre, le transporteur Mahlstedt de Delmenhorst, à l’ouest de l’Allemagne, annonçait être en cessation de paiement. L’entreprise de 200 salariés, spécialisée dans les transports techniques, notamment des éléments pour éoliennes, subit de plein fouet l’arrivée de nouveaux concurrents dans la région. Plusieurs repreneurs potentiels sont en négociation avec l’administrateur judiciaire pour le rachat de cette entreprise familiale sur le marché depuis 1978. Le cas de Mahlstedt est loin d’être isolé.
En Allemagne aussi, le marché du transport routier est en pleine restructuration. Le secteur de la logistique et des transports est, derrière l’industrie automobile et la distribution, le troisième pilier de l’économie allemande. Un quart des quelque 1 000 Md€ que pèse la branche logistique en Europe revient à l’Allemagne, avec un chiffre d’affaires total de 278 Md€ et 3,26 millions de salariés en 2018. La moitié du volume est assurée par les industriels directement, à l’image de Volkswagen Konzernlogistik, le sixième du secteur en Allemagne. Le camion – 70 % des transports en République fédérale – joue toujours un rôle prépondérant avec jusqu’à 500 000 trajets par jour dans le pays. On dénombre près d’un tiers de trajets à vide. Le secteur, confronté à de nombreux défis avec les impératifs climatiques ou la digitalisation, est engagé dans un processus de concentration, qui se traduit par un nombre élevé de faillites et une augmentation du chiffre d’affaires des entreprises du secteur (+ 3 Md€ en moyenne par entreprises, à 68 millions d’euros 2017 selon le portail en ligne Statista). « La combinaison d’une hausse du chiffre d’affaires et d’une réduction du nombre d’entreprises parle pour une consolidation du secteur », souligne Statista dans un document consacré au sujet. « Nous assistons à un fort mouvement de concentration, confirme Dirk Engelhardt, le président de la fédération patronale allemande du secteur BGL. Le nombre d’entreprises diminue, et le nombre de camions par entreprise augmente. La principale raison de ce mouvement est le nombre toujours plus élevé des défis qui sont posés aux transporteurs. Le second facteur, et il n’est pas négligeable, est la difficulté pour les patrons de trouver un successeur. Les jeunes ne s’intéressent pas à la branche, et – comme en France – l’image négative du transport routier y est pour quelque chose. La tendance s’est amorcée en 2005, et elle s’est accélérée avec la crise financière de 2010-2011. »
En 2010, l’Allemagne comptait, selon Statista, 16 416 entreprises de transport, contre 14 712 en 2017 (derniers chiffres disponibles). Certains chiffres font état d’un marché plus morcelé encore : en prenant en compte toutes les sociétés de « un salarié et un camion », on arrive à un total de 35 000 entreprises ; 70 000 en prenant en compte les véhicules de 3,5 tonnes. Selon les estimations du BGL, les grandes sociétés – plus de 100 camions – représentent environ 10 % du marché allemand seulement. Le classement 2019 SCS de la société de recherches Fraunhofer reste dominé par DHL, Deutsche Bahn AG, Dachser, Kuehne+Nagel et Rhenus.
La tendance à la concentration serait inexorable à l’échelle internationale. « On observera dans les transports routiers internationaux ce à quoi on a assisté au cours des dernières années dans les transports maritimes, croit savoir le patron de Hapag-Lloyd Rolf Habben Jansen. Le secteur des transports routiers est à la veille d’un mouvement de consolidavtion. Même les dix plus gros opérateurs ne possèdent qu’une faible part de marché. » Selon les spécialistes de l’institut britannique Transport Intelligence, les dix plus grosses entreprises du secteur ne détiendraient que 45 % de parts de marché au niveau mondial contre 83 % pour les dix plus gros armateurs.
Mais malgré cette tendance globale, le marché allemand restera morcelé à moyen terme, estime le BGL. « Le transport routier restera dominé par la PME, avec une tendance au marché de niche, comme en Bavière, détaille Dirk Engelhardt. Dans cette région, l’une des plus industrialisées du pays, on a beaucoup d’entreprises spécialisées, dans le transport du bois, des silos, de la machine-outil, des engins de chantier, camions à benne basculante, ou encore des entreprises spécialisées de par la langue sur le marché germanique, avec la Suisse ou l’Autriche. On est, là, de l’ordre du transport quasi-régional, avec des chauffeurs-patrons qui rentrent le soir à la maison. »