« Le régime social et le régime fiscal de la soc iété restent déterminants dans le choix de la forme juridique »

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L’Officiel des transporteurs : À quel moment se pose la question de changement de forme juridique dans la vie d’une entreprise ?

LILIANA TIMPEU : Lorsque l’activité d’une entreprise individuelle se développe, la nécessité pour elle d’adopter une forme de société commerciale est évidente. Mais il en est autrement lorsque l’entreprise est déjà constituée en société. Le changement de statut juridique s’opère par voie de transformation. Il convient de préciser que lorsque la transformation de la société ne provoque pas un changement de régime fiscal, l’opération de transformation n’a aucun impact fiscal. L’ensemble des contrats en cours se poursuivent. La transformation d’une SARL en SAS ne va pas de soi car la SARL reste la forme de société la plus connue et utilisée par les entrepreneurs. En matière de responsabilité du dirigeant (limitée aux apports), d’obligation de rédiger des statuts ou de fixer le capital social (aucun minimum et possibilité de capital variable) les règles sont identiques dans la SARL et la SAS. Si le développement économique de la société prend de l’ampleur, la question de changement de sa forme juridique se posera notamment pour attirer des investisseurs mais aussi pour éviter la création d’une nouvelle entité et permettre la poursuite de tous les contrats.

S’agissant de la SARL et la SAS, soit les deux types de société les plus adoptés par les PME du transport routier, quels sont les points clés à connaître avant d’opter pour l’une ou l’autre ?

L.T. : La SARL est très encadrée. Elle renferme notamment moins de liberté dans le choix des clauses statutaires, alors qu’avec la SAS les statuts peuvent être établis sur mesure. Par ailleurs, lorsque l’entreprise se trouve dans le besoin de renforcer ses fonds propres, notamment en levant des fonds, les marges de manœuvre du dirigeant sont plus élargies dans une SAS plutôt que dans une SARL et la transmission des actions se fait aisément avec un ordre de mouvement (dans la SARL, un acte de cession sera nécessaire, ainsi que la mise à jour des statuts). Par exemple dans la SARL, l’entrée d’un nouvel associé est soumise obligatoirement à agrément, ce qui n’est pas le cas en SAS, tout dépend des clauses statutaires adoptées. De plus, dans la SAS, les actionnaires peuvent rester anonymes vis-à-vis des tiers (à l’exception des associés fondateurs). Un autre avantage de la SAS est l’utilisation des actions de préférence. Il s’agit de titres qui permettent à leurs détenteurs de disposer de plus de prérogatives que les autres associés, en matière de droit de vote et de droit au dividende, indépendamment du capital détenu. Dans la SARL, les votes et les bénéfices sont obligatoirement répartis en fonction des parts sociales. Seule la SAS peut émettre des bons de souscription d’actions (un mécanisme incitatif pour les investisseurs). Si la forme de SAS pouvait faire peur aux entrepreneurs, au fur à mesure des réformes de simplification du droit des sociétés, ce type de société devient davantage attractif. Par exemple, la loi Pacte(1) qui a relevé les seuils de désignation d’un commissaire aux comptes dans les SAS.

Le régime social du dirigeant et la fiscalité jouent-ils un rôle déterminant ?

L.T. : Oui, le régime social et le régime fiscal de la société restent des éléments à prendre en compte dans le choix de la forme juridique. S’agissant du régime social du dirigeant, il faut savoir que le gérant majoritaire d’une SARL dépend de la Sécurité sociale des indépendants (SSI, ancien RSI) alors que le dirigeant d’une SAS, lorsqu’il est rémunéré, devient automatiquement « assimilé-salarié ». Ce dernier est alors rattaché au régime général de la Sécurité sociale, qu’il soit ou non actionnaire. À l’exception de l’assurance chômage, il pourra profiter d’une couverture sociale identique à celle des salariés, soit une protection plus élevée que celle offerte par la SSI. Pour avoir une protection équivalente, le gérant majoritaire d’une SARL doit recourir à des assurances complémentaires privées. En ce qui concerne la fiscalité, les deux types de société sont soumis de manière générale à l’IS (impôt sur les sociétés) mais le régime fiscal diffère en matière de cession de parts sociales ou d’actions. Ainsi, en cas de cession de parts d’une SARL, l’acquéreur doit payer des droits d’enregistrement calculés au taux de 3 % sur le prix d’achat avec un abattement de 23 000 euros proportionnellement au nombre de parts cédées. Alors que pour la cession d’actions d’une SAS, les droits d’enregistrement sont fixés à 0,1 %. La fiscalité est également différente en matière de distribution de dividendes. Contrairement au président de SAS, le gérant majoritaire doit acquitter des cotisations sociales sur une partie de ses dividendes. En pratique, il convient de se rapprocher d’un professionnel pour évaluer le régime social et fiscal applicable, le plus favorable au dirigeant.

La transformation d’une société représente-t-elle une opération onéreuse ?

L.T. : Le changement d’une SARL en SAS doit obligatoirement faire l’objet d’un recours à un commissaire à la transformation(2). Ce professionnel est tenu de certifier que le montant des capitaux propres est au moins égal au montant du capital social. Il doit aussi évaluer la valeur des biens qui composent l’actif social et rédiger un rapport d’information complet sur la situation de l’entreprise. Pour l’opération de transformation, il faut compter environ 2 500 à 3 000 euros (honoraires et frais compris) auxquels s’ajoutent les honoraires du commissaire à la transformation d’environ 1 500 euros. Je conseille aux dirigeants de ne pas prendre à la légère la nécessité de recourir à un expert pour mener à bien une opération de changement de statut juridique d’une société. En effet, en cas d’erreur dans la rédaction des statuts ou dans l’accomplissement des formalités, l’entrepreneur risque de devoir assumer des frais complémentaires.

(1) loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte ».

(2) article L.224-3 du Code de commerce.

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