Alors que le Covid-19 occupe l’actualité, les entreprises sont plus que jamais dans la gestion de crise. Mais c’est en ces temps difficiles que leurs engagements en matière de responsabilité sociétale sont de la plus haute importance. Elles doivent se montrer irréprochables en assurant la protection de leurs collaborateurs. Donc gare à ne pas mettre la RSE en quarantaine et à ne pas sacrifier les questions environnementales et sociales face aux besoins économiques criants. En témoigne un article publié fin mars par Les Échos Investir : les entreprises socialement responsables sont celles qui, en pleine crise du coronavirus, ont le mieux résisté au krach de la Bourse.
Pierre-Marie Hautier, président du directoire du groupe éponyme, est convaincu que l’élan de solidarité qui s’est manifesté au sein de sa société de transport pendant cette crise sanitaire n’est pas anodin. Car voilà des années que cette entreprise familiale, fondée en 1914, a placé l’humain au cœur de sa stratégie. Les Transports Hautier ont choisi la voie du mécénat pour mettre en place leur projet RSE, dans la continuité de la certification ISO 9001 (sur le management de la qualité) obtenue en 1993. Le transporteur s’est en effet associé en 2015 au groupe Sup de Co La Rochelle dans le cadre de la chaire d’entreprises RSE et ISO 26000 (1) pilotée par l’IRSI (Institut de la responsabilité sociétale par l’innovation). L’occasion de lancer les premières actions. Par exemple, le groupe propose depuis fin 2018 à ses collaborateurs, sur la base du volontariat, d’échanger leurs postes de travail dans le cadre d’une opération intitulée « Vis mon job ». Le but ? « Comprendre les contraintes et enjeux de chacun, faire évoluer les mentalités et les relations entre collègues », explique le dirigeant. Il a aussi déployé depuis le début d’année une application mobile pour « fluidifier la communication » avec ses 650 conducteurs, « être transparent » et « recréer du lien ». Toutes les semaines, un ostéopathe est présent dans l’entreprise. Avant la pandémie du Covid-19, le carnet de réservations était complet un mois en avance, signe que la demande est là. Engagé sur le site de La Rochelle, le dispositif sera donc déployé à l’échelle des sept filiales. Le partenariat avec l’IRSI a été renouvelé début 2020 pour une durée de trois ans afin d’ancrer cette démarche RSE dans le système de management par la qualité. L’objectif affiché est de « vivre la RSE au quotidien ». Malgré le coût significatif de cette chaire (déductible des impôts à hauteur de 60 %), que Pierre-Marie Hautier ne souhaite pas communiquer, l’entreprise assure qu’elle y trouve un intérêt. « C’est du donnant-donnant. Nous faisons participer des étudiants et donnons matière à des enseignants-chercheurs pour rédiger des articles appliqués au transport. En retour, ils nous apportent une connaissance théorique de la norme ISO 26000 et des méthodes de réflexion sur notre organisation. » Cette démarche a contribué à recréer un dialogue social avec une meilleure implication des conducteurs. Un vrai plus en ces temps de crise.
Une réussite d’autant plus significative lorsque l’on sait que « la difficulté est de [les] impliquer », constate la consultante nantaise Anne Barré, coprésidente de l’association Les 26000 de l’Ouest, qui regroupe les professionnels du conseil en responsabilité sociétale. Selon elle, la réussite d’une démarche RSE tient principalement du collectif. « Il faut certes comprendre l’intérêt de s’engager dans une telle démarche. Une stratégie RSE est toujours plus efficace lorsqu’elle est coconstruite avec l’ensemble de ses collaborateurs », pense-t-elle.
Formation à l’écoconduite, optimisation des tournées de livraison, utilisation de carburants alternatifs… sont d’autres leviers agissant directement sur la démarche RSE des entreprises de la logistique et du transport. Bon nombre de transporteurs ont d’ailleurs commencé à verdir leur flotte, signe qu’ils s’emploient à réduire leur impact environnemental. Depuis 2008, plus de 1 400 entreprises, dont 1 170 entreprises du TRM, se sont engagées dans le programme Objectif CO2. Ont ainsi été évitées les émissions polluantes de plus de 2 millions de tonnes de CO2.. De plus en plus nombreux sont aussi ceux qui optent pour une nouvelle énergie issue du colza : Oleo100. À fin mars 2020, plus d’une soixantaine de transporteurs (soit plus de 300 véhicules) ont fait ce choix, à l’instar du normand Blondel Voisin, ainsi que les Transports Rault dans le Morbihan, les premiers en Bretagne à utiliser ce biocarburant commercialisé par le groupe Avril. Suivi par un voisin : les Transports Lelandais, qui sont eux les premiers en France à utiliser l’Oleo100 dans le transport d’animaux vivants. Jonathan Delisle, des transports éponymes, met en avant les atouts de ce carburant : 60 % de gaz à effet de serre en moins par rapport à un gazole traditionnel et jusqu’à 80 % de particules fines en moins. Pour lui, convertir sa flotte est un moyen de plus pour identifier son entreprise comme vertueuse. Basé en Seine-et-Marne, le transporteur a été distingué en septembre 2019 lors des Trophées EVE (Ademe) par le Prix de la meilleure performance environnementale. Une récompense qui vient concrétiser une démarche anticipée de longue date. Prochaines étapes : développer le mécénat, travailler sur l’image de marque ou encore privilégier les fournisseurs locaux.
Afin de poursuivre leurs efforts en faveur de l’environnement, d’autres sociétés passent au nettoyage écologique au bureau… C’est le cas des Transports Blanchard-Coutand. En 2017, l’entreprise vendéenne a décroché la certification ISO 14001 (2). De quoi couronner diverses actions : utilisation de produits de nettoyage non dangereux, installation de bacs de tri, eaux usées récupérées et traitées, éclairage extérieur à LED, véhicules au gaz naturel liquéfié… et peut-être à venir l’écopâturage, un mode d’entretien écologique des espaces naturels par le pâturage d’animaux herbivores.
La certification, un véritable atout, d’après la consultante Anne Barré : « Cela donne du poids à une communication. » C’est donc peut-être le moment de penser à se faire certifier. Ce que viennent de faire Les Routiers bretons. Le transporteur charté CO2, installé près de Rennes, a obtenu la double certification ISO 14001 et ISO 45001 (3) début mars. De quoi « donner de la visibilité à [ses] actions et structurer [sa] démarche », indique le directeur général Patrice Mével avant de présenter deux initiatives significatives. « En place depuis un an et accessible sur smartphone depuis six mois, l’outil Presqu’accident permet aux conducteurs de partager les risques dont ils font l’expérience (chaussée abîmée, etc.). » Avec une vingtaine de retours par mois, la direction assure que l’outil est de plus en plus utilisé. Seconde action : la formation APS gestes et postures en partenariat avec la Carsat (caisse d’assurance retraite et de la santé au travail). « Les 80 conducteurs en activité sur la distribution régionale à Rennes et Nantes, exposés à plus de risques, sont formés depuis 2019 sur une durée de deux ans. » « Les indicateurs sont globalement très positifs », répond Patrice Mével. « Si nous travaillons en amont sur les risques, nous réduisons la fréquence et la gravité des accidents », complète Mickaël Goalec, à la direction des ressources humaines et techniques, qui a conduit la démarche de certification. Le nombre d’accidents du travail a chuté de 60 %, le taux de fréquence est passé de 37,60 % en 2018 à 29 % fin 2019 et le taux de gravité de 1,72 % à 0,68 % en un an. Cela a aussi eu un impact sur l’absentéisme (8,20 % en 2019 et 5,8 % aujourd’hui). Pour le DRH, une démarche écoresponsable est également un moyen d’attirer de nouveaux collaborateurs, notamment les jeunes de moins de 30 ans, qui préfèrent travailler dans des entreprises aux forts engagements sociaux et environnementaux. « Avec cette double certification, nous pouvons le prouver et sommes très à l’aise sur ces sujets », indique le directeur, convaincu que c’est un moyen de décupler l’attachement des collaborateurs.
Aux entreprises qui hésitent encore, Mickaël Goalec pense qu’elles ont tort de ne pas se lancer. Certes, il ne nie pas le coût de la certification (entre 50 k€ et 100 k€) mais il faut, selon lui, la voir comme un investissement qui offre un gisement d’économies et de performance. « Ça vaut vraiment le coup ! », conclut-il.