« Les entreprises ont encaissé un choc violent »

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Le transport et la logistique sont totalement mobilisés depuis le début de la crise du coronavirus Covid-21. Dans les entrepôts, sur la route, leurs salariés font chaque jour la démonstration que leur métier est indispensable aux besoins vitaux des consommateurs et que la filière est un maillon essentiel de l’économie. Retour sur les premiers jours qui ont ébranlé le secteur et point d’étape avec Alexis Degouy, délégué général de l’Union TLF.
L’Officiel des transporteurs : quelle perception avez-vous des événements au sein de l’Union TLF ?

Alexis Degouy : La vague qui s’est abattue sur la société au début du plan de confinement a eu des répercussions immédiates sur l’ensemble de la chaîne logistique. Nous avons dû composer avec une situation contrastée : d’un côté, des entreprises qui nous ont dit que leur activité était divisée par deux ou à l’arrêt total. Et ces entreprises avaient donc comme problématique les mesures d’accompagnement ou la mise en place du chômage partiel en raison de l’arrêt de l’activité de nombreux secteurs économiques. Et, de l’autre côté, des adhérents (des secteurs du retail, de l’alimentaire, des produits de première nécessité) qui se sont retrouvés en surchauffe, avec des volumes à transporter considérables au moment de la ruée des Français vers le sur-stockage.

Une situation folle et inédite à la fois ?

A.D. : Oui, Et au milieu de cette situation contrastée, il y a eu une zone grise très compliquée à gérer pour les entreprises pour lesquelles l’alimentaire ne représente que, par exemple, 25 ou 30 % de leur activité. Ces entreprises ont donc mis une partie de leurs salariés au chômage partiel et, par ailleurs, il leur a fallu gérer les équipes sur les activités en surchauffe. Il faut saluer la mobilisation de tous au moment où il s’est agi de recaler l’ensemble de la chaîne. Les plans de transport ont été totalement désorganisés. Pensez à la restauration hors domicile qui s’est totalement arrêtée, sans compter la restauration scolaire. Toute ces flux se sont reportés vers une activité à domicile, avec un boom de la demande dans les commerces de proximité (super et hyper). Tous ces phénomènes ne sont, par conséquent, pas neutres sur l’ensemble des activités en logistique et en transport, notamment sur le dernier kilomètre.

Les fédérations professionnelles sont à la manoeuvre ?

A.D. : Oui, nous sommes en liaisons quotidiennes pour répondre aux demandes de nos adhérents et, dans le même temps, assurer les relations avec les pouvoirs publics. Nous avons alerté les pouvoirs publics lors de la première semaine de confinement afin de faire mettre un terme aux consignes qui avaient été données aux forces de l’ordre de verbaliser les camions qui n’étaient pas en rapport avec les entrepôts logistiques ou avec la livraison de denrées de première nécessité.

Nous sommes en relation quotidienne avec Marc Papinutti, le directeur général de la DGITM (Direction générale des Infrastructures, des Transports et de la mer, Ndlr) afin d’échanger sur les remontées du terrain et lever les blocages. Il faut à ce titre saluer l’engagement des équipes de la DGITM, qui est remarquable depuis le début de la crise. Elles ont permis l’adoption de circulaires et de décrets qui peuvent à présent faciliter la vie des entreprises.

Comme par exemple ?

A.D. : Au tout début de la crise, les entreprises de transport étaient exclues du dispositif de chômage partiel au prétexte que le secteur ne subissait pas un arrêt total d’activité. Les choses ont été rétablies aujourd’hui ; le transport et la logistique sont éligibles au dispositif de l’activité partielle en cas de réduction ou de suspension d’activité temporaire liée à la crise du Covid-19.

Le TRM est au feu pour le transport alimentaire.

A.D. : Jean-Pierre Sancier – en bon connaisseur du secteur (le vice-président de TLF a été le directeur général de STEF, Ndlr) – anime la cellule de pilotage du fonctionnement de la chaîne transport et logistique dans l’alimentation. C’était l’une des préoccupations des pouvoirs publics. L’enjeu était de réussir à se parler entre les différents acteurs. Une task force a ainsi été constituée, qui regroupe les industriels de l’agroalimentaire (Ania), les distributeurs (FCD), les prestataires du transport et de la logistique (TLF, FNTR, OTRE), les grossistes (CGI) et les coopératives. Nous effectuons des points quotidiens, à l’appui notamment des remontées provenant des entreprises. L’ensemble des données récoltées est communiqué aux pouvoirs publics. Ces échanges entre professionnels sont essentiels pour assurer le bon fonctionnement de la chaîne. Jean-Pierre Sancier est au cœur de ce dispositif, matin, midi et soir…

Vos représentations régionales sont-elles également mobilisées dans votre effort de remontées d’informations ?

A.D. : Oui, elles sont la courroie de transmission vers les fédérations et, plus loin, vers les pouvoirs publics. J’en veux pour exemple les problématiques liées au couvre-feu décrété dans certaines communes. Ces décisions ont pu gêner certaines livraisons par des équipes de nuit. Il a fallu, à l’appui des unions locales, saisir le préfet afin de débloquer des situations.

Il y a eu bien entendu – on en a beaucoup parlé sur les réseaux sociaux et dans les médias – ces interdictions d’accès aux sanitaires qui ont frappé les conducteurs. Il a fallu la mobilisation des organisations patronales et syndicales afin de lever les obstacles sur les réseaux concédé et non concédé. Il y a eu également des situations similaires chez certains destinataires. Nous avons pris tous ces sujets à bras le corps afin d’améliorer la situation des conducteurs sur le terrain.

La filière se révèle aux Français par la force des choses ?

A.D. : Si l’on peut retirer un énorme point positif d’une semaine qui ne l’est pas du tout, c’est qu’au plus haut niveau de l’Etat (jusqu’au Président de la République) et dans l’opinion publique, on a pris conscience que le transport et la logistique constituaient des maillons essentiels et vitaux de l’économie française, et que le métier de conducteur routier est un métier indispensable aux besoins vitaux de la population. Il existe beaucoup de témoignages positifs qui vont dans ce sens. J’espère que cela restera ancré dans l’esprit de tous lorsque nous serons sortis de cette crise.

Les circonstances sont dramatiques. Et pourtant, ne peut-on dire que ces circonstances sont en train de permettre à la profession d’accéder à cette reconnaissance publique après laquelle elle court depuis tant d’années ? Et puis, ces circonstances dramatiques encore une fois, ne sont-elles pas en train de faire émerger cette filière que le récent rapport Eric Hémar/Patrick Daher appelle de ses vœux ? Filière qui rassemblerait chargeurs, logisticiens et transporteurs ?

A.D. : Au niveau des fédérations, nous sommes dans la démonstration que cela ne peut fonctionner correctement que lorsque l’on se parle tous les jours. Cette situation fait effectivement la démonstration que les salariés de nos entreprises sont indispensables, du préparateur de commandes au technicien d’entrepôts frigo jusqu’au conducteur et au livreur. La personne confinée, peut grâce à tous ces acteurs, trouver tous les produits de première nécessité dont elle a besoin dans son magasin de proximité.

Les fédérations sentent-elles monter une certaine inquiétude d’ores et déjà chez les dirigeants qui seraient inquiets pour la pérennité de leur entreprise ? Le dispositif de chômage partiel représente-il une bouée de sauvetage pour eux ?

A.D. : A l’échelle globale, les entreprises ont encaissé un choc violent. Néanmoins, il est un peu tôt pour se projeter sur les dégâts causés par cette crise.

Les dirigeants savent que l’on va devoir s’installer dans la durée. Pour autant, on ne doit pas ignorer l’après-crise et l’on peut dire que les moyens alloués par l’Etat devraient permettre de mieux encaisser le coup et rester prêts pour la sortie de crise. Le chômage partiel, les reports de charges, l’accompagnement de trésorerie, les garanties de crédit sont autant d’éléments vitaux pour la survie de nos entreprises.

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