« Pas de politique transport sans y associer le routier »

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Bâtir une politique transport sans y associer le routier ne saurait s’envisager. Aux yeux de Florence Berthelot, le plan de relance annoncé par le gouvernement n’embrassera pas l’intérêt des entreprises du secteur, si ce n’est par les mesures d’ordre général comme la baisse des impôts de production. La déléguée générale de la FNTR assure ne pas baisser les bras afin de conduire le gouvernement, avec TLF et l’OTRE, à la signature du contrat de transition énergétique qui devrait assurer une stabilité fiscale à la profession. La FNTR, qui a elle aussi annulé son congrès, planche sur sa Semaine du transport routier de marchandises destinée à assurer la promotion du secteur auprès des élus locaux.
L’Officiel des transporteurs : Le Premier ministre, Jean Castex, a rendu publics les détails du plan de relance à 100 milliards d’euros. Que vous inspire ce plan ?

FLORENCE BERTHELOT : Ce plan se projette sur une période de dix ans. Lorsque l’on se penche sur ses 160 pages, on se rend compte qu’il n’aborde pas – je dirais presque sans surprise – notre secteur. Nous serons, bien entendu, comme l’ensemble des entreprises, concernés par les mesures d’ordre général comme la baisse des impôts de production. En fait, notre secteur est abordé par le prisme de la transition énergétique au travers de la promotion faite aux véhicules non diesel. Nous avons pu noter à cet égard que l’on aborde l’énergie électrique et l’hydrogène, qui ne sont pas à nos yeux des motorisations à ce jour matures, ne serait-ce que par la faiblesse du nombre de stations d’avitaillement. Et puis, pour les transporteurs, la transition énergétique ne peut s’envisager sans un contexte économique favorable.

Dont on ne peut dire qu’il l’est actuellement…

F. B. : Oui, il y a un gros manque de visibilité sur les prochains mois. Notre enquête économique de début août a fait ressortir que les entreprises n’avaient pas retrouvé leur niveau d’activité d’avant-crise. Par ailleurs, on peut constater une certaine désorganisation du marché et on recense encore un nombre important d’entreprises en manque d’activité.

Ce plan de relance vous laisse donc de marbre ?

F. B. : Nous serons attentifs au moins à un point : que le secteur ne sera pas sollicité pour en assurer une partie du financement, d’autant que notre requête sur le report du rabotage de 2 centimes par litre de la ristourne gazole n’a pas été entendue, alors même que nous avons déposé des amendements lors de chaque collectif budgétaire. Tout cela fait du TRM le seul secteur à avoir subi une augmentation de sa fiscalité en cette année Covid-19. Nous restons d’autant plus vigilants que se profilent, à la fois, le projet de loi de finances pour 2021 et la loi déclinant la convention citoyenne qui préconise une augmentation de la fiscalité des transporteurs.

France Relance prévoit également de gros investissements pour les infrastructures. On sait que « traditionnellement », le TRM est sollicité pour le financement de ce genre de projet…

F. B. : Je rappelle que les 2 centimes de rabotage de la ristourne gazole sont destinés au financement de ces infrastructures. Par conséquent, on imagine mal que l’on puisse nous demander encore de contribuer. En tout état de cause, nous ne l’accepterions pas.

Le ferroviaire va être poussé par ce plan de relance. Qu’en pensez-vous ?

F. B. : Nous n’opposons pas les modes entre eux. À nos yeux, il n’y a pas concurrence entre le ferroviaire et la route. Le recul, ces dernières années, du ferroviaire s’explique avant tout par des problèmes structurels. Dans d’autres pays, ce mode fonctionne tout à fait bien en même temps que le routier se porte bien également. Je rappelle que nous demeurons les premiers clients du transport combiné, que la rentabilité d’un transport ferroviaire se concrétise à partir d’une distance de 500 km et que le parcours moyen d’un transport routier est de 230 km. Par ailleurs, nous sommes toujours dans l’attente de la signature du contrat de transition énergétique, lequel porte le projet pour la profession de s’engager vers l’acquisition de véhicules moins polluants. En contrepartie, l’État s’engageait, pour sa part, sur une stabilité de la fiscalité jusqu’en 2022.

Jean-Baptiste Djebbari s’était pourtant engagé sur une concrétisation de ce contrat…

F. B. : Et sur une stabilité de la fiscalité suite à la baisse de la ristourne gazole… Nous serons donc attentifs à la parole de l’État. À présent qu’une partie du plan de relance est destinée à la transition énergétique, nous espérons que la conclusion de ce contrat sera effective puisque l’État va disposer d’un certain nombre de ressources. Sur les 2 centimes, on voit bien que, lorsque le gouvernement fixe des priorités, il est en mesure de trouver les fonds. Ces 2 centimes ne lui sont donc pas nécessaires et faire un geste dans cette direction aurait constitué un signal positif envers des transporteurs qui ont assuré l’approvisionnement des Français pendant le confinement.

Comment expliquer que le gouvernement fasse aussi peu de cas de la profession alors qu’il rend public un plan qui entend faire la part belle – sous la pression du vote EELV – au développement de transports propres, d’énergies nouvelles comme l’hydrogène ?

F. B. : Ce plan comporte simplement une fiche qui aborde la nécessité d’aller vers la conception de poids lourds plus « propres » au travers de l’hydrogène et de l’électrique. Nous, nous disons que « les transporteurs devront investir mais il leur faudra en avoir les capacités ». Et puis il n’est pas opportun d’acheter des camions propres en l’absence de structures d’avitaillement en nombre suffisant. Nous sommes, là, dans un schéma de long terme. Comme d’habitude, les pouvoirs publics rechignent à mettre en avant le transport routier car, dans l’esprit de certains, cela reste un marqueur. Nous disons également qu’il y aura toujours autant de camions dans les prochaines années, mais au risque qu’ils ne soient plus français si l’on ne nous aide pas à rester compétitifs. On ne peut bâtir une politique de transport sans y associer le routier alors que ce mode est incontournable et que nous serons les principaux contributeurs au succès du transport en France.

Les TPE sont les plus fragiles et les plus vulnérables. Avez-vous des signes avant-coureurs sur une montée des défaillances chez elles ?

F. B. : Non, c’est encore un peu tôt. L’un des indicateurs serait le recrutement mais nous n’avons pas de signaux très clairs sur la volonté de recruter, ou pas, des entreprises. Je pense que nous aurons davantage d’éléments dans le courant de l’automne.

Votre organisation prépare une opération (du 28 septembre au 4 octobre) que vous avez baptisée La semaine du transport routier de marchandises. Quels sont les buts recherchés ?

F. B. : Notre projet vise à ouvrir les portes de nos entreprises à tous les élus de terrain, maires, députés, sénateurs, président de conseil général.

Nous souhaitons expliquer le TRM et valoriser le rôle de nos entreprises dans les territoires. Au travers de ce type d’opération, nous offrons l’occasion aux institutionnels de découvrir la réalité du terrain, l’engagement de nos personnels, la sophistication de nos métiers et – nous ne le répéterons jamais assez – l’aspect incontournable de notre secteur. Nos représentations régionales seront à la manœuvre aux côtés de nos entreprises.

Il faudra composer avec l’environnement sanitaire…

F. B. : Cette opération se déroulera dans le strict respect des mesures sanitaires. Je rappelle que les protocoles bâtis au printemps dans notre secteur sont toujours d’actualité.

Quel est le calendrier de vos prochains rendez-vous avec le gouvernement ?

F. B. : Nous avons sollicité le ministère de l’Économie pour en savoir davantage sur les perspectives en matière de fiscalité carburant. Nous aurons sans doute également des échanges avec le ministère des Transports autour de la traduction du plan de relance pour notre secteur.

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