Le gaz, malmené par un pétrole peu cher

Article réservé aux abonnés

À l’achat, un véhicule gaz est 20 à 25 % plus cher. Son entretien est également plus onéreux tandis que son ravitaillement dépend d’un réseau de stations dont le nombre est encore insuffisant. La communication des chargeurs et les réglementations contraignantes restent les meilleures alliées de la filière du véhicule gaz dont les arguments économiques sont actuellement malmenés. Les difficultés rencontrées par les transporteurs depuis mars vont nuire à leurs résultats. Or, le suramortissement des véhicules gaz n’est possible que pour les entreprises qui réalisent des bénéfices. Parallèlement, le prix du méthane fossile atteint un minimum historique avec 0,09 €/kg au tarif de gros.Dossier réalisé par Loïc Fieux

Pas de bénéfices en 2020 ? Alors pas de suramortissement des véhicules GNV. Pour les transporteurs qui ont fait le choix du gaz, c’est la double peine. Président de l’Association française du gaz, Patrick Corbin défend des propositions pour maintenir l’attractivité économique du gaz « Pour toutes les entreprises et pour l’achat ou la location d’un véhicule GNV, la mise en place d’un crédit d’impôt de 20 à 25 % pourrait remplacer le suramortissement actuel, explique-t-il. Le crédit d’impôt peut également faciliter l’achat de VUL GNV par les artisans et TPE. Il peut aussi soutenir l’implantation de stations d’avitaillement privées. »

En 2019, 51 355 véhicules de plus de 5 tonnes ont été immatriculés en France. Parmi eux, 1 333 fonctionnent au GNV (gaz naturel pour véhicules). Le méthane carburant se contente donc de 2,60 % d’un marché qui a atteint un niveau record. C’est mieux qu’en 2018, mais ce n’est pas un raz-de-marée. Cependant, le GNV demeure, et de loin, la principale alternative au gazole. Fin 2019, 162 points d’avitaillement publics en GNC ou en GNL étaient disponibles en France. Un nouveau hub de chargement a été ouvert à Fos pour le ravitaillement des camions-citernes de GNL approvisionnant les stations GNL et GNLC. Il permet 40 chargements par jour. L’Alsace étant éloignée des ports méthaniers, Elengy et Rubis Terminal étudient l’installation d’un stockage de GNL en Alsace desservi par train afin de fournir 85 000 t/an de GNL dans le centre-ouest de l’Europe pour une utilisation par le transport (routier et fluvial) et l’industrie.

Selon Gilles Baustert, directeur marketing de Scania France, « les énergies alternatives, y compris le gaz, sont intéressantes économiquement quand le pétrole est cher. Actuellement, le gaz reste pertinent au niveau CO2, mais pas sur le plan économique ». Avec le méthane fossile, les émissions de CO2 baissent de 10 à 15 % par rapport au gazole. Le vrai champion est le biométhane qui permet une baisse de 80 %.

Pour Clément Chandon, chargé des énergies alternatives chez Iveco, « le gaz apporte une sécurité économique qui deviendra importante face à la volatilité du prix du pétrole. L’intérêt du gaz par rapport au pétrole est que l’on peut acheter à l’avance sa consommation à un prix connu. » À condition de ne pas être déjà engagé avec un distributeur de gaz, il est possible de négocier avec lui un prix du gaz pour les deux prochaines années. Ces prix sont publiés sur le site Internet de Powernext Pegas Negociation. L’effondrement du prix du pétrole rend parfois son exploitation déficitaire. « À moyen terme, la crise actuelle pourrait provoquer une hausse des investissements au profit des énergies renouvelables qui apparaissent moins risquées que le pétrole, explique Clément Chandon. Cela pourrait entraîner une nouvelle accélération des investissements dans la filière biométhane. Total a déjà fait une déclaration en ce sens en annonçant réduire de 30 % ses investissements dans les énergies fossiles, mais en maintenant ses investissements dans les énergies renouvelables. »

Seuls Scania et Iveco disposent de gammes GNV complètes

Cinq constructeurs se partagent le marché français des camions GNV. Iveco y régnait toujours en 2019 avec des parts de marché qui se sont élevées à 49,96 %. Scania suit avec 31,58 %. Puis on trouve Renault Trucks avec 14,33 %, Mercedes avec 3,53 % et Volvo Trucks avec 0,60 %. Avec la mise en place du parc de camions GNV (7 000 véhicules fin 2019), un marché du VO GNV émerge. L’une de ses caractéristiques est la durée de détention des véhicules GNV, plus longue que celle des diesels. Chez Iveco, cela se traduit par des contrats de service dont la couverture totale est maintenue jusqu’à 1,1 million de kilomètres, un peu plus que pour les S-Way diesel.

Iveco et Scania disposent de gammes GNV complètes. On y trouve des véhicules de distribution, des camions de chantier ainsi que des véhicules longue distance avec des réservoirs de méthane compressé (GNC) ou liquéfié (GNL). Iveco propose incontestablement la gamme la plus vaste. Ses camions légers, ses moyens tonnages ainsi que la possibilité de disposer de réservoirs de GNC et de GNL sur un même véhicule sont sans équivalent chez les concurrents. Renault Trucks et Mercedes limitent leurs offres aux véhicules de distribution GNC tandis que Volvo poursuit une voie originale avec le dual fuel. Appliquée au Volvo FH LNG, cette technologie permet d’utiliser le GNL comme carburant principal en recourant à une petite quantité de gazole pour déclencher l’allumage. Profitant d’un rendement meilleur que celui de l’allumage par bougies des concurrents, le dual fuel a contre lui de nombreuses contraintes spécifiques qui s’ajoutent à celles du GNL. La solution Volvo exige d’ailleurs un GNL plus froid que celui livrés aux Iveco et Scania GNL. Toutes les stations GNL ne sont pas en mesure de le livrer.

L’intérêt environnemental du biométhane est incontestable

En octobre 2019, une note de l’IFPEN fondée sur l’analyse du cycle de vue (ACV) réaffirmait les vertus environnementales du biométhane. Son utilisation est l’un des meilleurs moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) par les véhicules si l’on considère l’intégralité du cycle de l’énergie. Le biométhane est, sur ce point, plus intéressant que les véhicules électriques, même lorsque la production d’électricité est massivement décarbonée, comme en France.

La production française de biométhane était de 1,2 TWh en 2019. Cela représente 0,26 % des 451 TWh de méthane consommés en France en 2019. Il est donc souhaitable de multiplier les méthaniseurs en exploitant notamment l’importante ressource que constituent les déchets agricoles.

Injectée dans le réseau de distribution, une molécule de biométhane est indiscernable de son homologue d’origine fossile. Les transporteurs peuvent néanmoins prétendre rouler au biométhane grâce aux garanties d’origine. Ils paient dans ce cas le surcoût correspondant à la méthanisation et à l’injection dans le réseau. Bien que la production de biométhane ait été de 1,2 TWh en 2019, les 123 sites de méthanisation et d’injection en service fin 2019 représentaient une capacité de 2,2 TWh. Plus de mille projets de méthanisation sont en cours. Ils totalisent plus de 24 TWh, soit 5 % de la consommation de méthane en France.

Un méthaniseur tous les 20 km en zone rurale ?

Un méthaniseur a pour fonction de recueillir le méthane (biométhane) naturellement produit par la décomposition des déchets fermentescibles. Ces derniers sont issus de l’agriculture et de l’élevage, entre autres. 10 000 tonnes de déchets par an sont nécessaires pour faire fonctionner un méthaniseur. Selon le type de culture ou d’élevage, 1 000 à 1 500 hectares produisent ce volume. Cela correspond à une collecte de déchets agricoles dans un rayon de 10 kilomètres autour du méthaniseur. Chacun d’eux représente un investissement d’environ 4 millions d’euros. État s’engage pendant quinze ans à acheter le méthane qu’ils produisent à 100 €/MWh, donc beaucoup plus cher que le prix de gros du méthane fossile. Les recettes ainsi réalisées se répartissent à peu près équitablement en trois tiers. Ils correspondent à l’amortissement de l’investissement, à la valeur du déchet et au coût de fonctionnement.

Habituellement, le biométhane ne se rencontre que sous la forme GNC. Or le projet BioLNG Euro Net a l’intention de mettre en place un site de production de bio-GNL aux Pays-Bas. Il participera à l’approvisionnement de 39 stations Shell distribuant du GNL. Elles seront réparties de l’Espagne à la Pologne. Cofinancé par l’UE et soutenu par Shell, Scania et Iveco, ce projet doit s’accompagner de la mise à la route de 2000 camions GNL. En France, la première station Shell concernée par ce projet est celle de Mionnay dans l’Ain dont les travaux ont commencé en octobre 2019.L’arrêté du 8 août 2016 fixant « les conditions d’organisation du service public sur les installations annexes situées sur le réseau autoroutier concédé » définit les prestations que doivent fournir les stations-service autoroutières. À l’attention des stations situées en bordure de sections qui voient passer au moins 10 000 véhicules par jour en moyenne, son article 3 stipule « au moins une piste de distribution est destinée spécifiquement aux poids lourds » et surtout, « tout carburant usuel est distribué ». À partir de quel taux de pénétration du parc le GNV sera-t-il considéré comme un carburant usuel ? Dès qu’il le sera, les principales stations autoroutières auront l’obligation réglementaire de le distribuer. L’un des freins à l’adoption du GNV sera alors desserré.

Actualités

Grand angle

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15